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LANGUES LITURGIQUES


peine compris des prêtres eux-mêmes et que pourtant il était défendu de les modifier : Carmina Saliorum Dix sacerdotibus suis intellecta, sed qu.se. mutari vetnt relligio. Insl. Orator., t. I, c. vi.

Ce serait donc une injustice que de réserver à l’Église de Rome le reproche d’user d’une langue autre que celle du peuple ; le même reproche devrait êlre adressé à bien d’autres religions ; nous verrons s’il est fondé.

II. Attitude et pensée de l’Église romaine. — L’Église a eu plusieurs fois à prendre parti dans cette question en face de certaines initiatives ou de certains mouvements de révolte qui voulaient substituer la langue vulgaire à la langue liturgique, particulièrement au latin. En voyant comment l’Église a accueilli ces tendances et quelles déclarations elles ont provoquées, nous pénétrerons sa pensée et nous en essayerons ensuite une justification.

Les faits.

1. Suint Méthode et lu langue slavonne.

— Les deux frères Cyrille (ou Constantin) et Méthode, grecs d’origine, furent envoyés de Constantinople en Moravie où le roi sollicitait des missionnaires chrétiens. Ils avaient pris l’initiative, pour mieux assurer le succès de leur prédication, de célébrer en slavon la messe et les autres offices. Le bruit des conversions opérées par eux et du moyen qu’ils avaient pris pour les faciliter parvint jusqu’à Rome et, en 867, 1e pape Nicolas I er leur donna ordre de venir lui rendre compte de leurs procédés et recevoir de lui leur mission. Jaffé, Regesla, n. 2888. Les deux apôtres n’arrivèrent à Rome qu’après la mort du pape. Son successeur, Adrien II, les entendit, les approuva, conféra l’épiscopat à Méthode et le renvoya, en 8(30 (Cyrille était mort à Rome), avec une lettre élogieuse : il déclarait autoriser la manière de faire introduite par lps deux frères et demandait seulement que, pour se conformer à l’usage général, on lût d’abord en latin l’épître et l’évangile avant de les dire en slavon. Jaffé, n. 2924. Jean VIII, qui succéda en 872 à Adrien II, se laissa d’abord circonvenir par les ennemis de la liturgie slavonne. Voir Jean VIII, ci-dessus col. G11-G12. Le pape écrivit à Méthode pour lui interdire, dès 873, de célébrer la messe en slavon. Jaffé, n. 2978. Méthode, ayant eu l’approbation d’Adrien, ne crut pas sans doute devoir modifier sa manière de faire, car, en 879, le pape le cita à comparaître devant lui l’incriminant d’erreurs de doctrine en même temps qu’il lui reprochait de continuer, malgré l’ordre reçu, à célébrer la messe, non en latin ou en grec, sed burbaru, id est Sclavina linyua. Il écrivit aussi à Zwatopluk, roi de Moravie, pour le mettre au courant de l’ordre donné à Méthode. Jaffé, n. 3267-3268 ; P. /… I. c.xxvi, col. 849850. Méthode dut donc se justifier une seconde fois. Le pape, après l’avoir entendu, lui donna en 880 une pleine approbation ; non seulement il n’y avait dans sa foi rien d’erroné, mais sa conduite même n’était pas répréhensible. « A bon droil » disait-il, nous louons les lettres slaves, pour que dans celle langue retentissent les louanges de Dieu ; et nous voulons que dans cette même langue ou chante les louanges et les œuvres de Notre-Seigneur Jésus Christ… Rien dans la foi orthodoxe ou dans la doctrine ne s’oppose à ce qu’on se serve de cette langue, soit pour chanter la messe, soit pour lire le saint Évangile ou les divines leçons de l’Ancien et du Nouveau Testament, bien traduites ou interprétées, soit pour psalmodier tous les offices des Heures ; car celui qui a fait les trois langues principales, L’hébreu, le grec et le latin, a créé aussi toutes les autres langues. » I ! demande seulement, comme avait l’ait Adrien II. qu’on lise d’abord en latin l’épître et L’évangile Jaffé, n. 3319 ; P. L., t. cxxvi, col. 906. N mvelle I il 1 re en 881 pour rassurer Méthode contre les ennuis qu’on lui suscite et pour

