Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/620

Cette page n’a pas encore été corrigée
2649
2650
LATRAN (Ilie CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU ;


les routiers des pays infestés par l’hérésie et utilisés au profit de l’hérésie, car il ajoute que ceux qui les emploient ne seront pas reçus dans la communion de l’Église nisi societate Ma pestifera et hæresi abjuratis.

Suit, contre eux, la proclamation de la guerre sainte. C’était une grande nouveauté. Elle avait pour base les textes (de saint Augustin pour la plupart) que Gratien a réunis dans la cause XXIII de son Décret. Mais l’application de ces principes fut élargie. Pour la première fois, le IIIe concile du Latran proclama la croisade intérieure. La guerre en pays chrétien sera non pas dirigée par l’Église elle-même, comme plus tard dans la croisade des albigeois, mais provoquée, patronnée, enrichie par elle des mêmes indulgences qu’elle accorde aux croisades en pays infidèles. Où des historiens ont outré la pensée du concile, c’est en disant qu’il a déclaré la guerre sainte contre les hérétiques en tant que tels. Non. La sentence du concile porte exclusivement contre ceux qui soudoient ces malandrins, et les fidèles sont invités à s’opposer par les armes aux débordements antichrétiens et antisociaux de ces aventuriers qui ne respectent ni églises ni monastères, n’épargnent ni veuves ni pupilles, ni vieillards ni enfants, ni l’âge ni le sexe, mais perdent et dévastent tout, à la manière des païens : ut tantis cladibus se viriliter opponant et contra eos armis populum christianum tueantur.

2. Les vaudois.

Aussi longtemps qu’on a identifié albigeois et vaudois et qu’on s’est obstiné à ne pas tenir compte de la démonstration, faite par Bossuet, Histoire des variations des églises protestantes, t. XI, de leurs différences essentielles, on a tenu les vaudois pour englobés dans la condamnation du c. 27. Aujourd’hui l’histoire est désencombrée de cette erreur. Des vaudois il fut question au concile, mais à part dss cathares. Voir l’art. Vaudois.

Pierre Valdo n’avait guère commencé de répandre ses idées qu’en 1176. L’archevêque de Lyon ayant défendu la prédication au réformateur et au petit groupe de ses disciples, Valdo se rendit à Rome, au moment du concile. Le pape « embrassa Valdo et approuva le vœu qu’il avait fait de la pauvreté volontaire, mais lui défendit et à ses compagnons de s’arroger l’office de prédicateur, à moins qu’ils n’y fussent autorisés par le clergé », au dire de l’anomyme deLaon, Chronica universalis (écrite vers 1220), dans Monum. Germ. hist., Scriplores, t. xxvi, p. 449. Etienne de Bourbon, de son côté, Anecdotes historiques, Paris, 1877, p. 292-293 (extraits de son Traclatus de septem donis Spiritussancti, composé entre 1249 et 1261), dit que Valdo et les siens, bannis de Lyon, ad concilium quod fecit Romæ ante Lateranense (avant le IVe concile du Latran en 1215, donc au IIIe concile) vocati, et pertinaces, fuerunt schismatici postea judicati : c’est-à-dire qu’ils furent convoqués au concile, qu’ils s’opiniâtrèrent (à prêcher) et que, plus tard, ils furent jugés schismatiques. Un troisième témoignage, de plus de prix, est celui de Walter Map, qui lut non seulement contemporain, mais encore présent au concile, à titre de représentant du roi d’Angleterre, et chargé par Alexandre III de disputer, au concile, contre deux vaudois qui sua videbantur in secta præcipui. Dans son De nugis curialiiim, dist. I, c. xxxi (remanié à plusieurs reprises de 1181 à 1192), il raconte qu’il n’eut pas de peine à percer à jour leur ignorance et à faire rire d’eux, conjusique recesserunt et merito. Monum. Germ. hist., Script., t. xxvii, p. 6667. Il résulte de ces trois témoignages que, la prédication ayant été interdite aux vaudois inexpérimentés et ignorants, ils furent convoqués au concile pour s’expliquer sur leurs doctrines, ou, plus probablement, ils s’y rendirent d’eux-mêmes afin d’obtenir une approbation que l’archevêque de Lyon avait refusée. Valdo n’alla pas à Rome : « Je vis à ce concile, dit Map, des

