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concile, un procédé différent : il n’en souffle mot, dans son Histoire de l’Église et des auteurs ecclésiastiques du xrie siècle, Paris, 1701. Lui, qui avait classé comme « généraux » les quatre premiers conciles du Latran, Histoire… du XIIe siècle, 1699, p. 735 ; Histoire… du xili » siècle, 2e édit., 1701, p. 355, qualifie le Ve de’concile » tout court et le met à peu près sur le même plan que le concile de Pise. Noël Alexandre, gallican aussi mais autrement mesuré que Dupin, n’a pas ses préventions contre notre concile : s’il ne le dit pas œcuménique en propres termes, il le^ laisse entendre, Hist. eccl., édit. Roncaglia-Mansi, Venise, 1778, t. ix, p. 506-507, en montrant que le concile de Pise revendiqua à tort les titres d’œcuménique et de légitime, et qu’à ce synode Jules II à bon droit opposa le concile du Latran, que Jules II et Léon X déclarèrent œcuménique. L’adhésion" de la France’et des royaumes chrétiens au concile a influé sur le jugement de Nocl Alexandre. Les ennemis intraitables de l’infaillibilité du pape ne se sont pas arrêtés à cette considération. Dans la conclusion de ses articles retentissants de Y Allgemeine Zeitung (1869), sur le concile^ et La Civiltà, reproduite dans ses Kleinere Schri/ten, édit. F. H. Reusch, Stuttgart, 1890, p. 419, Dôllinger parlait de Léon X et de « son concile de poche italien, le soidisant Ve du Latran ».

Ces négations et ces doutes ne tiennent pas : le Ve concile du Latran fut certainement œcuménique. On objecte le petit nombre des évêques présents, italiens pour la plupart, l’impossibilité pour les Français de venir au concile à travers l’Italie en armes. Sur ce dernier point, Léon X fit remarquer justement, à la xe session, que l’accès de Rome, périlleuse par le Dauphiné et la Lombardie, était sans danger par la Provence et Gênes. Labbe, col. 260. Quant au nombre des évêques, n’insistons pas sur le fait que les mêmes gallicans qui le disent insuffisant pour un concile œcuménique admettent l’œcuménicité du concile de Bâle, formé d’une poignée d’évêques, bientôt séparés du pape. Notons seulement que le concile œcuménique de Trente n’eut pas plus de 30 évêques et cardinaux à la i r< > session, de 47 à la xiii e, qu’il n’atteignit et dépassa qu’à partir de sa troisième reprise le chiffre du concile du Latran. Cf. Baguenault de Puchesse, Histoire du concile de Trente, Paris, 1870, p. 43, 100, 257, 293. Dans les temps anciens le I er concile de Conslantinople (381) n’eut que 150 Pères, tous orientaux ; le IVe de Constantinople (869-870) en eut 107. Voir t. iii, col. 1231, 1304, 1315. Au V* concile du Latran on vit, avec le pape, plus d’une centaine de Pères : Paris de Grassis compta un jour 146 ou 147 membres. L’Italie était principalement représentée ; mais l’Espagne et le Portugal le furent aussi, et l’Irlande, la Dalmatie, l’Allemagne, la Pologne, la Croatie, Chypre, et enfin la France. On y remarqua les patriarches latins d’Alexandrie et d’Antioche, trois envoyés des maronites, et le premier américain membre d’un ^concile, l’évêque Alexandre Gerardini, de Saint-Domingue. Cf. L. Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, trad. A. Poizat, Paris, 1909, t. viii, p. 252.

En soi et par comparaison avec d’autres conciles, le nombre des Pères fut donc suffisant pour l’œcuménicité du concile. L’autorité des deux papes qui le convoquèrent, le présidèrent, le confirmèrent, et, en supposant qu’elle ne se soit pas affirmée d’une manière assez forte, l’acceptation graduelle du concile par toute l’Église, lui assurent indubitablement le caractère d’œcuménicité. C’est là un fait dogmatique désormais établi, qu’on ne saurait, sans encourir la note de témérité, nier ou révoquer en doute.