démentir auprès de Zwatopluk des lettres de blâme qu’on attribuait au pape. Jaffé, n. 3344 ; P. L, t. cxxvi, col. 928. — Ces procédés de faussaires employés contre Méthode ne réussirent que trop, malheureusement, auprès d’Etienne V, successeur de Jean VIII. Voir Etienne V, t. v, col. 978. En 885, le pape reproche à Méthode d’avoir continué à célébrer la liturgie en slavon, malgré le serment qu’il avait prêté sur le corps même de saint Pierre ; par l’autorité de Dieu et celle du Saint-Siège, il défend sous peine d’anathème de continuer cette pratique ; il permet seulement de traduiie et d’expliquer en slavon l’épître et l’évangile pour l’édification du peuple ignorant, Jaffé, n. 3407. Cette lettre, adressée à Zwatopluk, ruina en Moravie l’autorité de Méthode qui dut porter ailleurs son zèle apostolique. — Les pays slaves, bientôt séparés de Rome en grande partie, n’en continuèrent pas moins à user de la liturgie qui leur était propre. Quand, au xvie siècle, Rome reconquit sur le schisme une partie de la Ruthénie, celle-ci garda l’usage de la langue slavonne. BenoîtXIV, par la constitution Ex pusloruli munere, du 25 août 1754, l’accepta défini tivement, tout en protestant contre l’introduction de quelques prières en langue slave vulgaire dans lis livres liturgiques. Benoît XIV, Bullarium, Venise, 1778, t. iv, p. 96.

2. Jean de Montcorvin et lu langue tarlare.

Raynaldi, Annules ccclesiustici, an. 1305, n. xix-xx, édit. de Lucques, 1749, t. iv, p. 401, cite une longue lettre du frère mineur Jean de Montcorvin, apôtre des Tar tares. Dans cette lettre, dont tous les détails sont extrêmement intéressants, l’auteur rapporte, entre autres choses, qu’il a traduit en tarlare le Nouveau Testament et le psautier ; qu’il prêche en cette langue ; qu’il avait l’intention de traduire tout l’office latin pour qu’on pût le chanter dans tout le royaume. Du vivant du roi Georges, dit-il, il célébrait la messe selon le rite latin, mais in litlera et lingua illa legens larn verba canonis quum prsejationis. Nous ne savons quelle réponse le pape Clément V fit à ces nouvelles ; mais on peut présumer qu’il ne blâma pas le zélé missionnaire, puisqu’en 1307 il le créa archevêque Cambaliensis (de Pékin). Ibid., an. 1307, n. xxix-xxx, p. 433 sq.

3. Les humanistes.

Une des manifestations du mouvement humaniste en France fut ce que les historiens, par exemple Imbart de la Tour, dans ses Oriyinc> de la réforme en France, décrivent sous le nom d’Iran gélisme. Il se traduisit par un souci de faire pénétrer davantage l’Évangile dans l’esprit du peuple et des lettrés : textes plus correctement édités, traductions plus élégantes et surtout exemplaires plus répandus, tels étaient les inocns que fournissaient aux évangélistes et leurs études et l’invention de l’imprimerie. Les promoteurs du mouvement, particulièrement Érasme et Lefèvre d’Étaples, eussent voulu faire davantage et mettre à la portée du peuple, après les trésors de l’Évangile, ceux de la liturgie. I.a conséquence naturelle semblait être qu’il convenait de traduire les textes de la messe et de l’office comme on avait tra doit l’Évangile. On en tira une autre conséquence. Érasme, dans sa Pnrfatio in MatUueutn, critiqua violemment la pratique de faire prononcer aux fidèles des prières qu’Us ne comprennent pas : indccoriim cet ridicultim potius videtur quod idiotie et mulierculse, psittæi exemplo, psalmos suas et precationem dominicain immurmurant, cum ipsse quod sonant non inMlioant. C’était, en termes à peine voilés, l’aire le procès de l’emploi exclusif du latin dans la liturgie. Le concile de Trente (levait répondre à celle attaque, eu même temps qu’aux attaques protestantes. En attendant, dès 1520, un jugement longuement et fortement motivé de la Faculté de Paris censurait l.t proposition d’Érasme, « qui est de nature a détourner mal ^propos