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LATRAN (Ve CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU]


Venise notent qu’il y avait pensé pendant son séjour à Bologne, au printemps de 1511. Cf. M. Sanuto, / diarii, Venise, 1880, t. xii, p. 116. Et il y avait eu la bulle contre la simonie dans l’élection des papes, le 14 janvier 1505, Raynaldi, an. 1506, n. 1-5, et, le 4 novembre 1504, la nomination d’une commission de réforme ; quelques mesures réformatrices avaient suivi. Cf. L. Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, trad. F. Raynaud, Paris, 1904, 2° édit., t. vi, p. 413-415. Sans l’initiative prise par les rebelles, le projet du concile ne serait probablement pas entré aussi vite en voie d’exécution. Jules II comprit que c’était l’heure d’agir.

La bulle d’indiction lancée, il s’occupa des préparatifs du concile. Vingt cardinaux, dont six étaient de sa création, avaient souscrit cette bulle avec lui ; c’était une majorité imposante. Contre les trois meneurs de l’opposition, qui étaient, après Carvajal, les cardinaux Briçonnet et Borgia, parut, le 28 juillet, un monitoire, qui les sommait de se désister de leur entreprise schismatique. Raynaldi, an. 1511, n. 24-29. Des brefs et des nonces furent expédiés dans toutes les directions. Sur ces entrefaites, Jules II tomba gravement malade ; contre toute prévision il en réchappa. Le 4 octobre, il aboutit à conclure la « Sainte Ligue » pour la défense de l’unité de l’Église et de l’intégrité de ses États. Elle ne comprenait, aux débuts, que le pape, le roi d’Espagne et la République vénitienne ; mais on tenait pour sûre l’adhésion d’Henri VIII d’Angleterre, laquelle vint effectivement le 17 novembre ; on pouvait compter sur le très utile concours des Suisses, et on espérait détacher l’empereur du parti schismatique, ce qui eut lieu avant la tin de l’année, ce revirement étant imposé au bizarre souverain, qui avait rêvé sérieusement de devenir pape, par l’opposition formelle de l’épiscopat allemand au schisme. Le 21 octobre, en consistoire, Jules II destitua les cardinaux Carvajal, Briçonnet, Borgia et de Prie, et menaça de la même peine, s’ils ne se soumettaient point, Sanseverino et d’Albret ; c’était discréditer d’avance leur tentative conciliaire.

En fait, le pseudo-concile commença et se poursuivit pitoyablement, terne copie de celui de Bâle. Il n’y eut à Pise, avec les cardinaux Carvajal, Briçonnet, de Prie et d’Albret — Borgia était mort dans l’intervalle,

— que les deux archevêques de Lyon et de Sens, 14 évoques et 5 abbés français, et un petit groupe de théologiens et de juristes ; parmi eux, le bouillant et versatile Zaccaria Ferreri, d’abord bénédictin, puis chartreux, qui fut, après Carvajal, le véritable meneur de l’affaire. Une première réunion (1 er novembre) fut suivie de trois sessions dites solennelles (5, 7, 12 novembre). A la troisième, devant l’hostilité des Pisans, le concile fut transféré à Milan, alors sous la puissance directe des Français.

Le 3 décembre, Jules II préluda, par un sévère monitoire, à toute une série de mesures décrétées contre les rebelles en janvier 1512. Le 30 janvier, il destitua Sanseverino obstiné dans sa révolte. En mars, il étaDlit une commission cardinalice pour préparer la réforme de la curie et de ses fonctionnaires ; une bulle du 30 allégeait les charges résultant pour la chrétienté des droits perçus par la curie et supprimait quelques abus. Le pape s’était décidé à anticiper de la sorte l’œuvre du concile, après avoir renvoyé son ouverture d’abord au 1 er puis au 3 mai.

