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LATRAN (IVe CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU]


avec un grand empressement, les princes et les prélats et la fleur et l’honneur du clergé tout entier ». P. L., col. 965-966.

Pourquoi veut-il une nombreuses assistance ? « Pour mesurer les forces de l’Église, ut vires Ecclesise meliretur », dit la Chronica S. Pétri Erfordensis moderna, dans Monum. Germ. hist., Script., t. xxx, p. 384. Inocent III dit mieux encore : « Parce que, Dieu le sait, deux choses surtout lui tiennent à cœur, à savoir le recouvrement de la Terre sainte et la réforme efficace de l’Église universelle », et que, ces deux choses intéressant l’état commun de tous les fidèles, le concile général a paru le meilleur moyen de pourvoir à ces deux nécessités. P. L., t. ccxvii, col. 673 (discours d’ouverture du concile). Cf., t. ccxvi, col. 824, la lettre de convocation. Dans un magnifique langage, il formule un idéal en partie irréalisable, mais dont il est beau d’avoir voulu s’approcher le plus possible. Tout en maintenant la foi et la morale chrétiennes, ce qui est l’objet direct de leur mission, les Pères du concile, appelés à résoudre les conflits qui divisaient le monde,

« se trouvaient transformés, pour la circonstance, en

un vaste aréopage d’arbitres internationaux », dit A. Luchaire, Revue historique, t. xcvii, p. 228.

Le concile ne peut se réunir avant deux ans : Innocent III déclare que, dans l’intervalle, en toutes les provinces il fera rechercher ce qui a besoin de « la lime de la prévoyance apostolique » et enverra des hommes idoines qui prennent en mains les intérêts de la Terre sainte, quitte à diriger lui-même l’affaire, si le concile l’approuve. P. L., t. ccxvi, col. 824. En France, le cardinal Robert de Courçon — sa conduite devait exciter des plaintes — fut chargé, à titre de légat, de recueillir des subsides pour la délivrance de la Terre sainte. Le clergé de France, le roi Philippe-Auguste, son fils aîné, le futur Louis VIII, et l’épouse de ce dernier, Blanche de Castille, sont priés de bien accueillir et d’aider le légat. P. L., t. ccxvi, col. 827828.

Quoi qu’il faille penser de l’affirmation de certains chroniqueurs qu’un ou plusieurs évêques, et d’autres personnages, moururent étouffés par la foule, il est sûr qu’on afflua de partout. Une pièce officielle existe, qui faisait partie du protocole du concile et qui a servi de base à tous les récits contemporains. Voir, par exemple, Burchard de Biberach et Conrad de Lichtenau, Chronicon Urspergense, dans Monum. Germ. hist., Script., t. xxiii, p. 378, avec cette précision : Hsec ex protocollo synodi liausta sunt. Il y est dit qu’ « à ce concile prirent part 412 évêques. Parmi eux, deux des principaux patriarches, celui de Constantinople et celui de Jérusalem. Le patriarche d’Antioche, gravement malade, n’a pas pu venir, mais s’est fait représenter par l’évêque dcTortosa. Le patriarche d’Alexandrie, dont le siège est compris dans un État sarrasin, a fait ce qu’il a pu ; il a envoyé à sa place un diacre, son frère. Le chiffre des primats et des archevêques présents s’élevait à 71 ; celui des abbés et des prieurs au de la de 800. On n’a pu calculer avec certitude le nombre des personnes chargées de représenter les archevêques, les évêques, les abbés, les prieurs et les chefs de chapitre absents. Il faut y ajouter enfin la multitude considérable des représentants des pouvoirs laïques : roi de Sicile, élu roi des Romains (Frédéric II), empereur de Constantinople, roi de France, roi d’Angleterre, roi de Hongrie, roi de Jérusalem, roi de Chypre, roi d’Aragon, autres princes et barons, cités et autres lieux. » Le concile ne comprenait donc pas seulement le clergé catholique d’Europe et d’Asie.

