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LANGUES (DON DES)

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l’intervention divine ; si le glossolale ne pouvait fournir l’interprétation voulue, il devait se taire : ainsi tout prétexte à désordre se trouvait écarté. — 2. Quel était le but apologétique de la glossolalic ? — Réponse : « Les langues, dit saint Paul, sont un signe, non pour les fidèles, mais pour les infidèles. » I Cor., xiv, 22. Le prodige devait attirer d’une façon favorable l’attention des infidèles sur la religion catholique : « Ce prodige était pour eux facile à constater, aussi bien quant au fait, que quant à sa cause nécessairement surnaturelle. L’infidèle saisissant ainsi sur le vif l’action de Dieu se trouvait attiré vers une société qui avait si manifestement Dieu avec elle. » Corluy, art. cit., col. 1818. C’est en ce sens qu’il faut évidemment comprendre l’assertion de plusieurs Pères, affirmant qu’à l’égard des infidèles, la glossolalie îfeut pas pour but principal leur conversion, mais leur « confusion » et leur « trouble ». Cf. saint Jean Chrysostome, In 7 am ad Cor., homil. xxix, xxxv, xxxvi, P. G., t. lxi, col. 239, 295, 305 ; saint Grégoire de Nazianze, Oral., xli, n. 15, P. G., t. xxxvi, col. 419 ; l’Ambrosiaster, In / am ad Cor., xiv, P. L., t. xvii, col. 253 ; saint Jean Damascène, In I » " 1 ad Cor., xii-xiv, P. G., t. xcv, col. C63, etc. Certes, le prodige, en soi, pourrait être le résultat d’une intervention simplement préternaturelle, diabolique même. Mais les fruits de salut qui résultaient de la prédication évangélique montraient aux infidèles que la glossolalie, donnée comme un signe en faveur de cette prédication, était l’œuvre de Dieu. Ajoutons, — ce que saint Augustin et plusieurs Pères ne manquent pas de signaler, — que le don des langues symbolisait la catholicité de la religion nouvelle, symbole qui ne pouvait que favoriser l’entrée des infidèles dans l’Église. — 3. Enfin, pourquoi ce prodige a-t-il cessé dans l’Église ? — Réponse, o Peu d’années après, l’Évangile était prêché aux nations ; le caractère d’universalité brillait de fait à tous les yeux. C’était le temps où le signe des langues avait atteint son but. Il pouvait disparaître graduellement. Il en existait encore des traces au moins au second siècle. » C)rluy, art. cit., col. 1819. Cf. saint Irénée, Cont. User., V, vr.’l, P. G., t. vii, col. 1137.

III. Théologie du don des langues.

La théologie du don des langues n’est pas et ne saurait être très développée. Les rares théologiens qui l’ont esquissée — il faut citer principalement saint Thomas, .S"i</71. theol., Ha Use, q. clxxvi, Suarez, De gralia, prolegom. iii, c. v, n. 47-65 et de nos jours le 1’. Ch. Pesch, Prælecliones dogmaticæ, t. v, n. 434447, — l’ont réduite à quelques considérations qu’on peut grouper sous deux chefs, la nature du don des langues, sa distinction d’avec quelques autres dons apparentés.

Nature.

1. Le don des langues appartient à la

catégorie des grâces gratuitement données. Saint Thomas la Ils, q. exi, a. 4 ; cf. Contra Génies, t. III, c. cliv, et Comment, in 7 am ad Cor., c. xii, lect. ii : le docteur angélique s’efforce de ramener toutes les grâces gratuitement accordées à celles qu’énumère saint Paul dans I Cor., xii : mais à tort, car les auteurs font observer à juste titre que la catégorie des grâces gratuitement données comprend « toute grâce surnaturellement accordée par Dieu à un homme, non pour le justifier personnellement, mais en vue de l’utilité des autres. » C’est la définition même de saint Thomas, loc. cit., a. l.’Et, par conséquent, les pouvoirs d’ordre, de juridiction, l’infaillibilité doivent être considérés comme des grâces gratuitement données. Cf. Pesch, op. cit., n. 436 ; Van Noort, De gralia, n. 6. Suarez montre bien que les énumérations de saint Paul laissent place à d’autres adjonctions, loc. cit., n. 63. Dans le sens contraire, voir Gonet, De gralia, disp. III, n. 7, et en général, les commentateurs thomistes t’e la

