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LANGUES (DON Dl ÏS

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triple supériorité : la première est d’ordre intellectuel, la seconde est d’ordre imaginatif et sensible ; la première vise directement la manifestation de la vérité, la seconde ayant pour but immédiat la substitution d’une langue à une autre langue ; et enfin la première l’emportant sur la seconde par son utilité et au point de vue de l’Église, et relativement au glossolale et même aux infidèles. Cf. In epist. /<"> ad Cor., c. xiv, lect i. Il faut ajouter que le don de prophétie a un objet plus universel, le don des langues, un objet plus particulier. Id., ibid., ad 3um. Toutefois, le don de prophétie doit être rapproché du don des langues parce qu’il le complète, surtout en ce que le don d’interprétation procède de la prophétie. Id., ibid., ad lum.

2. Don des langues et don d’interprétation.

Les deux dons sont apparentés, le second complétant le premier, lequel serait, sans lui, inutile. On retrouve cette idée fondamentale chez les théologiens, mais mélangée de considérations plus ou moins contestables dont la racine se trouve être la conception d’un don des langues spécialement accordé en vue de la prédication de l’évangile. Voir ci-dessus, col. 2593. — a) saint Thomas, nous venons de le voir, rattache le don de l’interprétation des langues au don de prophétie. C’est qu’il lui assigne un objet multiple qui n’est pas uniquement la traduction littérale d’un discours proféré en langue étrangère. Il s’étend aussi à cela ; mais il a pour objet d’expliquer les passages obscurs, les choses difficiles (les mystères) les mots inconnus, les comparaisons employées (paraboles). Loc. cit., ad 4um. Cf. In epist. D m ad Cor., c. xii, lect. n : « Alii inlerprelatio sermonum, idest difficilium Scriplurarum ; » cf. c. xiv, lect. iii, v (fine), vu. Voir le court, mais substantiel commentaire de Cajétan sur la Somme, loc. cit. C’est aussi en ce sens que la plupart des théologiens en parlent, très brièvement d’ailleurs, dans leur exposé de la division de la grâce en grâce gralum facientem et grâce gratis dalam, ou encore dans leurs commuitaires de la la ID, q. cxi, a. 4. Cf. Montagne, De gralia, dans Migne, Cursus théologiens, t. x, col. 50. — b) Suarez mérite un mention spéciale. Il s’efforce de préciser la différence du don des langues et du don d’interprétation. Loc. cit.. n. 55-62. Il note d’abord une double acception du mot « interprétation », soit traduction littérale, écrite ou orale, soit manifestation du sens des paroles exprimées. Le don des langues n’ayant pas été universel dans l’Église primitive, le don d’interprétation, dans la double acception possible, y fut nécessaire, n. 56-58. Mais en quoi l’interprétation se distingue-t-elle de la glossolalie qui semble impliquer l’intelligence infuse, en même temps que l’usage de la langue étrangère ? Sans doute en ce que l’interprétation n’est pas une simple transposition de termes d’une langue à une autre, et qu’elle implique un secours surnaturel spécial pour accomplir fidèlement cette transposition et ne point dénaturer le sens exact des termes. D’où son utilité ; utilité plus grande lorsqu’il s’agit d’exposer les vérités difficiles de l’Écriture, et de les exposer clairement, comme il fut nécessaire de le faire dans les discours aux fidèles de la primitive Église, n. 59. Mais ce n’est pas encore assez dire : le don d’interprétation fut nécessaire comme complément du don des langues pour expliquer plus parfaitement les mystères de la religion proposés par c glossolale, n. 60. On le voit Suarez commente assez fidèlement la pensée de saint Thomas. D’ailleurs, le don des langues octroyé aux apôtres en vue de la prédication de l’évangile n’étail point exclusif, même pour eux, d’interprètes, tels que la tradition se plaît

i en donner à saint Pierre, n. (il.

