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LANGUES LITURGIQUES

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Langues liturgiques diverses.

- Nous ne ferons

que les énumérer sans prétendre faire l’histoire détaillée de chacune d’elles.

1. L’araméen ou syro-chaldéen.

Ce fut la langue de Jésus et des apôtres ; c’est donc en cette langue que fut célébrée la première Gène et que se tinrent les premières assemblées de fidèles.Actuellement le syriaque est la langue liturgique des deux Églises jacobite et nestorienne ; elle reste aussi celle des maronites de Syrie, et des chaldéens unis.

2. Le grec.

Il était en usage dans la plupart des pays où l’Évangile fut prêché d’abord, spécialement de ceux que parcourut saint Paul. En Syrie, le grec était à peu près aussi usité que le syriaque ; à Rome même « t dans plusieurs régions de l’Occident, il concurrençait avec succès le latin. Tous les livres du Nouveau Testament sont écrits en grec ; saint Paul, même lorsqu’il écrit aux Romains, le fait en grec, comme saint Clément écrivant de Rome. Aussi le grec fut-il certainement, dans les débuts, la principale des langues liturgiques. Actuellement la plupart des liturgies orientales, aussi bien catholiques qu’orthodoxes, sont en grec. Voir Goar, Euchologion sise rituale greecorum, Paris, 1647. Toutefois les « arabophones » usent concurremment dans la liturgie eucharistique du grec et de l’arabe, cette dernière langue étant réservée aux lectures tirées de la Sainte Écriture.

3. Le latin.

Cependant on devait s’attendre à ce que le latin prît sa place dans la liturgie. Ce dut être assez tardivement à Rome même, tant la langue grecque y était en usage : c’est encore en grec que sont composées les premières apologies destinées cependant aux empereurs et au peuple de Rome. Peut-être est-ce en Afrique que le latin fut d’abord employé comme langue liturgique. A mesure qu’il détrôna le grec dans l’usage populaire, le latin conquit dans l’Église de Rome la place prépondérante, puis exclusive ; de Rome, il s’étendit chez tous les peuples barbares ; il est actuellement à peu près la seule langue usitée dans la liturgie des Églises de rite romain.

4. Le copte.

Le christianisme pénétra de bonne heure en Egypte et y brilla bientôt d’un vif éclat. On D’sait quelle langue y était employée d’abord dans la liturgie ; le syriaque y fut peut être quelque temps la langue dominante. La liturgie grecque, dite de saint Marc, n’y serait pas antérieure au ve siècle, d’après Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1898, p. 75. Lors de la grande scission qui jeta dans le monophy-Msme la plupart des chrétientés d’Egypte, les Églises hérétiques célébrèrent leur liturgie en copte, ce qui permet de penser qu’une liturgie copte existait précédemment dans les contrées d’Egypte où la langue grecque était moins connue. Cf. Pargoire, art. Alexandrie, 1. 1, col. 793.

5. L’éthiopien.

Les origines de l’Église d’Ethiopie -sont encore mal connues. On fait remonter au vie siècle un antiphonaire écrit en langue gheêz, c’est-à-dire en éthiopien, recueil d’hymnes et de « textes tirés de la Sainte Écriture et adaptés aux fêtes et aux périodes cultuelles du cycle ecclésiastique. » Coulbeaux, art. Ethiopie, t. v, col. 930. L’usage liturgique de l’éthiopien remonterait peut-être à l’évangélisation même du pays par saint Frumence. Les quelques prêtres abyssins catholiques que l’on trouve à Jérusalem utilisent encore dans leurs offices la langue éthiopienne.

6. Le géorgien.

Les premiers missionnaires de la Géorgie étaient grecs et usaient de la langue grecque. C’est seulement au vie siècle, lors d’une seconde évangélisation du pays, que la liturgie fut célébrée en géorgien. Janin, art. Géorgie, t. vi, col. 1251-1252. Oo trouvera dans cet article des renseignements très circonstanciés sur l’histoire de l’Église de Géorgie, .sur. tes persécutions qu’elle eut à subir de la part des

tsars, sur les conséquences qui en résultèrent pour la langue géorgienne, col. 1266-1269, sur des tentatives récentes pour ressusciter la liturgie en cette langue, col. 1286-1287.

