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LANGUES LITURGIQUES

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xvii c siècle, les jésuites, missionnaires en Chine, se rendirent compte des dillicultés que la langue latine, complètement étrangère au génie de la langue chinoise, semblait opposer à leur apostolat. Ils eurent la même pensée que leur prédécesseur, Jean de Montcorvin, et, espérant que l’usage du chinois dans la messe et les oflices publics hâterait et affermirait les conquêtes de l’Évangile, ils songèrent à obtenir de Rome l’autorisation nécessaire. Plusieurs mémoires furent adressés au Saint-Siège ; on présenta à Innocent XI un missel chinois ; le savant Papebrock s’intéressa même aux efforts de ses confrères et on trouve dans son Propylée des Acta sanctorum du mois de mai un précis d’une dissertation en faveur de la traduction chinoise des livres liturgiques. Acta Sanctorum, èdit. Palmé, 1868, t. xiii, Append., dissert, xlviii, p. 123 sq. Mais les divers papes auprès desquels des instances furent faites reculèrent devant l’audace de l’innovation. Paul V accorda bien la permission demandée par un décret du 25 janvier 1615 ; mais le bref, d’après Benoît XIV, De misste sacrificio, t. II, c. ii, n. 18, ne fut jamais envoyé en Chine ; la permission ne fut pas renouvelée par ses successeurs, et, devant le silence prolongé du Saint-Siège, les missionnaires durent renoncer à tout espoir d’aboutir. Voir, pour plus dedétails, dom Guéranger, Institutions liturgiques, Paris, 1883, t. iii, p. 126-139.

7. Concessions récentes aux Tchécoslovaques. — Depuis longtemps déjà, au cours du xix’siècle, dans certains pays de langue tchèque, on usait largement de la langue du peuple dans les cérémonies liturgiques, telles que le baptême, la communion, l’administration des derniers sacrements, les funérailles, le mariage, les solennités de Pâques et de la Fête-Dieu, la bénédiction des Rameaux, le chant de la Passion, etc. Peutêtre doit-on voir dans cet usage une influence lointaine de la pratique des hussites ou des Frères bohèmes. En tout cas, les autorités ecclésiastiques, sauf, dans une certaine mesure, le cardinal Schœnborn, n’y avaient jamais fait sérieusement opposition. Dr Karl Ililgenreincr, Situation politique et religieuse de la République tchécoslovaque, dans la revue Das neue Reich du 29 février 1920, p. 336, cité par la Documentation catholique, 31 juillet 1920, col. 93.

Quand la Bohême, la Slovaquie et la Moravie furent réunies par le traité de Versailles dans la République tchéco-siovaque, tout un mouvement de réforme bc produisit, dans le nouvel État, mouvement en partie suspect et qui fut condamné, en partie aussi respectueux de la hiérarchie et se soumettant à la décision de Rome. Une des tendances de ce mouvement allait vers une large admission de la langue tchèque dans la liturgie. Mgr Kordac, archevêque de Prague dans une lettre pastorale du 5 novembre 1919, rappela d’abord le canon 819 du Code, qui ne permet pas de rien Innover sans l’autorisation de Rome au point de vue de la langue à employer dans la célébration de la messe. Dans une autre lettre du 22 décembre 1919, l’archevêque, répondant aux attaques de la Iednota, annonçait en même temps qu’il avait sollicité du Saint-Siège di erses mesures au sujet de la langue liturgique. Benoît XV fit en effet des concessions assez larges, qui n’ont pas été promulguées dans les Acta apostolicae Sedis, mais que l’Osseruotore Romane du 13 juin 1920 résumait ainsi d’après une lettre reçue de Prague : < 1.’usage de la langue vulgaire est autorisé : 1° à la grand’messe, où l’épîlrc et l’évangile pourront être répétés en tchèque ; 2° au baptême et au mariage, pour les demandes et exhortations adressées, soit aux parrains ou aux époux, soit aux catéchumènes et poulies oraisons récitées sur eux ; aux funérailles, aux processions de saint Marc, des Rogations et de la i ête Dieu, la traduction des prières latines sera sou mise au contrôle immédiat des Ordinaires, sous réserve de l’approbation du Saint-Siège. — Enfin… il est permis au clergé tchèque de chanter la grand’messe en paléoslave et de se servir de missels imprimés en caractères glagolitiques dûment approuvés par le Saint -Siège. Cet te autorisation toutefois est limitée aux fêles des saints Cyrille et Méthode, de saint WYnccslas. de sainte Ludmille, des saints Procope et Jean Népomucène et à huit sanctuaires seulement parmi les plus célèbres dans l’histoire du peuple tchèque. Les principaux de ces lieux historiques sont : Velehrad (Moravie), Sazava (Bohême). Emaus, la chapelle de Saint -Wcnceslas et de Sainte-Ludmille à Prague. » Cité d’après la Documentation catholique, loc. cit., col. 93 et 94.

