Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/563

Cette page n’a pas encore été corrigée
2535
2536
LAMENTATIONS (LIVRE DES]


sentiment du voyant se trahit d’une façon très vive et très abrupte ; il en résulte que, sous cette manifestation primesautière, nous n’avons pour ainsi dire qu’une impression partielle et, en tout cas, assez exclusivement personnelle. Les longs développements des Lamentations, au contraire, constituent comme une analyse de l’état d’âme produit par le spectacle de tant d’infortune et, quelle que soit la puissance de la personnalité de l’auteur, il est impossible que dans ce tableau où il s’applique pour ainsi dire à n’omettre aucun trait, il ne fasse écho aux sentiments des âmes qui l’entourent, be ce chef, le témoignage des Lamentations a une portée plus générale que celui du livre même des prophéties de Jérémie. » L’âme juive au temps des Perses, dans Revue biblique, 1916, p. 332.

V. Doctrines religieuses.

Si la description des ruines matérielles et morales accumulées par la prise de Jérusalem et la chute de Juda tient une grande place dans les Lamentations, si les accents douloureux se multiplient à la vue de la misère présente et au souvenir de la splendeur passée, si les terribles fléaux de la guerre, de l’incendie, de la famine, de l’exil provoquent tour à tour les cris déchirants et les appels angoissés du poète, c’est pourtant sous leur aspect religieux qu’en définitive toutes choses sont envisagées. Aussi, bien que le livre des Lamentations n’apporte pas à notre connaissance de la religion d’Israël au vie siècle d’éléments bien nouveaux, son insistance sur certaines vérités morales et ieli ;.ieuses nous les fait voir en un saisissant relief et nous aide à mieux comprendre le rôle et l’influence du prophète Ézéchiel au milieu de ses compagnons de captivité dont l’état d’âme doit se refléter bien souvent dans ces poèmes.

.Dieu. — A ceux qui sont demeurés en Palestine après la ruine de Jérusalem, comme à ceux qiii ont pris le chemin de l’exil, apparaît désormais la vérité des oracles de Jérémie et d’Ézéchiel annonçant la catastrophe ; la coi.fiance aveugle accordée jadis aux promesses des faux prophètes ne va-t-elle pas faire place au désespoir et partant à la négation de la puissance et de la fidélité du Dieu d’Israël pour aboutir finalement à l’abandon et au rejet de son culte ? On pourrait le croire à entendre le prophète lui-même s’écrier que sa force est perdue ainsi que son espérance en Jahvé, Lam., iii, 18, et à le voir terminer sans une parole de consolation le sombre tableau du c. n. Mais il n’en est rien. Il sait, et il le dira avec force et insistance, que le Dieu d’Israël, loin d’être diminué par la catastrophe qui a frappé son peuple, a donné par là une nouvelle preuve de sa puissance et de sa justice, car c’est lui qui l’a voulue dans sa colère, Lam., i, 12 ; c’est lui qui a livré Juda aux mains de ses ennemis, Lam., i, 14, les mandant contre Jacob. Lam., i, 17. Il n’a fait qu’exécuter ce qu’il avait résolu selon les affirmations répétées de tout le commencement du c. n ; malgré les privilèges d’Israël et de Sion, malgré toutes les supplications, malgré sa bonté et sa pitié, Jahvé a affligé son peuple. Lam., iii, 43-45 ; iv, 11, 16.

Si la puissance du Dieu d’Israël ne saurait subir la moindre atteinte du désastre qui a ruiné son peuple, sa justice non plus que sa sagesse n’en sortent amoindries. Jahvé, vraiment juste, se devait de châtier les rebelles, Lam., i, 18 ; iii, 42 ; vraiment sage, il a accompli la parole qu’il avait prononcée dès les jours anciens. Lam., ii, 17. De cette confession de la puissance et de la sagesse divines va découler comme une conclusion logique l’aveu des péchés, germe lui-même d’espérance cl <l<— régénération.