Sum. theol., fa Use, q. cxr, n. -1 et de la Snm. contra Génies, t. III, c. cuv. Sur la distinction de la grâce gratum jaciens et de la grâce gratis data, voir Grâce, t. vi, col. 1558. -- 2. Le don des langues appartient au genre des charismes, dons extraordinaires de l’Esprit Saint, qui se, sont manifestés d’une manière plus spéciale dans la primitive Église. Sur les charismes en général voir ce mot, dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, t. iii, col. 579 sq. « Au sens technique, le charisme est un don gratuit, surnaturel et passager, octroyé en vue de la communauté plutôt qu’en faveur de l’individu, bien que celui-ci puisse en tirer profit pour lui-même par le bon usage qu’il en fera. Les charismes étaient une sorte de luxe dans l’ordre surnaturel et pouvaient un jour disparaître sans priver la société chrétienne d’aucun organe indispensable. » F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1920, t.r, p. 152. * Rien que toute grâce soit un don gratuit, cette partie de la définition s’applique plus directement au charisme, — que les théologiens appellent gratia gratis data, — parce que, en soi, il n’est pas -sanctifiant et se trouve indépendant du mérite individuel, en oulre.il n’est pas nécessaire au salut ; cf. I Cor., xi, 11. Le charisme peut tomber dans un individu grossier, comme il peut se gretïer sur une aptitude naturelle, mais on ne saurait ni l’attirer, ni le retenir sans la permission de l’Esprit ; cf. I Cor., xiv, 28-32 ; on peut s’y dérober non en le repoussant, mais en se soustrayant aux obligations qu’il impose. Bien que passager et renouvelable, le charisme jouit d’une certaine durée et, en quelque façon, d’une fixité en vertu de laquelle l’homme doué d’un charisme porte le titre de la fonction qu’il remplit. Si les charismes sont accordés en vue de l’utilité générale, ils n’offrent pas tous un égal degré d’utilité et forment ainsi entre eux une gradation, et entre ceux qui en sont investis une hiérarchie. » H. Leclercq, art. cit., col. 581. — 3. Les charismes énumérés par saint Paul (cf. I Cor., xii, 8-10 ; id., xii, 28-30 ; Rom., xii, 6-8 ; Eph., IV, 11) ne semblent pas avoir, dans l’âme qui en est favorisée, la même réalité physique. Les uns, — grâce des miracles, des guérisons, don de prophétie, etc. — paraissent ne pouvoir être conçus que comme des mouvements actuels et transitoires de l’Esprit Saint. Cf. saint Thomas, Sum. theol., loc. cit., a. 2, ad 3um. D’autres, — et de ce nombre est la glossolalie — se manifestent plutôt comme des habitus surnaturels, conférant à l’âme un pouvoir permanent et durable, connu d’ailleurs comme tel des autres fidèles. Saint Thomas, id., ibid.’, Gonet, De gratia, disp. III, n. 9. Suarez, qui adopte cette opinion, loc. cit.. n. 54, fait observer justement que cet habitus de la glossolalie est infus de Dieu per accidens, mais qu’en soi il est identique à Yhabilus acquis par l’usage naturel des langues. Il opine, de plus, qu’occasionnellement le don des langues a pu consister en un simple mouvement transitoire de l’Esprit Saint. Enfin, examinant l’explication d’après laquelle le miracle du don des langues, dans la prédication de l’Évangile, aurait eu une réalité purement subjective, voir ci^dessus, col. 2598, il explique qu’en ce cas il n’y aurait eu, dans l’âme du glossolale, aucun habitus infusé, mais qu’il se serait produit une intervention actuelle et spéciale de Dieu, modifiant le mouvement des sous de la voix du prédicateur, pour obtenir chez les auditeurs le résultat voulu.

Le don des langues et les dons connexes.

1. Don

des langues et prophétie. Saint Thomas. IIa-IIæ,

q. clxxvi, a. 2, commentant saint Paul, 1 Cor., xiv, 1-5, rapproche le don des langues du don de prophétie, non pour marquer leur différence qui est évidente, mais pour signaler avec l’apôtre la supériorité de la prophétie sur la glossolalie.. Il lui assigne une