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LAMENNAIS, DOCTRINES RELIGIEUSES


de la substance de Dieu et des propriétés qui y sont inhérentes. Mais c’est là qu’est pour nous le mystère impénétrable : nous ne pouvons « concevoir comment la même substance peut subsister simultanément à deux états divers, l’un fini, l’autre infini. » Ne nous en étonnons pas, > puisque nous savons que la substance est, pour tous les êtres finis, radicalement incompréhensible. » Ibid. C’est d’ailleurs le seul mystère qui ne puisse jamais être compris par la créature. » Essai d’un système, p. 28.

Donc < la création (ici l’être créé) n’est, dans ce qui la constitue radicalement, qu’une participation de la substance de Dieu et des propriétés qui y sont inhérentes : de sorte que, par ce qu’elle a de positif, elle est quelque chose de Dieu, et Dieu même, moins le caractère incommunicable d’infini exclusivement propre à l’Être absolu. Sa séparation d’avec Dieu, ou son existence hors de lui, résulte de l’opposition entre son essence nécessairement finie et l’essence nécessairement infinie de Dieu. » De la religion, p. 94. « Cette doctrine de Lamennais, dit P. Janet, peu connue ou oubliée, a été reprise de nos jours par M. Ravaisson dans son Rapport sur la philosophie du XIXe siècle (sic). On peut se demander en quoi cette doctrine se distingue du panthéisme, que Lamennais a appelé un système monstrueux. On a généralement considéré l’unité de substance comme le trait essentiel et caractéristique du panthéisme. Em. Saisset le caractérisait justement en ces termes : « la consubstantialité du fini et de l’infini ». Or, dans le système de Lamennais, il n’est pas douteux que Dieu et le monde sont consubstantiels. Il nie cependant qu’il soit panthéiste pour cela » Op. cit., p. 115.

Reproductions, manifestations, pourquoi ne pas dire incarnations de Dieu, cf. Esquisse, t. i, p. 150, le rôle des créatures, surtout des créatures douées d’intelligence, est de le manifester toujours davantage, par un développement indéfini qui les rapproche toujours plus de leur type infini, sans qu’elles puissent cependant jamais parvenir à l’atteindre. « En ce qu’elle a de positif, la création est quelque chose de Dieu, une réelle participation de sa substance et de ses propriétés. Ses lois, dès lors, sont les lois de Dieu, modifiées en chaque être, suivant sa nature propre ; et dans son évolution continue, elle tend à manifester Dieu de plus en plus, à le reproduire selon tout ce qu’il est, sous les conditions du temps et de l’espace, et conséquemment à s’unir de plus en plus à lui, à s’absorber en lui, s’il était possible que jamais cette reproduction fût complète. » De la religion, p. 135-136. « L’univers n’est qu’une grande communion, par laquelle se prépare et s’élabore, en quelque façon, l’unité vers laquelle il tend, et qui ne sera jamais consommée, parce qu’elle serait la complète reproduction de l’Être infini, sous des conditions contradictoires avec son essence. » Ibid., p. 139.

Une théorie si optimiste de la création et de l’éternelle ascension des créatures vers Dieu devait amener Lamennais à répudier le dogme chrétien de l’éternité des peines de l’enfer et le ramener à l’apocàtaslasis origéniste : « L’homme ne naît point dans le péché, mais dans l’innocence ; et lorsque, devenu intelligent et libre, il faillit, il n’entraîne que lui dans sa chute ; et cette chute n’est point éternelle, autrement le mal serait éternel et Infini, dès lors il sérail de soi, il serait un principe opposé a Dieu et indépendant de lui, il serait Dieu comme lui et au même titre que lui. Tout ce qui tombe se relève ; tout ce qui s’écarte de l’ordre, soutins encore a ses lois contre lesquelles rien ne prévaut, y rentre un joui— ; tout ce qui est malade guéril tôt an tard. « De lu religion, >. 100.

