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LATRAN (IVe CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU)


passé la nuit circa comessationes superfluas et conjabu-’lationes illicilas, ut de aliis taceamus. Il en est d’autres qui célèbrent la messe à peine quatre fois l’an et, quod deterius est, interesse contemnunt (c. 17). Le concile réprime les abus des évêques en matière d’excommunication (c. 47, 49), de taxes (c. 63, 65), de procurations dues à l’occasion de leur visite (c. 33, 31) ; ce dernier point concerne, avec les évêques, les archidiacres, les nonces et légats du Saint-Siège. Le gouvernement des âmes étant l’art des arts, les évêques sont tenus d’instruire ou de l’aire instruire des offices divins et des sacrements les prêtres à promouvoir (c. 27). Dans toute cathédrale, comme l’a ordonné le IIIe concile du Latran mais sans grands résultats, et, en outre, dans toute église suffisamment riche, ils nommeront, de concert avec le chapitre, un maître qui instruise gratuitement les clercs de cette église et les autres écoliers pauvres ; toute église métropolitaine possédera un théologien qui enseignera la Sainte Écriture et tout ce qui regarde le soin des âmes (c. 11). C’est le temps où, les évêques restant essentiellement les prédicateurs, les prêtres sont associés à cette fonction. Parce que souvent, à cause de leurs occupations, de la maladie, de l’ampleur des diocèses, etc., ne dicamus defectum scientiæ, quod in eis est reprobandum omnino necde cselero lolerandum, des évêques ne suffisent pas à servir au peuple la parole de Dieu, le concile leur prescrit de choisir des hommes aptes à remplir l’office de la prédication, lesquels visiteront, à leur place, les peuples confiés à leur sollicitude et leur serviront de coadjuteurs et de coopérateurs tant dans l’office de la prédication que dans celui de la confession et dans tout ce qui se rapporte au salut des âmes (c. 10).

Entre plusieurs décrets sur les moines, leurs abus, leurs privilèges (c. 55-60, 64), deux méritent l’attention. A l’instar de Cîteaux et, au début de ce nouveau régime, avec l’aide de deux abbés cisterciens, dans chaque province ecclésiastique, on tiendra, tous les trois ans, un chapitre général des ordres religieux de la province, qui aura pleins pouvoirs pour s’occuper de la réforme de ces ordres et du maintien de la règle (c. 12). Puis, de peur qu’une diversité exagérée d’ordres religieux ne produise une fâcheuse confusion dans l’Église de Dieu, le concile défend d’introduire à l’avenir aucun ordre nouveau ; ceux qui voudront embrasser la vie religieuse recourront à l’un des ordres approuvés, quiconque voudra fonder une maison nouvelle devra prendre les règles et les institutions d’un des ordres déjà reconnus (c. 13). Les récits qui attribuent au concile, en contradiction avec ce décret, l’approbation de l’ordre naissant de saint Dominique ne reposent pas sur des témoignages contemporains. Jourdain de Saxe, dans sa "Vie du saint, c. ii n. 31-32, Acta sanctorum, août, t. i, p. 546, nous dit bien que Dominique était venu au concile de Latran, en compagnie de Foulques, évêque de Toulouse, afin d’obtenir d’Innocent III l’approbation de l’ordre qui Prœdicatorum diceretur et esset. Mais, ajoute-t-il, le pape, ayant entendu sa demande, se contenta « d’exhorter Dominique à retourner auprès de ses frères et, après en avoir délibéré avec eux, à choisir une règle monastique approuvée, sous laquelle il placerait son institut ; il reviendrait ensuite à Rome et obtiendrait en tous points la confirmation du pape. « Et, en effet, Dominique et ses frères adoptèrent la règle de saint Augustin, et l’ordre fut approuvé, le 22 décembre 1216, par Honorius III, successeur d’Innocent. Cf. J. Guiraud, Saint Dominique, Paris, 1899, p. 71-81 ; Mortier, Histoire des maîtres généraux de l’ordre des Frères prêcheurs, Paris, 1903, t. i, p. 24-25. On a prétendu, sans plus de fondement, que le concile confirma l’approbation verbale donnée à l’ordre franciscain en 1210. Aucun auteur ancien n’en parle. La Legenda trium

