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LANGAGE (ORIGINE DU) — LANGENSTEIN


Son maître, saint Basile, avait affirmé que les mots étaient une invention humaine. Adv. Eunomium, t. II, n. 4, P. G., t. xxix, col. 578 sq. Eunomius reprochait à Basile d’avoir méconnu l’enseignement du I er chapitre de la Genèse, où Dieu nous apparaît comme ayant imposé lui-même des noms aux choses. Grégoire reprend, en la défendant, la thèse de Basile. Contra Eunomium, t. XII, P. G., t. xlv. C’est Dieu qui a donné à l’homme le pouvoir de raisonner ; mais c’est à l’homme, usant de son intelligence, qu’il faut rapporter l’invention des mots, col. 975. C’est un enfantillage vaniteux des Juifs qui transforme Dieu en grammatiste : « Dieu, lorsqu’il eut donné à l’animal la faculté de se mouvoir, ne produisit point lui-même chacun de ses pas. Car, lorsque la nature a reçu de son créateur la faculté de se mouvoir.elle-même, elle se meut et se conduit en exécutant elle-même chaque mouvement… L’homme, pareillement, lorsqu’il eut reçu de Dieu la faculté de parler, de former des sons et d’exprimer sa volonté, s’engagea lui-même dans cette voie, sous l’impulsion de la nature, et adapta aux choses certains sons diversement modulés, » col. 991. Et un peu plus loin : « La chose… est l’œuvre de la puissance du Créateur ; les mots… sont l’œuvre et la création de la faculté de penser, Mais cette faculté… est l’œuvre de Dieu, » col. 993. La diversité des langues est due à l’évolution naturelle des choses et Moïse, nous rapportant la création du monde, « fait parler Dieu dans la langue hébraïque dans laquelle il était lui-même instruit, » col. 995. En résumé, Dieu a créé les choses, a doué l’homme de puissances et d’organes, mais ce sont les hommes eux-mêmes, guidés par la nature, qui, usant de ces puissances et de ces organes, ont inventé le langage. De fait l’Écriture, rapportant que les animaux furent conduits à Adam, « pour qu’il voie à leur donner des noms, » Gen., ii, 19, ne semble pas admettre d’autre interprétation que celle-ci : Adam créa lui-même un langage.

Ce qu’on a dit ailleurs du don de science, voir Justice originelle, col. 2028, nous permet de justifier théologiquement la thèse de l’origine naturelle du langage par rapport aux assertions de l’Écriture. Cette origine naturelle suppose que Dieu, d’une façon préternaturelle, avait donné à Adam l’esprit génial et une science suffisante pour guider les premiers pas de l’humanité naissante. Il n’est pas nécessaire, d’ailleurs, que cette science ait été aussi étendue que l’affirment parfois les scolastiques : « La création du langage, telle qu’elle nous est rapportée dans la Sainte Écriture, implique uniquement ces deux choses : premièrement, que l’homme était conscient d’être essentiellement différent des animaux même les plus élevés ; deuxièmement, qu’il comprenait dans une certaine mesure les caractères propres des animaux et des autres êtres. » Schmidt, op. cit., p. 203. Cette connaissance des caractères propres pouvait se réduire à la connaissance de quelques traits extérieurs très apparents ; mais elle suppose l’emploi de signes vocaux aptes à les désigner suffisamment. « Il n’y a pas lieu, écrit le P. Ch. Pesch, de supposer que le langage du premier homme ait été essentiellement différent du nôtre, comme si le nom avait alors exprimé l’être intime de la réalité qu’il désignait. Car, de même que le premier homme n’avait aucune connaissance de l’essence des choses qui différât de notre science, il ne pouvait pas non plus et beaucoup moins encore posséder un langage exprimant l’essence, à supposer que pareille chose soit concevable lorsqu’il s’agit de tons et de sons, ce dont on peut légitimement douter. On peut et on doit accorder qu’à l’origine, le rapport entre les mots et les choses n’était pas arbitraire au même degré qu’il l’est devenu et que l’homme d’alors percevait une relation beaucoup plus intime entre le signe

et ce qui était signifiée ; la différence, malgré tout, ne saurait être que de degré. » Gott und Gotler, Fribourgen-B. , 1890, p. 66 ; Pnelectiones dogmalicæ, t. iii, n. 216. Il n’est donc pas nécessaire de supposer que les premières inventions de l’homme aient constitué un langage de tous points parfait : ces rudiments de langage laissaient place à un progrès ultérieur.