« Tous les gouvernements laïques, depuis les empires

et les royautés jusqu’aux gouvernements municipaux, civitates et alii loci, sans compter ceux des princes féodaux, y furent représentés. De sorte,

remarque A. Luchaire, Revue historique, t. xcvii, p. 231, que, dans ces assises solennelles de la chrétienté, tous les éléments sociaux de quelque importance avaient leur place. »

Nous ne possédons pas un état de présence officiel de tous les personnages, ecclésiastiques et laïques. Mais A. Luchaire a publié, d’après un manuscrit de Zurich, Journal des savants, 1905, p. 561-563, la liste des 19 cardinaux et des 400 et quelques archevêques et évêques présents au concile, qui se trouvait dans le registre, disparu depuis le xive siècle, des lettres de la 18e année du pontificat d’Innocent. Y figurent surtout l’Italie, la France, les Iles Britanniques. L’Allemagne beaucoup moins, ce qui s’explique prr les divisions de ce pays, tiraillé par la schisme et la rivalité d’Otton de Brunswick et de Frédéric IL De l’Orient ne sont guère venus qu’un petit nombre de prélats, latins d’origine : archevêques de Makri (Thrace), de Patras, d’Athènes, etc. En outre, le patriarche des maronites, les évêques de Livonie (plus tard Riga) et d’Esthonie (plus tard Dorpat). Les chroniqueurs fournissent des renseignements complémentaires. Ils nous livrent les noms de plusieurs évêques ou abbés que la liste passe sous silence ou décrivent l’attitude des évêques au concile. C’est le cas pour ce fastueux évêque de Liège, Hugues, qui parut, à la première session, avec la tunique écarlate et le chapeau vert en sa qualité de comte, à la deuxième en sa qualité de duc, avec une chape à manches, de couleur verte, et enfin, à la troisième, en évêque, avec la mitre, sous prétexte que le pape avait convoqué les souverains laïques en même temps que les chefs d’églises et que l’évêque de Liège cumulait avec sa dignité épiscopale les titres de comte et de duc. Cf. Gesta episcoporum Leodiensium abbreviata, dans Monum. Germ. hist., Script., t. xxv, p. 134. Césaire d’Heisterbach, Dialogus miraculorum, t. III, c. xxxiii, dans Raynaldi, Annal., an 1215, n. 19, raconte qu’Innocent manda et interrogea un convers cistercien, le bienheureux Simon d’Aulne, qui passait pour avoir l’esprit de prophétie. Sur les représentants des gouvernements laïques, rois, féodalité et communes, nous sommes mal renseignés. Sans dire, avec A. Luchaire, Revue historique, t. xcvii, p. 235, que « le monde entier était là », nous pouvons affirmer qu’il y eut foule. Aux indications fournies par la liste brève du protocole du concile s’ajoutent celles des chroniqueurs : ils mentionnent la présence des délégués de la puissante commune de Gênes et de plusieurs républiques lombardes, des principaux acteurs de la tragédie albigeoise, etc.

Le concile s’ouvrit le 11 novembre 1215. II. y eut deux autres sessions solennelles, le 20 et le 30 novembre, le tout dans la basilique de Saint-Jean de Latran.

Avant la première session et dans l’intervalle d’une semaine qui sépara chacune des deux suivantes, des séances privées se tinrent dans Je palais du Latran contigu à l’église. On y aborda plusieurs questions d’intérêt particulier. Telle l’affaire de la primatie de l’archevêché de Tolède sur l’Espagne entière, sans en excepter Compostelle, et une partie de la France ; elle fut discutée dans une des salles d’audience, annexées à la chapelle Saint-Nicolas, qui remontaient à Calixte II et qu’ornaient des peintures dont l’une représentait le triomphe de Calixte sur l’antipape Bourdin. Cf. A. Luchaire, Revue historique, t. xcvii, p. 247254. Telle une série de conflits entre gens d’Église. Nombre de questions politiques et ecclésiastiques furent débattues de la sorte avant l’inauguration officielle ou dans des séances intérimaires. On réserva pour Jes trois sessions générales les questions d’ordre général : Terre sainte, foi, réforme. Encore ces questions furent-elles mises au point dans des séances préparatoires, et le but des sessions publiques fut-il