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LATRAN (I «  « CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU]

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sauf en ce qui concerna la compétition à l’empire, moins de les discuter que de confirmer solennellement et de promulguer les décisions arrêtées d’avance.

Le 11 novembre 1215, Innocent III, sur un trône d’où il dominait l’assemblée, ouvrit le concile par un discours majestueux, bourré de textes bibliques, quelque peu subtil mais qui exprimait à merveille, dans le goût du temps, sa pensée sur la réforme de l’Église et la délivrance des Lieux saints. Commentant le Desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum antequam patiar, Luc, xxii, 15, il distinguait les trois sens dans lesquels l’Écriture emploie le mot « Pâque », et disait vouloir célébrer, avec le concile, une triple Pâque : une Pâque corporelle, afin que se produisît un passage temporel, c’est-à-dire afin que Jérusalem fût délivrée ; une Pâque spirituelle, passage d’un état à un autre, du vice à la vertu, le passage à la réforme de l’Église ; une Pâque éternelle, passage de la vie temporelle à la gloire céleste. Le pape aspirait à célébrer cette dernière Pâque dans le royaume de Dieu avec les Pères du concile. P. L., t. ccxvii, col. 673-680. Quand il eut terminé, Innocent donna la parole d’abord au patriarche de Jérusalem, puis à Thédise, évoque d’Agde. Le premier retraça les malheurs de la Terre sainte et implora pour elle des secours qui étaient urgents. Le second dénonça l’albigéisme et les albigeois. Après ces discours, sur l’ordre du pape, les prélats sortirent de la basilique.

A la deuxième session, le 20 novembre, vint sur le tapis la compétition à l’empire entre Otton de Brunswick, excommunié par Innocent III, et le jeune Frédéric II, pupille du pape. Bérard, archevêque de Païenne, plaida la cause de Frédéric. Puis l’un des députés de Milan parla en faveur d’Otton. Les murmures qui s’élevèrent aussitôt témoignèrent des dispositions hostiles de la majorité. Le pape imposa silence. Le Milanais reprit son discours, et lut une lettre dans laquelle Otton se plaignait d’Innocent, se disait prêt à rentrer dans l’obéissance due à Rome et à donner les garanties qu’on exigerait de lui, et priait les cardinaux et les prélats de lui obtenir l’absolution. Ensuite Guillaume VI, marquis de Montferrat, prononça contre Otton un sévère réquisitoire. Le pape, qui l’avait écouté avec une faveur marquée, réfuta à son tour la plaidoirie milanaise. Comme le Milanais répondait au marquis et au pape, une altercation éclata entre les partisans d’Otton et ceux de Frédéric. Les choses tournaient mal. Le pape leva la séance.

La question anglaise vint pareillement devant le concile. Est-ce dans une séance générale que fut confirmée l’excommunication lancée contre les barons anglais qui s’étaient soulevés contre Jean Sans-Terre, devenu vassal et tributaire du pape ? Voir Innocent III, t. vii, col. 1967. Oui, semhle-t-il. Une bulle du 16 décembre 1215, dans Potthast, Iiegesta, n. 5013, porte : Nos nuper, in concilio gênerait constitua, excommunicavimus barones Anglise. Quant à la suspension d’Etienne Langlon, archevêque de Cantorbéry, organisateur de la révolte, elle fut confirmée dans une séance préparatoire et notifiée par une bulle du 4 novembre. Cf. Potthast, n. 5005-5006. Les raisons mises en avant par Mansi, l. xxii, col. 1 083, pour dénier l’authenticité de cette bulle ne tiennent pas. Cf. A. Luchaire, Revue historique, t. xcvii, p. 245210.

A la dernière session solennelle, le 30 novembre, une partie des biens de Raymond VI de Toulouse fut attribuée à Simon de Montfort, la doctrine trinilaire de Joacbim de Flore condamnée, et Frédéric II, dont l’élection par les princes allemands fut confirmée, désigné pour futur empereur. Après quoi, furent promulgués des canons sur la réforme de l’Église. « Ainsi, dit Richard de San-Germano, p. 94, en l’honneur de la

Sainte Trinité, le saint synode avait accompli son œuvre en trois sessions. »

Il est vraisemblable qu’Innocent prononça un discours dans chacune des deux dernières sessions comme il le fit dans la première. Il y a de bonnes raisons, quoi qu’en pensent Hefele et Luchaire. de retrouver celui de la me session dans le Sermo in concilio generali habitus de P. L., t. ccxvii, col. 679-688. Quant à celui de la II e, il s’est perdu, mais, d’après une indication relevée par Theiner, Monumenta Slavorum, Rome, 1863, p. 63, il aurait porté sur l’enseignement trinitaire da Jotchim de Flore.

