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LAMENTATIONS (LIVRE DES)


devient ainsi plus facile. Budde, Dos hebraïsche Klagelied, dans Zeitschrift fur die altlestamenlliche Wissenschaft, 1882, p. 1-52, et dans Preuss. Iahr., 1893, p. 460 sq. Cf. Bickell, Carmina Vet. Test, metrice, Inspruck, 1882.

Les vers des quatre premiers poc’mes sont groupés en strophes faciles à reconnaître, car la suite de leur première lettre constitue l’alphabet hébreu ; au c. iii, chacun des trois vers de la strophe commence par la même lettre. L’ordre des lettres n’est toutefois pas le même dans les quatre chapitres ; tandis que dans c. i l’ordre est régulier, dans les c. ii, m et iv, l’ordre de deux lettres est renversé, la lettre phé y précède la U’ttre (un. Différentes explications ont été proposées de cette inversion, entre autres celle de la diversité d’auteurs ; aucune ne s’impose. Cf. Bôhmer dans Zeitchrifl fur die A. T. Wissenschaft, 1908, p. 53 sq. Le c. v se distingue des précédents et au point de vue du vers qui n’a pas la même mesure et au point de vue de la composition qui n’est plus acrostiche, quoiqu’on y trouve autant de vers qu’il y a de lettres dans l’alphabet hébreu. Les réponses pour rendre compte de ces particularités du dernier poème des Lamentations demeurent de simples hypothèses. A noter enfin la répétition fréquente dans ce chapitre de la syllabe nû, sorte de rime peut-être intentionnelle.

Le style.

Tous ceux qui ont étudié le livre des

Lamentations se sont plu à célébrer ses beautés littéraires et le talent de l’auteur qui a su évoquer d’une façon si touchante les malheurs du peuple de Dieu. « Jérémie, dit Bossuet, est le seul qui ait égalé les Lamentations aux calamités. » « Le prophète, dit Lowth, y déplore, avec une telle étendue et une si grande richesse d’ornements, le désastre de sa patrie qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il a parfaitement rempli son douloureux ministère. A notre avis, on ne trouvera pas un autre poème où, dans un espace aussi resserré, on rencontre un choix d’images aussi heureux, aussi varié, aussi élégant… » De sacra poesi Hebrœorum, édit. Bosenmi’iller, Leipzig, 1815, p. 261.

III. Analyse.

Le livre des Lamentations a pour objet les souffrances de Juda et de Jérusalem durant le siège et la prise de la ville par les Chaldéens en 586. L’aveu des péchés, cause de ces souffrances, l’exhortation au repentir et à l’espoir d’un retour de la faveur divine s’entremêlent à la description des maux de la nation. Tel cU le thème unique du livre dans son ensemble et chacune de ses parties ; c’est du moins l’avis à peu pris unanime, car il ne s’agit pas, même au c. iv, d’une complainte sur la mort du roi Josias comme l’ont cru quelques-uns, saint Jérôme par exemple, d’après un passage de II Par., xxxv, 25, attribuant à Jérémie une complainte sur ce roi, écr.te au livre des Qinoth.

Chacun des poèmes forme un tout complet qui n’est relié à ce qui précède et à ce qui suit que par l’identité de sujet. Aussi est-il bien difficile de suivie, le développement de la pensée et d’en marquer la suite logique ou historique ; des essais dans ce sens (de Wette, Ewald) sont restés sans succès. Non seulement ces poèmes sont Indépendants les uns des autres, mais de plus il n’est pas toujours aisé de saisir le lien de leurs divers éléments ; cela tient à leur nature même qui ne se prête guère à un développement logique ou historique ; aussi n’est-il pas Invraisemblable que l’adoption du genre alphabétique pour les quatre premiers chapitres n’ait d’autre objet que d’en faciliter la mémoire.

