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LAMY FRANÇOIS


charge dans son ordre. Comme il n’avait jamais accepté les dignités qu’avec répugnance, il supporta sans trop de peine cette disgrâce et vécut désormais à l’abbaye de Saint-Denis. Sa vie religieuse fut partagée entre l’étude et la piété. Il passait en son temps pour le bénédictin qui écrivait le mieux en français ; cependant son style, quelquefois faible, souvent diffus, n’est pas exempt d’affectation. Il recevait souvent des visites de plusieurs personnes qui venaient le consulter ; il entretint une correspondance avec Fénelon qui, comme Bossuet, l’honorait de son amitié. Il réussissait probablement mieux dans la discussion, comme le prouverait le résultat d’une conférence qu’il eut à la Trappe avec l’abbé de Rancé sur les études monastiques. Avec un penchant décidé pour la polémique et même pour le paradoxe, il soutint des discussions contre Malebranche, Arnaud, Nicole, Duguet, Gibert, etc. Après une vie de pénitence, de souffrances et d’humilité, il mourut dans l’abbaye de Saint-Denis, le. Il avril 1711.

II. Œuvres. — On en trouve rémunération dans dom Tassin : Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur, in-4°, Bruxelles, 1770, p. 356 sq. ; dans Ch. de Lama : Bibliothèque des écrivains de la Congrégation de Saint-Maur, in-12, Paris, 1882, n. 264-283. Nous mentionnons ici seulement les écrits qui ont un rapport plus étroit avec la théologie.

Apologétique.

Le nouvel athéisme renversé, ou

réfutation du système de Spinosa, tirée pour la plupart de la connaissance de la nature de l’homme, in-12, Paris, 1696, et Bruxelles, 1711. Après un exposé du système, Lamy le réfute par des raisons à la portée de tous, et ensuite par la méthode des géomètres. Bien que Bossuet, Duguet et Voltaire lui-même aient loué cet ouvrage, dom Lamy semble y faire preuve de plus de bonne volonté que de sens métaphysique.

Il réussit mieux dans sa lutte contre les mécréants, dans : 1. Vérité évidente de la religion chrétienne on Élite de ses preuves et de Celles de sa liaison avec la divinité de Jésus-Christ, in-12, Paris, 1694. Dans ce livre, on trouve les principales démonstrations de la vérité de la religion chrétienne, réduites d’une manière nette et précise. — 2. L’incrédule amené à la religion par la raison, en quelques entretiens où l’on traite de l’alliance de la raison avec la foi, in-12, Paris, 1710. Neuf entretiens sous forme de dialogue, écrits avec beaucoup de force et de solidité. Recommandé par Feller, cet ouvrage a été inséré par Migne dans ses Démonstrations évangétiques, t. iv, col. 509-617.

Dogmatique.

1. Réfutation du Système de la

grâce universelle de M. Nicole : cet écrit de dom Lamy a été trouvé après sa mort. M. Nicole ayant soumis à son examen l’ouvrage sur la grâce, dom Lamy lui fit voir qu’il s’écartait de l’esprit et des principes de saint Augustin. — 2. Histoire d’une contestation excitée depuis peu sur les satisfactions de Jésus-Christ : œuvre en manuscrit. On peut voir dans la Correspondance de Bossuet, édition Ch. Urbain et L. Levesque, t. iii, p. 456 sq. l’exposé d’une proposition énoncée par Dom Lamy (p. 456) à laquelle Bossuet répond par des observations. Finalement dom Laniy consent à soutenir seulement « que la satisfaction de Jésus-Christ apporte quelque soulagement aux damnés et même aux démons, et que Dieu, pour l’amour de Jésus-Christ, punit les damnés et même les démons au-dessous de leurs mérites ; qu’ils doivent cet adoucissement aux mérites infinis de Jésus-Christ auxquels Dieu a plus d’égard que ne mérite leur ingratitude. » Avec cela, il abandonne le mot de supplément dans tous les sens désapprouvés par Bossuet (p. 493). Ce sentiment se rapproche de l’opinion qui admet la mitigation des peines des damnés, au sujet de laquelle M. Émery, supérieur de Saint-Sulpice, devait à la fin du xviiie siè cle publier une Dissertation. Voir Émery, t. iv, col. 2419. et la correspondance citée, note des éditeurs, p. 468. D’après dom Tassin, le manuscrit de Lamy contenait encore une analyse du Cur Deus homo de saint Anselme, où il prouve la nécessité absolue de l’incarnation, supposé le péché. Le P. Lamy termine l’ouvrage en prouvant par saint Augustin la nécessité d’un ordre essentiel, éternel et immuable.