La cause du délai fut la situation critique des États du Saint-Siège. Gaston de Foix, le jeune et prestigieux capitaine et neveu de Louis XII, — magnus magister capitaneus, disent les Actes du concile de Latran, Labbe, col. 17, — s’était vanté de prendre Rome et de faire élire un nouveau pape. Il avait multiplié les actions d’éclat, et il les couronna par la bataille de

Ravenne (11 avril). Mais il trouva la mort dans la mêlée ; cette victoire* à la Pyrrhus marqua la fin de la prépotence française et du danger qu’elle constituait pour le pape. Le pseudo-concile, sous l’impression première de l’événement de Ravenne, crut pouvoir frapper Jules II ; il lui retira l’administration des affaires temporelles et religieuses, pour la transférer au saint synode (21 avril, dans la 8e session : les sessions précédentes avaient eu lieu la 4 e, le 4 janvier, la 5 e, le 11 février, la 6 e, le 24 mars, la 7 e, le 19 avril). Ce fut le tellum imbelle, sine ictu, d’une assemblée qui n’avait jamais été fort vivante et qui était en train de mourir.

2° Le concile de Latran sous Jules 11. — Le concile s’ouvrit à Saint-Jean de Latran le 3 mai. Le pape était entouré de 16 cardinaux — deux, malades, s’étaient fait excuser — et d’une centaine de prélats, italiens pour la plupart. Après la messe, le général des augustins, Gilles de Viterbe, verbi Dei prædicatorcm celeberrimum, disent les Actes, Labbe, col. 17, exposa, dans un discours vigoureux, les maux de l’Église et les bienfaits des conciles œcuméniques. Suivirent les prières et cérémonies d’usage en la session préliminaire. Puis le pape fit lire une brève et nette allocution sur la tâche du concile et, le déclarant ouvert, fixa la i’° session solennelle au 10 mai.

Le 10 mai, à la i ro session, le vénitien Bernard Zane, archevêque de Spalato, théologien et humaniste, prononça un discours, un peu lourd mais où se trouvent de belles idées, sur la question turque et l’unité de l’Église. De nouveau Jules II s’expliqua brièvement sur l’œuvre du concile. Lecture fut faite d’une ordonnance relative à des prières et à des exercices de piété, et l’on procéda à la nomination des fonctionnaires du concile qui prêtèrent serment.

La ne session (17 mai) fut signalée par un discours de Cajétan (Thomas de Vio), général des dominicains, sur l’Église et les conciles et contre le conciliabule de Pise-Milan. On lut une bulle du pape, par laquelle étaient confirmées et renouvelées les censures contre le conciliabule. La me session était ajournée au 3 novembre, en raison des chaleurs estivales et pour laisser aux représentants des nations le temps d’arriver.

Entre temps les troupes françaises durent évacuer la Romagne. Milan se souleva contre la domination de la France ; le conciliabule, ne se sentant pas en sûreté, èmigra d’abord à Asti, puis à Lyon, où il termina, sans bruit et sans clôture officielle, son ombre d’existence. L’armée française, en pleine déroute, arrivait au pied des Alpes le 28 juin ; en dix semaines Louis XII avait perdu ses conquêtes d’Italie, et même Asti, possession héréditaire. Mais les alliés de Jules II estiment que le pape a trop bien réussi, et sont mécontents de ce qu’il passe au premier plan. L’Espagne surtout a de l’inquiétude et le laisse voir. Pour faire contrepoids à l’Espagne, le pape recourt à l’empereur, n’hésitant pas à payer fort cher une alliance dont il a besoin. La prochaine session du concile est transférée du 3 novembre au 3 décembre, parce que Matthieu Lang, évêque de Gurk, conseiller très écouté de Maximilien et son lieutenant dans toute l’Italie, est attendu à Rome le 3 ou le 4 novembre, cum quo multa gravia, importantia et magni ponderis, agenda sint, dit la bulle de prorogation (30 octobre), Labbe, col. 66.

L’évêque de Gurk arriva le 4 novembre. Il fut la grande curiosité de Rome en ce mois ; les honneurs lui furent prodigués, Jules II le créa cardinal, lui passa même la fantaisie de garder son costume de chevalier tudesque parmi l’apparat des solennités, à la profonde consternation du maître des cérémonies et de maints dignitaires de l’Église. Cf. J. Klaczko, Rome et la