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L A NG U ES M TU RG I QU ES) — LANGUES DON DES ;


tien du latin. Car c’est du latin surtout qu’il s’agit, les autres langues liturgiques étant limitées à un nombre relativement restreint de fidèles. Or il est de fait que par tout le monde, c’est la même prière, lesmêmes formules pour l’exprimer, sicut Ecclesia Dei toto orbe terrarum diffusa et in omnibus gentibus dilutala canlat, disait déjà Jean VIII à saint Méthode, Epist, ccxxxix, P. L., t. cxxvi, col. 850. Symbole frappant de l’unité de foi qui règle les intelligences ; symbole et en quelque manière soutien, puisque la prière est à sa façon un enseignement. Symbole aussi de l’unité sociale qui fait de. l’Église tout entière un corps unique ayant sa tête à Rome ; symbole et peut-être d’une manière mystérieuse soutien, s’il est "vrai, comme l’expose longuement dom Guéranger, toc. cit., que l’abandon de la langue liturgique a abouti, par une loi inconnue, pour la plus grande partie des Églises qui en avaient obtenu la concession, à la séparation plus complète de Rome, au schisme.

Le savant auteur, qui s’est fait l’apôtre de la liturgie romaine dans ses Instilulions liturgiques, développe longuement ces arguments et plusieurs autres de moindre importance en faveur de la langue liturgique, t. iii, p. 51 à 160. Ceux que nous avons signalés suflisent pour justifier l’Église, et pour montrer qu’elle n’est pas près de laisser de côté sa langue traditionnelle : trop et de trop graves intérêts y sont engagés.

L. GODEMiOY.

    1. LANGUES (DON DES)##


LANGUES (DON DES). 1. Conclusions de

l’exégèse. II, Questions d’apologétique (col. 2598). III. Théologie du don des langues (col. 2597).

I. Conclusions de l’exégèse. — La question du don des langues relève surtout de l’exégèse. Pour le détail des discussions, on se référera à Langues (Don des), dans le Dictionnaire de lu Bible de M. Vigouroux, t. iv, col. 74-81. Nous ne ferons ici que présenter les conclusions.

1° Le don des langues che : saint Paul. — Le don des langues est nommé par saint Paul, gênera linguarum, yévY) ykircûv, I Cor., xii, 10, 28 ou yévy} tpcovwv, id., xiv, 10 ; linguas, yXôaaai., id., xra, 8 ; xiv, 22 ; cf. xii, 10 : épu. /jvetoc yXtoiro-wv ; ou simplement linguam, yXoiaaa, id., xiv, 19-26. Ce don est certainement un charisme de l’Esprit Saint, en vertu duquel ceux qui en jurent favorisés acquirent le pouvoir surnaturel de s’exprimer en des langues étrangères, inconnues d’eux. Cette définition générale du don des langues se justifie par les considérations suivantes. — 1. L’usage du don des langues, la glossolalie, comporte un discours exlérieutement proféré, d’une façon articulée et sensible. Cet usage du don des langues est nommé par saint Paul : linguis loqui, yXa)a<Tai.ç XotXeîv, I Cor., xii, 30 ; xiv, 5, 6, 23, 39 ; cf. xiii, 1 ; lingua loqui, yXwaay) XocXeïv, id., xiv, 2, 1, 13, 15, 27 (d’où glossolalie) ; orare lingua, 7Tpoa£ÛX£a0ai. yXdxjafl, id., xiv, 14 ; orare spiritu, 7rpooeôxeaOoa xw 7rveûpiaTi, id., xiv, 15 ; psallere spiritu, ^àXXsiv roi 7rveû(xaxt, id., ibid. ; benedicere spiritu, c’jXoyeîv èv tc)z)u, <xti, id., xiv, 16 ; gralias agere, cùxapiaTeïv, id., xiv, 17, cf. 16 ; sermonem dure per linguam, Xôyov StS6vat Sià t ?jç yXcôaa/jç, id., xiv, 9, cf. 19. Que la glossolalie soit un discours extérieurement proféré, cela résulte du terme XaXsîv, qui signifie proprement « émettre un son, une voix ». Cf. Grimm, l.exicon grseco latinum in libris Novi Te.stamenti, Leipzig, 19(13 : Zorell, Novi Testamenti lexicon f/rweum, Paris, 1911, au mot XaXéw. Ce terme est employé par opposition à a’.yâv, se taire, c’est-à-dire, ne pas faire usage du don des langues. I Cor., xiv, 28. Quand saint Paul déclare que personne n’entend le glossolale. id., xiv, 2, le sens est que personne ne le comprend. Voir ixoûetv pris en cette acception dans Ccn, xi, 7 ; Matth., xiii, 15 ; Marc, viii, 18 ; Act., xxii, ’. », etc. ; acception expressément indiquée par saint Paul.

