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LANFRANC


Clément III, il n’aura pas la franchise d’allure qu’on attendrait d’un homme de sa trempe. Comme son souverain, il se montrera hésitant. A un des partisans de Guibert, il répond sans doute en blâmant les injures que celui-ci s’est permises à l’adresse de Grégoire, les louanges exagérées dont il a couvert Clément. Mais, craignant de sortir de la neutralité, il ajoute : « Je crois d’ailleurs, que le glorieux empereur ne s’est point résolu à pareille chose (l’élévation de Guibert) sans de fortes raisons et qu’il n’a pu, sans un grand secours de Dieu, remporter une telle victoire. » Et, dissuadant son correspondant de venir faire de la propagande guibertiste en Angleterre : « Notre île n’a pas encore, continue-t-il, repoussé Grégoire : elle n’a pas encore décidé qu’il fallait obéir à Clément. Après audition des deux parties, elle verra plus clairement ce qu’il y aura à faire. » Epist., lix, Giles, 65, p. 79. Finalement l’Angleterre, son roi, son primat demeurèrent neutres. Les dernières années de Lanfranc furent attristées par la mort de Guillaume le Conquérant, 9 septembre 1087, et par les dilïicultés que l’archevêque ne tardera pas à avoir avec Guillaume le Roux dont il avait pourtant favorisé l’élévation. Il mourut lui-même peu de temps après son ami et protecteur, le 28 mai 1089.

II. Ecrits.

Bien qu’il ait joui à un moment de sa carrière d’une réputation extraordinaire de savant, Lanfranc n’est, à tout prendre ni un homme de science, ni un théologien. Homme d’action avant tout, il a donné sa pleine mesure quand les circonstances lui ont permis de déployer son génie politique. On ne s’étonnera donc pas que son œuvre littéraire soit relativement peu considérable et en tout cas d’une portée bien inférieure à celle d’un Anselme de Cantorbéry, son disciple et son successeur. D’Achery, le premier éditeur, à la suite des historiens de la littérature ecclésiastique, mentionne :

1° Un Commentaire sur les Psaumes, dont il ne s’est conservé aucune trace. — 2° Un Commentaire sur les Épîlres de saint Paul, publié pour la première fois par d’Achery, dont Mabillon a suspecté l’authenticité, mais que H. Bôhmer attribue résolument au prieur du Bec. Ce qui arrêtait Mabillon, c’est que Sigebert de Gembloux caractérise de la façon suivante le commentaire de Lanfranc : Paulum apostolum exposait et ubicunque opportunilas locorum occurrit, secundum leges dialecticæ proponil, assumit, concludit. De script, eccles., 155, P. L., t. clx, col. 583. Or le travail que nous avons, loin d’être composé dialectico more, emprunte le plus clair de ses solutions aux commentateurs anciens, spécialement à l’Ambrosiaster et à saint Augustin. Ce qui décide H. Bôhmer à revendiquer cet écrit pour l’archevêque de Cantorbéry, c’est le témoignage de mss très anciens. Peutêtre ne faut-il pas trop presser les caractéristiques de Sigebert de Gembloux. — 3° Un Libellus de sacramentu corporis et sanguinis Chrisii contra Berengarium, édité dès 1518 à Bâle par Sichard, à Rouen en 1540 par les soins de Guillaume Le Bat (G. Ratus), pénitencier de Bouen, puis très souvent réimprimé depuis. Sur cet opuscule, le plus important de l’œuvre de Lanfranc voir ci-dessous. — 4° Slatylasive décréta pro ordine S. Benedicti, explication de la règle bénédictine qui entre en de minutieux détails sur la vie monastique et contient en même temps des règles liturgiques qu’il y aurait intérêt à relever. — 5° D’Achery a publié aussi quelques noies in collatlones Cassiani, qui n’ont guère d’importance. — 6 » De beaucoup plus grand Intérêt sont les Epiatolse décrétâtes dont la réunion commencée par d’Achery a été complété. : par Giles. En tout une soixantaine de Ici t les datant de l’épiscopal de Lanfranc, où se trouvent d’ailleurs plusieurs pièces qui lui sont