sociorum est alléguée à tort par L. Wading, Annales Minorum, t. i, p. 161 : le récit des trois compagnons, Rome, 1880, c.xii, p.68-76, se réfère au premier voyage de François d’Assise à Rome. Le seul témoignage précis que Wading allègue est celui d’un écrivain du xv° siècle, Ira Mariano de Florence. D’après la Chronica generalium ministrorum ordinis Fratrum minorum (du derniers tiers du xive siècle), dans les Analecta franciscana, Quaracchi, 1897, t. iii, p. 9, François vint à Rome « en 1215, au temps du concile général », et y rencontra, à la suite d’une vision, saint Dominique venu pour l’approbation de son ordre. Mais ni la Chronique, ni l’observantin Nicolas Glassberger, Chronica (fin du xv » siècle), dans les Analecta franciscana, Quartcchi, 1887, t. ii, p. 8, qui s’en inspire, ne savent rien de l’approbation par le concile de l’ordre de saint François. Pas de documents solides non plus pour établir la confirmation par le concile de l’ordre des croisiers (crucigerorum), fondé aux Pays-Bas en 1211 : elle est affirmée par des auteurs tardifs. Voir Mansi, t. xxii, col. 1077 ; Hélyot, Histoire des ordres monastiques, Paris, 1714, t. ii, p. 232.

Après les clercs, les laïques. Les canons sur le mariage, sur la confession et la communion annuelles, sur les malades, les intéressent, et pareillement le canon qui leur interdit d’offenser les monastères dans les personnes et les biens (finale du c. 12) et ceux qui règlent le pouvoir des patrons laïques des églises et le payement des dîmes (32, 43-46, 53-54, 61). Si les clercs ne doivent pas empiéter sur la juridiction laïque (c. 12), les laïques ne peuvent disposer des choses d’Église et contraindre les clercs qui ne tiennent rien d’eux en fief à leur jurer fidélité. Toute constitution laïque qui entend disposer des biens d’Église est sans valeur, cum non constitutio sed destilulio vel destructio dici possit necnon usurpatio jurisdiclionum (c. 44).

Tel fut le IVe concile œcuménique du Latran,

« l’aboutissement logique des travaux d’Innocent III,

la sanction et le couronnement de toutes ses entreprises, le signe visible, éclatant, de la suprématie spirituelle et temporelle conquise sur le monde par la monarchie romaine. » A. Luchaire, Innocent III. Le concile de Latran, Paris, 1908, p. vi. Faut-il ajouter que l’exécution ne répondit pas à toutes les belles promesses du concile ? Il avait décrété la paix universelle en Europe et la guerre continua de sévir, la croisade qui libérerait les Lieux saints et la croisade ne se fit pas. Dans l’ordre même de la réforme religieuse, ses décrets furent incomplètement observés ou ne le furent pas du tout. A tout prendre, le IVe concile du Latran marque une grande date et obtint des résultats, mais seulement partiels. Il est le point culminant de ce xiiie siècle qui est lui-même le point culminant du Moyen Age chrétien. Mais il eut à remédier à beaucoup de maux et beaucoup de maux durent être réprimés après lui. Tant il est vrai que l’Église ici-bas est essentiellement militante et que sa gloire, au Moyen Age « n’est pas d’avoir régné, mais d’avoir combattu. »

I. Sources.

1° Les lettres d’Innocent III, Reg., XVI, xxx-xxxvii, P. L., t. ccxvi, col. 823-832, cf. A. Luchaire, Revue historique, t. xcvii, p. 225, note 1 ; A. Potthast, Regesta pontificum romanorum, n. 5013, et les deux sermons prononcés, le premier sûrement, l’autre très probablement, par Innocent au concile, Sermones de diversis, vi-vn, P. L., t. ccxvii, col. 673-687. — 2° Les canons du concile. Publiés au nombre de 70, et suivis du décret Ad liberandam Terram sanctam, dans Concil. gênerai. Ecclesix catholicæ, Rome, 1628, t. iv, p. 43-63, d’après les mss de la Vaticane ; par Labbe et Cossart, Concilia, Paris, 1671, t. xi a, col. 142-233, et, à leur suite, Mansi, Concil., Venise, 1778, t. xxii, col. 9811068, etc., avec une traduction grecque, médiocre et mutilée, qui date, selon toute vraisemblance, du concile, d’après un ms. provenant de la bibliothèque de Mazarin. Ce ms., que Labbe et Cossart donnent pour contemporain du concile