3. Don des langues et <liscours de science et de sagesse.

— Saint Thomas rapproche de la glossolalie le discours

de science et de sagesse dont parle saint Paul, I Cor., xii, 8. Sum. theol., ID ID, q. clxxvii, a. 1. Ces deux dons se rapportent, en effet, à la parole extérieure, locutionem. Sur les différences vraies ou vraisemblables entre le discours de science et le discours de sagesse, le premier propre au docteur et destiné à propager la vérité nécessaire à tous dans la vie active, le second propre au prophète et utile pour approfondir les mystères divins dans la vie contemplative, voir saint Augustin, De Trinitate, t. XII, c. xv ; XIII, c. xix, XV, c. x, P. L., t. xlit, col. 1011, 1033, 1069 ; Estius, In IV Sent., t. III, dist. XXXV ; Suarez, op. cit., n. 4, 6 ; et, plus généralement les théologiens à l’occasion de la distinction entre le don de science et le don de sagesse. Voir Dons du Saint-Esprit, t. iv, col. 1741. Dans le don de discours il ne s’agit plus simplement comme dans la glossolalie de rendre la doctrine intelligible à des étrangers mais de la proposer d’une manière efficace, propre à convaincre l’esprit, émouvoir le cœur, entraîner la volonté à l’accomplissement du devoir. Saint Thomas, loc. cit. La pensée de saint Paul est certainement moins précise que la doctrine des théologiens.

La doctrine de la glossolalie et du discours se complique chez saint Paul d’un point de vue particulier aux femmes. Si les femmes sont autorisées à parler en langues et à prophétiser dans les assemblées religieuses à la condition d’y être sollicitées par le Saint-Esprit et d’être voilées, I Cor., xi, 4, 5, saint Paul leur interdit, comme malséant, de parler, I Cor., xiv, 34 ; cf. I Tim., ii, 12 ; c’est-à-dire, d’après le contexte, de provoquer des explications. Si elles veulent s’instruire, elles interrogeront leurs maris à la maison. I Cor., xiv, 34-36. Saint Thomas n’omet pas ce point de vue et se pose la question, ID ID, q. clxxvii, a. 2, i si la grâce du discours de sagesse et de science appartient aussi aux femmes », et il conclut que cette grâce ne peut appartenir aux femmes qu’en vue d’un enseignement strictement privé, à l’intérieur de leurs familles. Et il en apporte trois raisons théologiques : la première et la principale résulte de la condition du sexe féminin qui doit être soumis à l’homme, la seconde est tirée du danger moral que pourrait provoquer la femme ; la troisième suppose que les femmes sont intellectuellement moins aptes que les hommes à l’enseignement public de la doctrine.

1° Auteurs catholiques. — Corluy, Langues (dans la primitive Église), dans le Dictionnaire apologétique de Jaugey, Paris, 1889, col. 1785-1800 ; reproduit textuellement dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique de M. d’Alès, t. iii, col. 1810-1819 ; Cornely, In S. Pauli priorem epistolam ad Corinlhios, . Paris, 1890, p. 410-447 ; H. Lesetre, Langues (Don des), dans Dictionnaire de la Bible de M. Yigouroux, t. iv, col. 74-81 ; L. Fonck, De charismatis, dans Qumstiones Paulinw, q. v, Rome, 1910 ; reproduit dans Ilagen, Lexicon biblieon, V Charismata ; H. Leclercq, Glossolalie, dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. vi, col. 1322-1327 ; F. Prat, La théologie de saint Paul, 2e édit., Paris, 1920, t. i, p. 152-157 ; 502-503. On pourra également consulter avec profit Engelmann, Von dcii Charismen, Ratlsbonne, 1848 ; Mgr Le Camus, L’œuvre des Apôtres, Paris, 1891, p. 16-23 ; Fouard, Saint Paul, ses missions, 8 r èdit., Paris, 1904, p. 218 sq.

Auteurs protestants.

Bleek, Ueber die Gube des’/i.’ittii ; "/oùeïv (n der ersten christlichen Kirehe, dans

les Theologische Siudien und Kriliken, t. n (1829) ; Ad. Hilgenfeld, Die Glossolalie in der alten Kirehe, Leipzig, 1850 ; Ed. Reuss, La Glossolalie, dans la Revue de théologie de Strasbourg. 1851, t. iii, p. 65-97 ; Th. Simon, Die Psychologie des Apostels Paulus, Gœttingue, 1897, p. 114-115 (bibliographie protestante des charismes et surtout de la glossolalie). Et plus récemment, E. Lombard, Dr la glossolalie chez les premiers chrétiens et des phénomènes similaires. Étude d’exégèse ri de philologie, Lausanne, 1910 ; Le parler en langues à Corinthe d’après les textes de saint Paul et les analogies modernes, dans Revue de Théologie et de Philo-