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LATRAN (lie CONCILE ŒCUMÉNIQUE DU)


ajoute que le pape interdit, en particulier, l’exercice des fonctions sacrées et l’ascension à un ordre supérieur à tous ceux que Gérard, évêque d’Angoulême, qui s’était rangé du côté de l’antipape, avait promus au service des autels. Puis il désigna nommément les coupables, leur reprocha avec indignation leur conduite et les dépouilla de leurs crosses, de leurs palliums, de leurs anneaux de pontifes. Enfin il donna ordre à son légat Geoffroy, évêque de Chartres, de visiter l’Aquitaine et toute la Gaule et de détruire les autels consacrés par Gérard d’Angoulême et par Gilles de Tusculum, un autre partisan d’Anaclet, afin que ne subsistât aucun souvenir du schisme.

La sentence contre les actes de l’antipape se retrouve, sous une forme plus précise, dans le canon 30 du concile : Ad hæc, ordinationes factas a Petro Leonis et aliis schismaticis et hærelicis evacuamus et irritas esse censemus. On sait la complexité du problème historique de la validité des ordinations des hérétiques, des schismatiques et des simoniaques, et des réordinations qui les ont suivies. La formule de notre concile reproduit à peu près telles quelles, avec la différence des noms des antipapes, celles de Calixte II au I er concile œcuménique de Latran et d’Urbain II au concile de Plaisance (1095). Or l’interprétation des textes d’Urbain II qui éclairent la décision de Plaisance, « sur la validité des sacrements (le sacrement du baptême excepté) administrés en dehors de l’Église, est la plus grosse difficulté de l’histoire des réordinations », dit L. Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 221. Voir l’art. Réordinations.

La Chronique de Morigny n’aurait-elle pas forcé les traits du tableau qui nous montre le pape invectivant les anaclétistes et leur arrachant les insignes pontificaux ? On aime à le croire. Il n’est pas douteux qu’Innocent alla trop loin. Que le concile ait excommunié le roi Roger de Sicile, qui avait plus ou moins reconnu, en 1138, la légitimité d’Innocent, on se l’explique. Où il y eut des étonnements, ce fut quand le pape frappa indistinctement tous les fauteurs d’Anaclet, y compris Pierre de Pise, cardinal du titre de Sainte-Susanne. Saint Bernard avait gagné à Innocent cet homme remarquable (décembre 1 137) ; et le pape l’avait accueilli avec joie et confirmé dans sa dignité cardinalice. Nous voyons Pierre souscrire une bulle pontificale, le 13 janvier 1138, P. L., t. clxxix, col. 344. Le 11 avril 1139, il signait une nouvelle bulle, col. 426. Ce nonobstant, il fut déposé ainsi que les autres anaclétistes. Saint Bernard s’en plaignit au pape par une première lettre restée sans réponse, puis par une deuxième, où il lui disait, Epist., ccxiii, P.L., t. clxxii, col. 378 : « Qui me fera justice de vous ? Il y a le tribunal du Christ, mais loin de moi d’en appeler de vous à luil J’en appelle de vous à vous. Ne m’avez-vous pas établi votre vicaire dans la réconciliation de Pierre de Pise ? Si vous le niez, je le prouverai par le témoignage de toute la curie. N’a-t-il pas été remis ensuite, sur votre parole, en possession de son rang et de ses honneurs ? Quel est donc celui qui vous a fait revenir sur ce que vous aviez accordé ? Je ne dis pas cela pour blâmer votre rigueur apostolique et votre zèle ardent contre les schismatiques. Mais, là où la faute n’est point pareille, la peine ne doit pas l’être, et il ne convient pas d’envelopper dans la même sentence celui qui a abandonné le péché et ceux qui sont demeurés jusqu’à la fin fidèles à l’antipape, quos magis peccatum deseruit. » Nous ignorons la date de cette lettre. J. M. Watterich, Pontifwum romanorum vitæ, t. i, p. lui, pense qu’elle fut antérieure au concile et que, grâce à Bernard, Pierre put siéger au concile en qualité de cardinal et signer la bulle du 11 avril 1139. E. Vacandard, Vie de saint Bernard, Paris. 1895, t. ii p. 58, note, rejette cette opinion ; il croit que le