hommes simples et illettrés, appelés vaudois du nom de leur chef, Valdo », ce qui suppose que Valdo n’était pas avec eux. On s’aperçut vite que c’étaient des gens dénués de culture. Il est possible — il est même probable — que le pape leur ait dit de bonnes paroles au sujet de leur vœu de vie parfaite. Il est plus probable encore qu’il leur interdit la prédication à cause de leur ignorance, ou que, s’il l’autorisa, ce fut de façon conditionnelle, en faveur de ceux que le clergé estimerait aptes à ce ministère. Pour le moment, il n’y eut pas de condamnation proprement dite. Mais’Map comprit que le valdisme, objet de risée, pourrait devenir un péril : quod si admiserimus, expellemur.

3. Les juifs et les sarrasins.

Les historiens juifs H. Vogelstein et P. Rieger, Geschichte der Juden in Rom, Berlin, 1896, t. i, p. 224, disent qu’ « Alexandre III, un des plus grands hommes qui aient porté la tiare papale, se montra favorable aux juifs pendant la plus grande partie de son pontificat, aussi longtemps qu’il eut besoin de leur aide financière » — il eut pour administrateur de ses finances le juif Yehiel ben Abraham — ; mais, ajoutent-ils, « quand la victoire de Legnano lui eut rendu les mains libres, il montra ses vrais sentiments, et le concile du Latran lui fournit le moyen de procéder avec plus de rigueur contre les juifs. » Au contraire, l’historien juif Gràtz, Histoire des juifs, trad. M. Bloch, Paris, 1893, t. iv, p. 131, est d’avis que « ce pape donna aux juifs des preuves de son bon vouloir au concile du Latran ». En dépit des menées belliqueuses de plusieurs membres, » les décisions de cette haute assemblée sont animées d’un véritable esprit de justice et de tolérance. En dehors de la défense, faite depuis longtemps aux juifs, d’employer des domestiques chrétiens, et qu’il renouvela, le concile du Latran ne prit aucune mesure contre eux. En revanche, il interdit de leur imposer le baptême par la violence, de les attaquer, de les piller ou de troubler la célébration de leurs fêtes religieuses. ». Ce résumé des dispositions du concile n’est pas tout à fait exact. Le concile renouvela, en effet, la défense pour les juifs d’avoir des serviteurs chrétiens. En outre, il statua que le témoignage des chrétiens serait valable contre les juifs, puisque ceux-ci admettaient le témoignage des leurs contre les chrétiens, et qu’agir autrement serait préférer aux chrétiens les juifs alors que eos subjacere christianis oporleat et ab eis pro sola humanitate foveri. Enfin-, il défendit qu’on privât de leurs biens les juifs qui se convertissaient au christianisme. Quant à la défense de baptiser les juifs de force, de leur nuire ou de les molester en quelque façon, elle a été portée souvent par les papes ; elle l’a été par Alexandre III, mais non au IIIe concile du Latran. Cf. F. Vernet, Papes et t’uifs au xme siècle, dans L’Uni"ersité catholique, Lyon, 1896, t. xxi, p. 78.

De même qu’aux juifs le concile interdit aux sarrasins d’avoir des chrétiens à leur service (c. 26). Il excommunia les chrétiens, férocement cupides et pareils ou supérieurs en malice aux sarrasins, qui leur livraient des armes, du fer, du bois de construction pour les navires et tout ce qui servait à combattre les chrétiens, ou qui commandaient ou dirigeaient, en qualité de pilotes, leurs galères et leurs navires destinés à la piraterie (c. 24).

Les autres questions traitées au concile.

Nous

n’avons pas à revenir sur la condamnation par Alexandre III de la formule néo-adoptianiste de Pierre Lombard. Cf. Mansi, t. xxii, col. 239, 453-454, 457. Elle n’eut pas lieu au concile, quoi qu’on en ait dit, mais lui fut antérieure. Voir 1. 1, col. 416-417.

La plupart des dispositions disciplinaires renouvellent des règles anciennes, quitte à y introduire quelques détails tristement révélateurs ; tel celui contre incontinentia Ma quæ est contra naturam (11). Une nou-