2° Pensée de l’Église au sujet de la langue liturgique. Cette rapide énumération des principales circonstances dans lesquelles l’autorité ecclésiastique eut à intervenir montre clairement quelle est la pensée de l’Église.

On ne saurait certes l’accuser d’intransigeance. Elle n’a pas été intransigeante dans le passé puisque, en plusieurs cas, elle a compris que des intérêts très graves d’apostolat pouvaient légitimer une exception à la règle générale, et qu’elle a plus ou moins expressément, plus ou moins largement, autorisé l’emploi de la langue vulgaire dans la liturgie. Intransigeante, elle ne l’est pas dans le présent, témoin les concessions qu’elle vient de l’aire en faveur de la langue tchèque. Et comme aucun document ne ferme la porte à d’autres autorisations, on ne peut d’avance lui reprocher son intolérance à venir.

Au point de vue doctrinal. l’Église a condamne comme hérétiques ceux qui prétendaient que la messe ne doit être célébrée qu’en langue vulgaire. Ctme. Trident., sess. xxii, can. 9 ; Dcnzinger-liannwart, n. 956. C’est la seule chose définie. I, ’Eglise ne veut donc pas qu’on l’accuse d’aVoir manqué à son devoir en gardant sa langue liturgique différente de celle du peuple, d’avoir ainsi indûment privé les fidèles de lumière, de consolation ou de grâces. Mais elle n’a pas condamné, — c’eût été se donner tort à elle-même — des désirs, des demandes, des instances que l’on croirait justifiés par des raisons exceptionnellement graves et que l’on soumettrait à son jugement ; elle ne prétend pas qu’on ne puisse trouver tel ou tel avantage dans une admission plus large de la langue vulgaire ; elle affirme seulement qu’elle n’a pas tort de s’en tenir à la règle qu’elle s’est posée.

En pratique, elle ne veut pas que le caprice individuel ou des mouvements collectifs de réforme puissent contre elle faire violence à la règle générale et permettre de célébrer les fonctions liturgiques dans une langue autre que la langue officiellement admise. l’Ile exige qu’on la consulte, qu’on ne fasse rien sans sou autorisation, et c’est elle évidemment qui sera Juge de la gravité des raisons invoquées, de l’oppoTtunil et de la mesure des concessions à faire. C’est le sens du canon <S1 ! >, assez, élastique dans son énoncé pour se plier à toutes les décisions qui pourraient survenir. assez, impératif pour exclure toute initiative non approuvée : Missiu sacri/icium celebrandnm est lingua lilurgica sui cujusqiie ritiis ab Eccksin probati.

Ces correctifs étant supposés, il est certain que l’Église tient à sa langue liturgique, que c’est toujours ù regret et forcée par les circonst aines qu’elle a accorde des exceptions soit en acceptant de nouvelles langues liturgiques, soit en permettant l’introduction (le la langue vulgaire dans la liturgie ; d’autre part les faits

que nous axons exposés prouvent qu’elle accepte plus difficilement la langue vulgaire dans la liturgie de la messe que dans tonte autre fonction. Cette pensée, cette attitude se jusli lient-elles ?