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LATRAN (I «  « CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU]

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marquis, comtes, barons et autres grands vassaux, et les bourgeoisies des cités, villes et villages, en sorte que ceux qui ne se porteront pas personnellement au secours de la Terre sainte fournissent un nombre convenable de soldats et pourvoient pendant trois ans à leur subsistance. A. Luchaire, Revue historique, t. xcviii, p. 1, et L. Bréhier, L’Église et l’Orient au Moyen Age. Les croisades, 2e édit., Paris, 1907, p. 179. forcent le sens du décret en disant, le premier : « Les rois… qui ne prendront pas personnellement part à l’expédition seront tenus de s’y faire représenter, » et le second : « Tous les fidèles devaient prendre la croix ou contribuer à l’expédition de leurs revenus. » Pour les besoins de la croisade, le pape, qui a déjà fait de grandes largesses, et les cardinaux donneront le dixième de leurs revenus ; les clercs, sauf ceux qui seront de la croisade et certains ordres religieux, le vingtième. Des anathèmes sont renouvelés, et des interdictions, afin de rendre la croisade possible et fructueuse. Anathème aux pirates et aux corsaires qui capturent et rançonnent les pèlerins, aux mauvais chrétiens qui vendent aux sarrasins des vaisseaux et du matériel de guerre ! Défense, pendant trois ans, de s’adonner à des tournois ! Et, parce que la guerre entre princes chrétiens compromettrait la sainte entreprise, le pape, à la demande du concile, édicté, pour quatre ans, la paix générale, que tous devront garder sous les plus graves peines, spirituelles et temporelles. Pendant leur absence, les croisés seront exempts de toute taille, de toute charge ; leurs personnes et leurs biens seront sous la protection de saint Pierre. Les croisés et tous ceux qui participeront à la croisade en quelque façon, dans la mesure de leur concours et. de leurs dispositions intimes, auront une indulgence plénière pour les péchés confessés et regrettés véritablement.

Les magnifiques espérances d’Innocent ne se réalisèrent pas. Sa mort, qui ne tarda guère (16 juillet 1216), fut pour quelque chose dans leur avortement. Mais surtout, comme Je dit L. Bréhier, L’Église et l’Orient au Moyen Age. Les croisades, p. 180, « à la politique œcuménique du pape défenseur des intérêts de la chrétienté s’opposent désormais les intérêts des puissances territoriales et commerciales… D’autre part, la conquête de Constantinople, la croisade des albigeois, celles d’Angleterre, de Prusse, d’Espagne ont dispersé les efforts qui auraient pu se concentrer vers la Terre sainte. Appliquée à des schismatiques, puis à des hérétiques, puis à des chrétiens révoltés, l’idée de la croisade a perdu son caractère » primitif « et a fini par se discréditer ».

Le dogme et l’opposition anticatholique.

1. Les

albigeois. — Contre eux le concile œcuménique promulgue la profession de foi connue sous le nom de chapitre Firmitcr (le premier mot du c. 1), un des actes les plus importants du magistère de l’Église. Sur ce décret voir Albigeois, t. i, col. 683. En outre, transformant les décisions antérieures d’Innocent III en canon de l’Eglise universelle (c. 3), il règle la répression de tous les hérétiques, quel que soit leur nom ; évidemment les albigeois sont visés en première ligne. Il les excommunie et les livre aux puissances séculières, qui leur infligeront le châtiment dû. Celte animadversio débita comprend le bannissement (cxlerminium, exlerminaie — bannissement, bannir, non pas tuer, exterminer au sens actuel du mol) des coupables, avec toutes ses conséquences, en particulier la confiscation des biens. Ce n’est pas la peine de mort ; Innocent III ne l’a jamais prescrite. Voir t. iiv col. 2049. Le concile frappe également les fauteurs des hérétiques, seraient —ils princes, et ordonne de dépouiller de huis domaines, tout en sauvegardant les droits du seigneur suzerain, .ceux qui refuseraient d’en expul ser les hérétiques. Les privilèges des croisés de la Terre sainte, sont accordés à quiconque prendra part à la croisade contre les partisans de l’hérésie. Enfin, marchant sur les traces des conciles d’Avignon (1209), c. 2, et de Montpellier (1215), c. 46, dans Mansi, t. xxii, col. 809, 950, on invite les évêques à s’occuper de la poursuite des hérétiques ; c’est l’inquisition épiscopale, à laquelle s’ajouteront, sans la détruire, d’abord l’inquisition légatine, puis l’inquisition dite monastique ou inquisition tout court. Voir t. vii, col. 2026-2028, 2062-2063.