C. i. Deux parties : 1. Il et 12-22. Dans la première, le poète décrit la misère de Sion, qui, dans la seconde, exhale elle-même sa plainte. Dans l’une et l’autre apparaît, exprimée en termes (’mouvants, la triste situation du pays après sa conquête par Nabuchodo nosor : l’isolement et la désolation de la ville, l’exil et le dénuement de ses habitants tournés en dérision par leurs ennemis.

C. n. La description des malheurs de Juda se poursuit avec plus de précision : le pays est dévasté, les villes fortes sont prises, les princes et les peuples sont anéantis, le sanctuaire lui-même et le culte n’existent plus, tous dans la ville en ruine se lamentent. 1-12. S’adressant alors à la malheureuse Sion, désormais inconsolable, le poète invective les prophètes qui n’ont eu que vaines et folles visions et ont amené le triomphe des ennemis ; il l’exhorte à implorer la divine miséricorde. 13-22.

C. m. L’analyse de ce chapitre dépend de la réponse à la question : de qui s’agit-il dans ce poème ? Est-ce le poète lui-même qui parle de ses misères et de ses souffrances, 1-18, entrevoyant néanmoins, au souvenir des miséricordes divines, l’espoir du salut, 19-39, qui malgré les péchés du peuple, justement châtié, 40-54, pourra encore venir sur Israël et le venger de ses ennemis ? 55-56. On entendrait alors la voix de Jérémie, souffrant non seulement les maux de tous, mais encore les persécutions de ses compatriotes. Cf. ? 14. Ne serait-ce pas plutôt, selon l’opinion d’anciens commentateurs et de Smend (dans Zeitschrift fur die A. T. Wissenschaft, 1888, p. 62…) le peuple dans son ensemble, mais personnifié ici comme en maint autre passage de l’Ancien Testament (cf. les psaumes), qui se plaint des coups de la colère divine, 1-18, mais pense que Jahvé veut l’amener par là au repentir, condition du pardon 19-39, et s’excite à la conversion pour détourner le châtiment ? 40-47. Une nouvelle plainte du peuple, accablé par ses ennemis 48-54, suivie d’une prière et d’une exhortation à la confiance terminent le poème. A cette interprétation qui n’est pas sans vraisemblance, une objection toutefois peut être faite, tirée desꝟ. 14 et 48 où celui qui parle se distingue du peuple ; on y répond en remplaçant au > 14 le singulier’ammi par le pluriel’âmmîm, comme le font quelques mss et en supposant auꝟ. 48 une altération du texte primitif sous l’influence du passage parallèle ii, 11.

Faut-il plutôt voir la solution du problème posé par ce c. m dans l’hypothèse que cette partie du poème a été composée à l’aide de deux psaumes primitivement indépendants, l’un formé de 1-24, l’autre de 52-66, et reliés par le développement 25-51 où l’auteur ; Jérémie, voudrait par son exemple amener le peuple à la pénitence ? (Lôhr). Le caractère acrostiche de tout le poème exige l’unité et par conséquent le rejet de l’hypothèse.

C. iv. Ce chapitre revient sur la situation misérable qui fut celle du peuple et des princes surtout au temps du siège, sur l’effroyable famine plus meurtrière que l’épée et sur la cause de si terribles maux : les fautes du peuple et plus spécialement des prêtres et des prophètes qui se sont souillés d’un sang pur et innocent. 1-16. Il se poursuit par une évocation des derniers moments de Jérusalem : la vaine attente du secours égyptien, la tentative de fuite dans le désert et la capture du roi, 17-20, et se termine par une menace à Èdom et une assurance du pardon. 21-22.

Le c. v est une prière où, sans ordre bien rigoureux, le poète demande à Jahvé de considérer la honte, le malheur, l’injuste persécution de son peuple et d’en avoir enfin pitié.

La difficulté d’analyser dans le détail de tels poèmes tient au genre lui-même, où la pensée, pour se soumettre à la forme, ne peut toujours poursuivre une marche logique bien rigoureuse.

I’. Origine du livre, f" D’après la tradition. i Le nom de Jérémie est intimement lié à celui des Lamentations ; les liturgies de la semaine sainte non