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

11 avril on était en plein concile et que Pierre fut écarté du cardinalat après cette date, dans « l’une des dernières séances du concile », s’appuyant sur ce que, à partir de la bulle du 11, son nom disparaît des actes pontificaux pour ne reparaître, quatre ans plus tard, qu’aux débuts du pontificat de Célestin II, successeur d’Innocent II, le 19 octobre 1143. P. L., t. clxxix, col. 765. Plus plausible que celle de Watterich, cette hypothèse ne va pas sans quelques difficultés. Saint Bernard ne fait aucune allusion au concile, pas plus que la Chronique de Morigny à la pénalité encourue, au concile, par Pierre de Pise. En outre, le texte de la Chronique montre les mesures contre les schismatiques prises sans délai. Ce que nous savons du caractère d’Innocent II et du ressouvenir amer qu’il gardait de la longue période de lutte contre le schisme confirme cette impression. Difficilement encore on comprendrait que le pape ait laissé figurer, au bas de la bulle du 11 avril, la signature d’un homme qu’il s’apprêtait à exécuter. Peut-être une troisième hypothèse serait-elle plus vraisemblable. Pierre de Pise, réconcilié avec le pape, aurait siégé normalement au concile. Il n’aurait pas été englobé dans la sentence contre les anaclétistes, à cause de la parole donnée par le pape de le maintenir. A titre de cardinal il aurait signé la bulle du 11, que ce fût pendant la durée ou au lendemain du concile. Mais, plus tard, dans l’entraînement des représailles inaugurées au concile, de lui-même, ou sous l’influence de conseillers perfides soupçonnés par saint Bernard, convaincu qu’il fallait avant tout mater le schisme, Innocent II aurait oublié sa promesse et, revenant sur ce qu’il avait accordé, il aurait étendu à Pierre de Pise le châtiment infligé à tous les anaclétistes. Quoi qu’il en soit, dans cette hypothèse comme dans la précédente, Innocent II ne se laissa pas fléchir, et la lettre de l’abbé de Clairvaux préluda aux nombreuses lettres dont il apprit ultérieurement qu’elles avaient déplu au pontife. Cf. Epist., ccxviii, P. L., t. clxxxii, col. 382.

Les autres questions traitées au concile.

A

l’instar du I er concile œcuménique du Latran, le IIe s’occupa, en même temps que des intérêts généraux de l’Église, de quelques affaires particulières. Il ne régla pas tout ce qui lui fut déféré ; l’abbé de Saint-André au Cœlius expose que, en ce qui le concerne, le pape, multis et gravibus extraneorum qui conuenerant impeditus negotiis, renvoya l’examen de sa demande après le concile. Mansi, t. xxi, col. 542. La plupart des privilèges accordés à des églises et à des monastères en avril 1139 le furent sans doute en suite d’une décision du concile ; pour le monastère de Nonantola (17 avril), l’église de Ferrare (22 avril) et le monastère de Saint-Bertin (26 avril), nous en sommes certains. Cf. P. L., t. clxxix, col. 447, 455, 459, 462.

Les affaires d’intérêt général peuvent se ramener à trois chefs : questions doctrinales, questions de discipline et de réforme religieuses, questions d’ordre directement temporel.

1. Deux questions doctrinales attirèrent la sollicitude du concile. Arnaud de Brescia fut condamné. A cette date, il n’avait pas encore poussé à l’extrême ses idées sur le droit de propriété de l’Église et la réforme. Il en avait dit assez pour que l’évêque de Brescia le déférât au concile. Arnaud eut défense de prêcher et fut banni de l’Italie, où il s’engagea à ne revenir qu’avec l’agrément du pape. Voir 1. 1, col. 1972-1975.

Des doctrines hétérodoxes motivèrent le canon 23.

Eos autem qui, religiosi tatis speciem simulantes,

Domini corporis et sanguinis

sacramentum, baptisma pue rorum, sacerdotium et cæte ros eeclesiasticos ordines et

Quant à ceux qui, simu lant des dehors religieux,

condamnent le sacrement du

corps et du sang du Seigneur,

le baptême des enfants, le

sacerdoce et les autres ordres

VIII.

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