Morale.

Lettres théologiques et morales sur

quelques sujets importants, in-12, Paris, 1708. Ces lettres, au nombre de huit, sont écrites sous le nom d’un solitaire à un ami. Dans les quatres premières, l’auteur prouve l’obligation de ne pas différer à s’exciter à la contrition, dès que l’on s’aperçoit que l’on est tombé en péché mortel. Dans la cinquième, il montre que la fin, les vertus prétendues, les plus belles actions des philosophes païens, notamment des stoïciens, sont des effets d’un orgueil insupportable. Dans la sixième, il établit la nécessité d’un culte extérieur. Il explique dans la septième comment Jésus a pu allier la souveraine béatitude avec la plus vive douleur. Enfin la huitième déclare coupable de péché mortel un religieux qui, par une négligence grossière, et sans vouloir se corriger, viole habituellement quelque observance régulière. Le principe est que les plus légères violations de la loi deviennent des péchés mortels dô^ qu’il y a .du mépris : c’est dit Lamy, le sentiment de saint Bernard et de saint Thomas.

Ascétisme.

De la connaissance de soi-même,

6 in-12, Paris, 1694-98 ; ’2e édition, Paris, 1700. — Cet ouvrage est le principal et le plus estimé de ceux de dom Lamy. En trois traités, avec des éclaircissements, l’auteur veut exciter l’homme à s’étudier et il lui en indique les moyens. Cependant il rencontra de nombreux adversaires : au t. iii, il avait attaqué le P. Malebranche au sujet de son traité De la nature et de la grâce et de son Système sur l’amour désintéressé. Malebranche répondit par le traité de l’amour de Dieu où il faisait tomber indirectement sur dom Lamy le soupçon de quiétisme. Ce dernier répliqua dans ses Lettres pour répondre à la criliquedu R. P. Malebranche, prêtre de l’Oratoire, sur les trois derniers éclaircissements de la connaissance de soi-même touchant l’amour désintéressé, in-8°, Paris, 1699. Il fallut l’intervention des supérieurs pour arrêter cette lutte théologique où dom Lamy apportait plus de conviction que de calme. Le polémiste ne se montre pas moins ardent dans ses Réflexions sur le traité de la prière publique, in-12, Paris, ’1708, où il relève un passage du Traité composé par l’abbé Duguet et qu’il prend dans un sens différent de celui de l’auteur. D’un ascétisme plus calme sont les deux ouvrages suivants : Les saints gémissements de l’âme sur son éloignement de Dieu : la tyrannie du corps premier sujet de gémir, in-12, Paris, 1701 : aspirations et plaintes amoureuses propres à toucher le cœur en éclairant l’esprit. Les Leçons de la sagesse sur l’engagement au service de Dieu, in-12, Paris, 1703, « ouvrage écrit d’un tour fin, avec des expressions vives, des pensées justes, des sentiments religieux, » c’est une paraphrase du second chapitre de l’Ecclésiaste.

1. Sur le personnage, outre dom Tassin, déjà cité, voir E. de Broglie, Mabillon et la société de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, 2 in-8°, Paris, 1888, passim et notamment 1. 1, p. 23-24 et 74 ; t. ii, p. 145-116 et 186 ; Lettres de Bossuet et de Fénelon, dans les Œuvres de ces deux prélats ; llœfer, Nouvelle biographie générale, t. xxix, col. 298-300 ; Bulletin d’histoire bénédictine, supplément à la Revue bénédictine, n. 1749.

2. Sur les œuvres : Ellies du l’m Bibliolh. des auteurs ecclésiastiques du XV IP siècle, 1. 1, p. 392-393 ; t. ii, p. 811832 ; Goujet, Biblioih… pour servir de continuation à celle de M. Dupin, 1. 1, p. 311-313 ; Nicéron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres de la République des Lettres,