Quant aux difficultés auxquelles pouvait se heurter cette explication par rapport à Gen., xi, 1, et 7-9, elles s’évanouissent facilement si on considère : 1. que le f 1 ne s’applique pas nécessairement à tous les hommes alors existant sur la surface de toute la terre ; 2. que le sens littéral de l’unité d^ langage et de la confusion des langues ne s’impose pas : ces expressions peuvent simplement signifier l’intelligence et la mésintelligence des hommes entre eux.

A. Michel.

    1. LANGENSTEIN (Henri de)##


LANGENSTEIN (Henri de). —Henri de Heynbuch, né très probablement en 1310, est nommé généralement Henri de Langenstein parce que la métairie de Hembuch ou Helmbuche de ses parents appartenait au village de Langenstein près Marbourg en Hesse, ce qui nous explique aussi son autre nom Hcnricus de Hassia. Il commença ses études vers 1360 à l’Université de Paris. Nommé licencié es arts le 2 mai 1363, il resta maître à la Faculté des artistes (nation anglaise) jusqu’en 1375, s’occupant surtout des questions d’astrologie. Son traité sur les comètes (1368) émut fortement les esprits de son temps, car il y attaqua les superstitions astrologiques. En 1375 ou en 1376, Henri changea de Faculté et s’occupa dès lors de théologie. Membre du collège de Sorbonne il devint (1378) vice-doyen de l’Université et resta en charge jusqu’en 1382. On le retrouve en 1383 à Vienne, où il fut le grand organisateur de la jeune Université fondée an 1363. Il mourut le. Il février 1397.

Henri de Langenstein doit sa renommée à ses écrits sur le grand schisme d’Occident, dont il fut contemporain. Son premier ouvrage, intitulé Epistola pacis, date de mai 1379. Il devait encourager l’Université de Paris dans sa neutralité entre les deux papes, bien que Charles V eût demandé l’adhésion à Clément VII. Sous forme de discussion entre un urbaniste et un clémentiste, Henri traite la question de la légitimité des deux prétendants à la tiare. Ne trouvant aucune solution, il discute les moyens aptes à découvrir le « véritable fiancé de l’Église ». Les deux derniers chapitres lxxxvii et lxxxviii recommandent la réunion d’un concile général, convoqué par les deux papes, par les cardinaux ou par les évêques. C’est ainsi qu’Henri fut le premier représentant de la fameuse théorie conciliaire. L’Epislola pacis n’empêcha pas l’Université de donner son adhésion au pape d’Avignon, mais les nations anglaise et picarde gardèrent la neutralité, et, grâce à l’influence d’Henri, le mouvement conciliaire ne fut pas complètement abandonné par l’Université de Paris.

Une assemblée générale des docteurs indiqua, le 20 mai 1381, le concile général comme le moyen le plus apte à mettre fin au schisme. Henri s’adressa par une Epistola concilii pacis, peut-être à la demande de l’Université, aux princes chrétiens et aux prélats pour les gagner à cette idée. Sachant que l’argumentation de l’Epistola pacis était assez faible, il chercha un nouveau procédé par une enquête historique et dogmatique. Ses contemporains ne cessaient de regarder le schisme du point de vue de la foi. Ils accusaient les deux papes d’hérésie, ce qui, par l’application de quelques gloses et décrets anciens rendait les deux adversaires justiciables d’un concile. Mais Henri va beaucoup plus loin, il pose nettement la question de principe : « Quels sont les droits de l’Église dans l’élection du