adressées. Importantes surtout pour l’histoire du droit canonique, comme nous l’avons indiqué plus haut, elles présentent aussi quelque intérêt pour le théologien. Signalons la lettre xxxiii, Giles, 36, p. 54, relative à la communion des tout petits enfants. L’archevêque de Dublin (ou d’Armagh) avait interrogé le métropolitain de Cantorbéry sur les doctrines de l’Église d’Angleterre quant à ce point. Il semblait prêter à son correspondant cette idée que la communion est absolument nécessaire pour le salut, qu’elle est donc indispensable aux tout petits enfants. Lanfranc repart que sans doute la participation au corps et au sang du Christ est utile et à conseiller à tous les âges, omnibus œlalibus. Que si néanmoins des nouveaux baptisés meurent avant d’avoir reçu la communion, ils ne sont pas exposés pour cela à périr éternellement. La parole évangélique : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme.., vous n’aurez pas en vous la vie », Joa., vi, 54 n’est pas à prendre dans le sens de la nécessité absolue de la communion sacramentelle : quantum ad comestionem oris non potest generaliter dicta esse de omnibus. Certains martyrs sont morts dans les tourments avant d’avoir pu être baptisés ni communies, et pourtant l’Église les croit au ciel. Un petit enfant baptisé en cas de nécessité par un laïque et qui meurt aussitôt après n’est point séparé du sort des âmes fidèles. Il faut donc entendre la parole du Christ en un sens plus large, à savoir que tout chrétien qui en est capable doit s’assimiler la chair et le sang du Christ non seulement par la communion de bouche, mais par l’amour et l’imitation du Sauveur. Aux lettres décrétales il faudra désormais annexer le Scriplumdeordinalione sua où Lanfranc expose à son point de vue ses démêlés avec York ; il est inséré dans le Gesla pontij., de Guillaume de Malmesbury, édit. des Rolls Séries, p. 39 sq. — 7° Le très court Liber de celanda confessione publié par d’Achery ne parle pas seulement du secret de la confession, mais encore des moyens de suppléer au manque de prêtre. En cas de nécessité, on pourra (Lanfranc dit presque : on devra) se confesser à n’importe quel ecclésiastique (entendons qu’il s’agit non seulement de prêtres, mais de clercs quelconques) avec une distinction toutefois : De occullis omni ecclesiastico ordini confileri debemus, de aperlis vero solis convenil sacerdotibus, per quos Ecclesiæ, quæ publiée novit et solvit et ligat. A défaut de clerc, on s’adressera à un laïque : vir mundus ubicumque sit requiratur. Enfin, si ce dernier moyen même échappait, il n’y aurait pas a désespérer ; il resterait la ressource de se confesser au Seigneur. P. L., t. cl, col. 629-630. — Les anciens catalogues indiquent encore une histoire de Guillaume le Conquérant, Laudes, triumphi et res gestx Guillelmi, dit Sigebert de Gembloux ; cet ouvrage, si Lanfranc en est bien l’auteur, est perdu ; autant en dira-t-on d’une Historia ecclesiaslica dont parle Eadmer, ipsemet de rebus ecclesiaslicis quæ suo tempore gesta sunt veracissimo et compendioso calamo scripsit, Hist. nov., t. I, P. L., t. eux, col. 35 1 B, mais qui pourrait bien n’être, après tout, que le récit de ses démêlés avec York. Un catalogue de la bibliothèque de Priifening (diocèse de Batisbonnc) de 1317 mentionne encore un De sacramentis excommunicatorum dont on n’a pas d’autres nouvelles. Quant à VElucidarium que lui attribuent quelques-uns, il appartient à Ilonorius Augustodunensis. Voir t. vii, col. 144.

III. LA DOCTIUNE EUCHARISTIQUE DB LANFRANC. —

Le nom de Lanfranc est intimement mêlé à la controverse provoquée par Bérenger autour du problème eucharistique. Voir t. ii, col. 724 ; t. v, col. 1268 ; Ileurtevent, Durand de Troarn et les origines de l’hérésie bérengarienne, p. 124 sq.