7. L’arménien.

Le christianisme fut de très bonne heure importé en Arménie par des missionnaires venant de Syrie, qui probablement y introduisirent leur liturgie. C’est à saint Grégoire l’Illuminateur, apôtre de l’Arménie au iiie siècle, qu’est due l’introduction de la langue arménienne dans la liturgie. Cf. Petit, art. Arménie, t. i, col. 1893. L’arménien reste la langue liturgique des catholiques de ce rite.

8. Le gothique.

Ce sont des prisonniers chrétiens qui furent les premiers apôtres des Goths. Leclercq, art. Goths, dans Dictionnaire d’archéologie…, t. vi, col. 1431-1435. Au ive siècle, des missionnaires grecs traduisirent en gothique leur propre liturgie pour la rendre plus accessible. Depuis les invasions, le peuple Goth s’est fondu ave : les populations des pays envahis ; il a perdu sa nationalité et sa langue. Le gothique n’est donc plus une langue liturgique actuelle.

9. Le slavon.

Les apôtres des Slaves, les saints Cyrille et Méthode, originaires de Constantinople, organisèrent la liturgie en langue slavonne dans un but d’apostolat. Nous verrons quel accueil leur initiative reçut à Rome. Aujourd’hui le schisme russe a détaché de l’Église romaine la plus grande partie des Slaves. Mais les diverses Églises uniates des régions slaves emploient encore la langue slavonne, les unes selon le rite grec, les autres selon le rite latin. Certaines concessions ont été faites en 1920 par Benoît XV au clergé tchèque ; le pape lui permet l’usage de la langue paléoslave à la grand’messe pour quelques fêtes seulement et dans quelques sanctuaires : nous dirons plus loin quelques mots du mouvement qui a provoqué ces concessions.

10. Le roumain est également employé comme langue liturgique tant dans les Églises orthodoxes de la Roumanie proprement dite que dans les Églises uniates de rite roumain de la Transylvanie.

Caractère général des langues liturgiques.

Il est

assez d’usage, chez ceux qui trouvent mauvais que l’Église célèbre ses offices dans une langue incomprise du peuple, d’opposer à sa rigueur actuelle la discipline plus large des temps anciens ou des Églises séparées. Que la liturgie ait été, au début, formulée en langue populaire, personne ne le nie ; et, d’autre part, chaque fois qu’on jugea à propos d’admettre une nouvelle langue liturgique, c’est évidemment la langue usitée dans le peuple que l’on employa. Mais, par la force des choses, une fois la période des débuts dépassée, la langue liturgique devenait peu à peu inintelligible au vulgaire, et tel est, en effet, le caractère général des langues liturgiques. Toute langue parlée a sa vie propre ; elle évolue, se transforme, s’enrichit de termes nouveaux ou s’appauvrit de mots ou de tournures qui vieillissent ; après quelques siècles, surtout avant l’invention de l’imprimerie qui a eu pour résultat une certaine stabilisation des langues, elle est devenue si différente d’elle-même que les érudits seuls peuvent comprendre les documents du passé : le français de la Chanson de Roland ne devait déjà plus être compris au xvi c siècle. Or la langue liturgique se trouve immobilisé ? dans des formules intangibles. Alors que le langage du peuple se modifie, elle est immuable ; et les différences, d’abord peu sensibles, finissent en s’accumulant par la rendre incompréhensible. Le syriaque liturgique, le grec liturgique, le slavon liturgique sont presque aussi peu à la portée du peuple que chez nous le latin. C’est là d’ailleurs un phénomène à peu près universel : les juifs célèbrent leur culte en un hébreu qui est fort éloigné du yiddish ; et Quintilien nous apprend que les chants des prêtres saliens étaient à