I Cor., xiv, 16. De plus, le discours, extérieurement proféré, est un langage articulé, ainsi qu’il résulte des expressions : Xôyov SiSôvat, id., xiv, 9 ou Xôyouç è-j yXwaoT), id., xiv, 19 ; cf. Grimm et Zorell, op. cit., au mot Xôyoç. D’ailleurs, comment des sons inarticulés pourraient-ils servir à l’édification de l’Église, I Cor., xiv, 5, 13, 27, 28 ; et, dirigés vers Dieu, xiv, 2, constituer un « culte raisonnable » ? Cf. Rom., xii, 1. En outre, la prière, le chant, les bénédictions, les actions de grâces que comporte la glossolalie, I Cor., xiv, 14-17, supposent une réelle élocution.

2. L’usage du don des langues est un discours extatique. Ce point est capital. La glossolalie est, en effet, un discours dirigé vers Dieu, prière (7rpoaeûxea9ai.). louange (^âXXeiv) action de grâces (eùXoyeïv, eùx a " piOTetv) : « Celui qui parle en langues parle à Dieu et non aux hommes, i xiv, 2 ; et le fidèle qui l’entend doit simplement répondre : amen, xiv, 16. C’est extraordinairement dirigé et mû par l’Esprit Saint que le glossolale parlait à Dieu et célébrait les magnificences divines. Il ne pouvait, en effet, une fois l’extase passée, se rendre raison à lui-même et rendre raison aux autres de ce que l’Esprit lui avait fait connaître et magnifier, en parlant en langues. Un interprète était nécessaire à cet effet, et il devait prier Dieu de lui accorder à lui-même le don d’interprétation. I Cor., xiv, 12. Saint Paul appelle ce don d’interprétation : inlerpretatio sermonum, ép(i./ ; veôa (ou selon quelques mss Sieçuirpix) yXwaawv, id., xii, 10 et (selon la Vulgate et quelques versions) 28. L’usage de ce don, complémentaire de la glossolalie, est désigné par l’expression inlerpretari, 81epu, Y]veU£iv, id., xii, 30 ; xiv, 5, 13, 27. L’interprète est appelé lui-même, Siep|i.7)V£uxf)ç. Id., xiv, 28. C’est donc à la condition, expresse que le glossolale trouvât près des fidèles un interprète, que le don des langues pouvait servir à l’édification del’Église. Au glossolale qui ne peut interpréter ou faire interpréter son discours, saint Paul ordonne le silence. Id., xiv, 28 ; cf. 4, 5, 6. Tout cela démontre le caractère extatique de la glossolalie. Ce caractère est encore démontré par la comparaison des sons musicaux dont on ne perçoit pas la signification, id., xiv, 6-9, et par l’opposition marquée auꝟ. 14 entre l’esprit et l’âme. L’ « esprit » indique ici l’âme agissant sous l’impulsion irraisonnée de l’Esprit Saint, par opposition à 1’ « âme », faculté naturelle intelligent e et consciente. Le glossolale, mû par le Saint-Esprit, prie Dieu, mais sa propre raison n’en perçoit aucun fruit ; car, avons-nous déjà dit, une fois l’extase passée, s’il ne jouit pas du don d’interprétation, il est incapable de s’expliquer et d’expliquer aux autres le sens de son langage. Et pourtant, cette extase, au moment où elle se produit, laisse au glossolale une certaine conscience de ce qu’il dit, car « celui qui parle eu langue, s’édifie lui-même ». I Cor., xiv, 4.

3. C’est un discours incompris des auditeurs. Cela résulte de la nécessité d’une interprétation pour rendre utile à l’Église la glossolalie. L’interdiction portée par saint Paul contre l’usage du don des langues en l’absence d’interprète vient en confirmation, ’fout le contexte des comparaisons d’ordre musical, xiv, 6-9, suggère que le discours du glossolale n’est pas compris de ceux qui l’entendent. Le glossolale est comme un « barbare », parlant une langue étrangère, que personne ne comprend, ꝟ. 2 ; cf. ?. 16.

4. C’est donc un discours en tangues étrangères. C’est, en effet, la seule explication qui cadre avec tout ce qui précède, explication suggérée par les expressions yév/) yXooaaûv, yévï) quovwv, I Cor., xii, 10, 28 ; xiv. 10, et par l’épithète « barbare » accolée au glossolale. xiv, 12. « Interpréter, » dans le langage courant de l’Écriture (sauf Luc, xxiv, 27) signifie traduire d’une langue en une autre. Cf. êpjjtYjveûeiv : Job., xi.n, 17 ;