La croisade des albigeois avait été l’application anticipée de la partie du canon relative à la guerre sainte.Quant aux terres enlevées par Simon de Montfort à Raymond VI de Toulouse, fauteur de l’hérésie, le légat Pierre de Bénévent, requis par le concile de Montpellier (janvier 1215) de les transférer officiellement à Simon, n’y avait pas consenti faute de pouvoirs. L’attribution définitive était réservée au concile de Latran. Raymondistes et montfortistes se trouvèrent aux prises au concile. Quelques membres voulurent qu’on rendît à Raymond, ou, du moins, à son fils, le jeune Raymond VII, innocent des méfaits de son père, les domaines conquis par Montfort. Le pape inclina vers cette manière de voir. Nous avons làdessus le bref témoignage de Guillaume le Breton, Gesta Philippi Augusti, dans Œuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, édit. H. F. Delaborde, Paris, 1882, t. i, p. 306, et le long récit, dramatisé mais historique, de l’auteur de la seconde partie de La chanson de la croisade contre les albigeois, v. 3161-3731, édit. P. Meyer, Paris, 1875, t. i, p. 141-164 ; cf. P. Meyer, 1879, t. ii, p. lxvii-i.xxv. « Le concile presque tout entier, dit Guillaume, protesta contre cette intention. » Innocent, ébranlé par la résistance, publia, le 14 décembre 1215, un décret qui est, en somme, un acte de transaction, un compromis entre les intérêts de Montfort et ceux de Raymond VII. Mansi, t. iixx col. 1069-1070.

2. Les vaudois.

Le concile ne nomme ni Tes cathares ni les vaudois. Deux articles du c. Firmiter, dirigé spécialement contre les cathares, s’opposent aux doctrines vaudoises : ceux qui regardent le prêtre seul ministre de l’eucharistie et la validité du baptême des enfants. Voir t. i, col. 685. La partie du c. 3 (vers la fin) qui se rapporte aux prédicateurs sans mission vise surtout les vaudois.

3. Quia vero nonnulli, sub

specie pietatis, virtutemejus,

juxta quod ait apostolus.ab negantes, auctoritatem sibi

vindicant prnedicandi, cum

idem apostolus dicat : Quo modo prsedicabunt nisi mit tantur ? omnes qui, proliibiti

vel non missi, præter aucto ritatem ab apostolica Sede

vel catholico episcopo loci

susceptam, publiée vel pri vatim pradicationis officium

usurpare præsumpserlnt ex communicationls vinculo in nodantur, et, nisi quantocius

resipuerint, alia oompelenti

prena plectantur. Denzinger Bannwart, n. 434.

Parce que certains, ayant

les dehors de la piété sans en

avoir la réalité, comme dit

l’apôtre, s’attribuent l’auto rité de prêcher, alors que le

même apôtre dit : Comment

prècheront-ils s’ils ne sont

envoyés ? tous ceux qui, en

ayant la défense ou n’étant

pas envoyés, sans pouvoir

reçu du Siège apostolique

ou de l’évoque catholique

du lieu, auront l’audace

d’usurper en particulier ou

en public l’office de la prédi cation seront excommuniés,

et, s’ils ne viennent au plus

vite à résipiscence, frappés

d’une autre peine conve nable.

Ces lignes reproduisent tel quel un passage de la célèbre constitution Ad abolendam de Lucius III au concile de Vérone (118 1), Décret., t. V, tit. VU, c. 9. Elle condamnait les vaudois sous le nom de pauvres de Lyon, en compagnie des cathares et d’autres hérétiques. Prêcher sans l’agrément, puis contre la défense de l’autorité religieuse avait été la caractéristique de