II. Liste des canons.

L’édition < vulgate » des canons du concile en compte 70, en plus du décret sur une nouvelle croisade. Des manuscrits en donnent 71 ; ils dédoublent le canon 62. Cf. A. Luchaire, Revue historique, 1908, t. xcviii, p. 4, note 1. Les rubriques du registre perdu publiées par A. Theiner, Monumenta Slavorum, p. 63, en signalaient 68, devenus sans doute 70 par la division d’un ou de deux canons. Plus nombreux que ceux des trois conciles précédents, ils gardent et accentuent encore l’ampleur de la forme qui avait caractérisé les canons du IIIe concile, en même temps qu’ils se distinguent par leur netteté juridique.

Il n’y a pas à prouver aujourd’hui que ces décrets furent l’œuvre du concile, non du seul Innocent III, comme Noël Alexandre, Hist. eccl., t. viii, p. 254-255, après Raynaldi, Annal., an. 1215, n. 7, avait eu à le faire contre Marc-Antoine de Dominis, Louis Servin et Jean Barclay. L’objection principale de Barclay avait pour point de départ une singulière inéprise. Cinq canons (11, 29, 33, 46, 61) portent : « Il a été réglé dans le concile du Latran » ; Barclay d’en déduire que les canons furent rédigés par Innocent après le concile. Il ne s’était pas aperçu que les renvois au

« concile du Latran » visent le IIIe concile œcuménique

(canons 4, 9, 13, 18), dont le IVe concile renouvelait plusieurs décisions. Tous les mss. et les auteurs contemporains attribuent les canons au concile. Parmi eux, Albéric de Trois-Fontaines, Chronicon, dans Monum. Germ. hist., Script., t. xxiii, p. 903, écrit : Et hœc sunt capitula hujus magni concilii numéro 70 breviler annotata, et il en commence une analyse, qu’il arrête au c. 17. Selon la juste remarque du Chronicon S. Martini Turonensis, ibid., t. xxiii, p. 466, sancta sijnodus multa constituit multaque constilnla a rctroactis temporibus confirmavit. Les 70 canons du IVe concile du Latran ont passé dans les Décrétâtes Gregorii papw IX. sauf les n. 42 et 49.

1. Profession de foi contre l’hérésie cathare. Decrctales, t. I, tit. i, cl. — 2. Contre l’erreur antitrinitaire de Joachim de Flore et la doctrine d’Amaury de Chartres. Décret., t. I, tit. i, c. 2. — 3. Pénalités, croisade procédure, inquisition épiscopale contre les hérétiques. Décret., t. V, tit. vii, c. 13. — 4. Défense aux grecsunis de rebaptiser les enfants baptisés par les latins ou de laver les autels sur lesquels les latins ont célébré. Décret., t. III, tit. xi.ii, c. 6. — 5. Sur les privilèges des sièges patriarcaux. Décret., t. V, tit. xxxiii, c 23. — 6. Sur les conciles provinciaux. Décret., 1. V. tit. i, c. 25. — 7. Sur le devoir de correction par les évêques et les chapitres des abus de leurs sujets. Décret.. I. I, lit. xxxi, c. 13. — 8. Sur la procédure ecclésiastique criminelle. Décret., t. V, tit. r, c. 24. — 9. Sur les règles â suivre là où il y a plusieurs rites. Décret.. I. 1. tit. xxxi, c. 14. — P ». Sur les prédicateurs et confesseurs appelés à suppléer à l’insuffisance des évêques. Décret., t. I, tit. XXI, C 15. — 11. Sur l’institution d’un maître pour Instruire les clercs dans toute église suffisamment riche et d’un théologien, dans toute église métropolitaine, pour initier à la Sainte Écriture et au soin des âmes. Décret., t. V, tit. V, c. 4. — 12. Sur les chapitres généraux des ordres religieux et le bon étal