Lc péché. — La véritable cause de tous les maux, en effet, c’est le péché ; péché de tout le peuple d’abord : la multitude de ses fautes a attiré sur lui le châtiment, Lam., i, . r >, et a fait de lui et de la ville sainte une chose

I souillée, Lam., i, 8, car son iniquité est plus grande que le péché de Sodoine, Lam., iv, C ; péché ensuite et particulièrement grave de ceux qui avaient mission de guider et d’avertir le peuple, crime des prêtres et des prophètes qui ne lui ont pas dévoilé son iniquité et qui au lieu de la vérité ne lui ont fait entendre que des oracles de mensonge et de séduction, Lam., ii, 14 ; iv, 13, l’entretenant dans de vaines illusions jusqu’à l’heure de la catastrophe où le peuple lui-même, enfin éclairé, les a rejetés et maudits, Lam., iv, 13-16 ; péché enfin des ancêtres, car ce n’est pas seulement la génération présente qui a été prévaricatrice ; à ses infidélités s’ajoutent celles de ses pères. Lam., v, 7.

Le châtiment de fautes si graves et si nombreuses n’a pourtant point été jusqu’à l’anéantissement du coupable, et c’est là déjà une grâce de Jahvé, Lam., m, 22, grâce qui permet d’en espérer d’autres. Peu à peu, de la plainte presque désespérée le poète passe à la prière de plus en plus confiante, mais il sait que la première condition du pardon dont il ne faut jamais désespérer, Lam., iii, 25-26, est l’humble aveu des fautes ; que chacun donc ne se plaigne que de ses péchés, Lam., ni, 39 et, ayant examiné et scruté ses voies retourne à Jahvé. Lam., iii, 40. Les miséricordes divines en effet ne sont pas épuisées, Lam., iii, 22 ; la vue des maux dont souffre le peuple les fera descendre du haut des cieux. Lam., iii, 49-50. Alors s’exercera la vengeance sur les ennemis d’Israël, à leur tour le châtiment les atteindra, Lam., iii, 64, 66 ; iv, 22 ; bientôt viendra le salut pour ceux que Jahvé malgré tout n’a pas oubliés, car son abandon ne saurait être éternel, et c’est sur un cri d’espérance que se termine le recueil des Lamentations : « Fais-nous revenir à toi, Jahvé, et nous reviendrons ; renouvelle nos jours comme autrefois. Car nous aurais-tu entièrement rejetés, serais-tu irrité contre nous sans mesure ? » v, 22.

Le culte. — Objet d’une condamnation spéciale de Jahvé, le culte lui aussi a disparu dans la tourmente ; le Seigneur a pris en dégoût son autel et en abomination son sanctuaire ; c’est pourquoi il les a détruits et fait cesser dans Sion solennités et sabbats, il a rejeté les prêtres comme les rois, il n’y a plus de loi. Lam., n, 6-9. Cette condamnation d’un culte qui offensait Dieu parce qu’il n’était pas l’expression des véritables sentiments de ceux qui l’offraient, la disparition de tout ce qui en faisait l’éclat et trop souvent avait été cause de vaines illusions parmi le peuple, tout cela préparait les âmes des exilés à mieux comprendre les leçons des prophètes Jérémie et Ézéchiel et surtout leurs appels à la conscience et à la responsabilité personnelles.

De ce rapide exposé des doctrines morales et religieuses du livre des Lamentations se dégage leur parfaite conformité avec les enseignements des prophètes et de Jérémie en particulier. Dans les oracles de celui-ci comme dans les Lamentations, les malheurs d’Israël reçoivent une explication identique : le péché ; à travers les plus sombres perspectives, dans la plus grande détresse, l’âme pieuse et confiante se tourne également vers Jahvé et ne désespère ni de son salut ni de celui de la nation. A redire ces plaintes et ces aveux, les déportés de Babylone surtout, car le peuple demeuré en Palestine ne semble pas avoir compris la leçon des événements, pouvaient à leur tour regarder vers Jahvé et attendre de lui, après la dure et longue épreuve de la captivité, un avenir meilleur. C’est à les conduire vers cel avenir que désormais se dépensera toute l’activité du prophète Ézéchiel, particulièrement dans ses prophéties d’espérance.

I. Principaux COMMENTATEURS. —— 1° Catholiques. Origène, Selecta in Threnos, P. G., I. xiii, col. 000-652, cl édit. Klostermann, dans le Corpus de Berlin, Origène, t. m. 1901, p. 233-278 ; Théodorel < ! < Cyr, in Threnos, ». <.’.,