2° La philosophie de la religion. Qu’est-ce que la religion, et comment peut-on concevoir le développe ment de la religion dans l’histoire de l’humanité : ces deux problèmes épuisent toute la matière d’une philosophie de la religion.

1. Définition de la religion.

« La religion considérée généralement est le lien qui unit la création à son auteur. » De la religion, p. 41-42. Autrement dit, c’est l’ensemble des lois par lesquelles Dieu gouverne l’univers : < chaque être a ses lois propres, qui se lient aux lois des autres êtres ordonnées entre elles, et toutes identiques au fond avec les lois de Dieu même, qu’elles manifestent au dehors de lui, » p. 43. « L’ensemble des lois constitue l’ordre universel, qui n’est que la variété ramenée à l’unité, les lois s’enchaînant aux lois, comme les êtres s’enchaînent aux êtres dans la création. > Ibid. Mais si les lois de la création sont « identiques au fond avec les lois de Dieu même, » on peut donner de la religion une définition plus générale encore que ci-dessus, et dire que la religion renferme « les lois essentielles des êtres, en tant qu’elles embrassent la cause nécessaire et les effets contingents, Dieu et les créatures, » p. 13-14.

Dans un sens plus restreint, « la religion est la loi supérieure des créatures intelligentes, le lien qui les unit entre elles en les unissant à Dieu, la raison du droit et la règle du devoir. « Ibid., p. 29-30. Comme les êtres privés d’intelligence et de liberté, les créatures spirituelles sont aussi gouvernées par des lois dans l’exercice de leur activité supérieure, de leur intelligence, de leur amour et de leur volonté. Ces lois, qu’elles ont bien le triste privilège de pouvoir transgresser, mais d’une manière toujours partielle et transitoire, ibid., p. 9, sans quoi elles ne pourraient subsister, gouvernent « la société générale des intelligences dont Dieu est le suprême monarque. » Essai, t. i, p. 263. Appliquée spécialement à l’homme, « la religion… peut être définie la loi éternelle de l’humanité, ou la lof de la société universelle et perpétuelle, qui, comprenant les générations passées, présentes et futures…, n’est autre que le genre humain même. » De la religion, p. 39-40. « Quoi que plusieurs se persuadent, elle règle tout l’homme et détermine le caractère de la société, car elle est l’ensemble des principes premiers d’où découlent tous les autres. » Ibid., p. 14. En définitive, la religion n’est pas autre chose que la raison générale, qui n’est elle-même qu’une participation, une manifestation de la raison divine, du Logos. « Comme donc la véritable raison humaine, image de la raison divine, d’où elle émane, est une et universelle, ainsi le christianisme est un et universel parce qu’il n’est dans ses dogmes que cette raison même, ou l’ensemble des vérités nécessaires que Dieu nous a manifestées, et dans ses préceptes que l’ensemble des devoirs qui découlent de ces vérités, ou la loi une et universelle, non seulement de tous les hommes, niais encore, en ce qui en fait l’essence, de tous les êtres intelligents. » Essai, t. iii, p. 189.

2. La suite de la religion.

« Sous ses diversités apparentes, la religion n’a jamais varié en ce qu’elle a de radical. Toute pari faite à l’erreur, aux abus et aux corruptions, elle présente une suite continue d’efforts dirigés dans le même sens, pour arriver à la connaissance de l’Être infini et de ses lois, d’où dérivent les lois de la création. » De la religion, p. 156. Mais « en demeurant toujours immuablement la même, il est aussi de son essence de revêtir successivement, soit dans l’intelligence de l’homme, soit dans la société extérieure, des formes diverses, à mesure que l’une et l’autre se développent sous son influence. » l.’.i<enir, 30 juin 1831, p. 338. Ainsi l’on peut reconnaître dans l’histoire de la religion un double développement, le développement des tonnes intellectuelles qu’elle revêl

dans l’intelligence de l’homme, et le développe. nent dos formes sociales qu’elle détermine, ou de la société