III. Œuvhk du concile. — Le Ve concile du Latran qui dura près de 5 ans, contraste avec les 4 premiers conciles du même nom dont aucun ne dura un mois ; il

est vrai que la durée des conciles intermédiaires s’était allongée et pendant près de 4 années s’était poursuivi le synode de Florence. La forme des actes du Ve concile ne diffère pas moins de celle des 4 premiers ; nous n’avons plus leurs canons, en général brefs et incisifs, ni, comme dans d’autres conciles, des définitions de foi accompagnées de l’anathème, des professions de foi, des propositions condamnées, mais une série de constitutions pontificales, suivies d’ordinaire du Placet, unanime^ou presque, des Pères, dans lesquelles l’exposé des événements et des raisons qui motivent la décisionfpapale et conciliaire se déroule avec ampleur et solennité, dans le genre de la constitution’* Adfapostolicee dignitatis d’Innocent IV contre Frédéric II, au I er concile œcuménique de Lyon (17 juillet 1274).

1° La fin du schisme, le concordat avec la France, l’autorité des papes et des conciles. — Ce fut l’œuvre principale du concile. Jules II ; avait été mû par le souci de restaurer la souveraineté temporelle du Saint-Siège ; c’était le moyen de sauvegarder la liberté de l’Église. Louis XII, de son côté, en vue de ses intérêts temporels et de sa domination politique en Italie, se servit de l’arme du concile opposé au pape et, afin de tenir sous sa coupe le clergé de France et de mettre aisément la main sur ses revenus, rétablit la Pragmatique sanction de Bourges, décrétée en 1438 et abolie par Louis XI (1461). Là-dessus se greffa la question des rapports entre le concile et le pape : les idées des conciles de Constance et de Bâle, dont la Pragmatique s’inspirait et. dont, à son tour, s’inspira le conciliabule de Pise, prévaudraient-elles, ou, au contraire, l’autorité du pape s’imposerait-elle’? Régler la situation de l’Église de France, affirmer le vrai rôle du pape dans l’Église, telle fut la tâche première du concile.

Jules II déclare nettement, dans la bulle d’indiction, qu’il veut réprimer les tendances schismatiques, que les papes^seuls ont qualité pour convoquer les conciles, qu’un concile sans eux est nul et dénué de valeur. Du concile de Constance il se borne à dire que sa constitution Frequens sur la périodicité des conciles œcuméniques n’a pas été observée pendant quatrevingts ans, que, l’eût-elle été, elle ne l’obligeait pas, lui, dans les circonstances actuelles ; pour confondre, par les actes même de Constance, tanquam judœi ex propriis codicibus, les organisateurs du pseudo-concile de Pise qui se réclament de Constance, il fait remarquer, en passant, que Jean XXIII avait convoqué le concile de Constance. La suite répondra à ces débuts : le droit du pape et la conduite coupable des schismatiques seront affirmés tout le long du concile dans les constitutions pontificales et dans les discours des orateurs.

A la nie session, après le revirement qui a suivi la bataille de Ravenne, Jules II renouvelle sa déclaration de nullité du conciliabule de Pise et jette l’interdit^sur la France, exception faite du duché de Bretagne sans doute par égard pour la reine Anne de Bretagne. Lyon est devenu le siège du pseudo-concile, et l’archevêque de cette ville est l’un des chefs ; les foires de Lyon sont transférées à Genève, avec leurs franchises. Labbe, col. 83. A la ive session, le pape fit lire la lettre par laquelle Louis XI avait abrogé la Pragmatique et publier un monitoire, à l’adresse des prélats, chapitres, communautés, parlements et laïques de France, cujuscumque dignitatis etiamsi reyalis exstiterint — c’était une manière d’atteindre Louis XII sans le nommer, — favorables à la Pragmatique ; ils étaient cités devant le concile, dans un délai de 60 jours, pour s’expliquer sur leur attachement à la Pragmatique, laquelle attentait de tous points à la liberté de l’Église et à l’autorité de son chef, avait été introduite sans motif valable, retirée par Louis XI, était abusive, gravement nui-