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    1. LAMENNAIS##


LAMENNAIS, DOCTRINES PHILOSOPHIQUES

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du sens commun : c’ « est une méthode parfaitement aiue et stérile et elle est même, à mon avis, la marque, en soi, d’un esprit dénué de sens philosophique, ("’est précisément pour cela que Lamennais y donnait si pleinement. Car, homme d’action surtout et voulant agir immédiatement, il cherchait quelque chose avec quoi il pût agir. Or la considération du consentement universel ne mène à la conquête véritable d’aucune vérité ; ce n’est pas une méthode philosophique, mais c’est un expédient, » p. 577. Est-il bien sur que Lamennais ne s’en rendît pas compte ? Il a bien vii, en tout cas, lui, le chercheur d’absolu, que sa méthode ne pouvait lui donner que la vérité relative, la vérité pour nous, et non la vérité en soi ; qu’on lise pour s’en convaincre, « son introduction aux conférences » de Juilly, « page inédite » publiée par M. Duine, La Mcnnais, p. 139-143.e Alors même que, parvenu au dernier terme de cette progression ou à l’accord universel qui constitue la certitude, on affirme quelque chose comme vrai, il faut entendre que cette affirmation n’a de valeur logique que relativement à la raison humaine, et signifie seulement que l’homme est placé dans l’alternative ou de renoncer à la raison, ou de tenir pour vraie la chose affirmée, sans qu’il ait d’ailleurs le droit d’en conclure, d’une manière rigoureuse, sa vérité intrinsèque. .. Ceci, néanmoins, n’ébranle en aucune façon le fondement de nos connaissances, et même il serait contradictoire d’en demander un plus solide. Car… il y a contradiction à demander une certitude qui ne soit pas relative à la nature de l’être qu’elle doit affecter, et qui n’en dépende pas sous ce rapport, » p. 141-142. Et voila que nous découvrons en Lamennais quelque chose de l’humanisme de Schiller, cf. Dict. apologétique, t. iv, col. 1 19, Paris, 1922 ; de même qu’on peut discerner du pragmatisme dans les aphorismes de Bonald, acceptés et repris par Lamennais : l’utilité sociale est le critère de la vérité, tout ce qui est nécessaire à la société est vrai. Cf. Maréchal, La jeunesse de Lamennais, p. 178.

Quoi qu’il en soit, Lamennais n’attend pas d’avoir terminé son enquête historique sur ce qui tut toujours et partout admis par tous, pour déterminer le contenu du symbole du, genre humain ; il décrète que ce symbole correspond exactement à ce qu’il conçoit sous le nom de christianisme, sous le nom de Religion, c’est-à-dire à ces vérités premières qui sont la base nécessaire de la vie de l’esprit, de la société spirituelle. La recherche historique, comme nous l’avons vu au sujet de la Tradition, sera guidée par le (il directeur de la théorie ; les conclusions, en sont connues d’avance ; parce que, « à la vérité, l’homme peut rejeter d’anciennes croyances, et en admettre de nouvelles ; certaines religions peuvent varier, en ce qu’elles ont d’arbitraire, soit à l’avantage, soit au détriment de l’ordre social ; mais le fond, en a subsisté toujours, sans quoi la société eût manqué d’une condition nécessaire à son existence. » Essai, 1. 1, p. 67-68.

2. L’ordre de joi et l’ordre de conception. « Tout ce qui est certifié par la raison générale, devant Être cm par cela seul qu’elle l’atteste, constitue l’ordre de foi. .Mais en même temps il est dans la nature de l’homme de chercher a concevoir ce qu’il croit, ou, en d’autres

tenues, de passer de la simple foi à l’intelligence, autant que les limites de son esprit le comportent. De là l’Ordre de concept ion. i Sommaire, p. 803. la distinction est familière aux théologiens : fiées quærens intel letlum. Ailleurs, Lamennais en donne une notion un

peu différente : - Le mode selon lequel l’esprit humain

connaît ou possède l’Infini s’appelle loi ; le mode selon lequel il connaît ou possède le fini s’appelle conception, science. I.a science et la foi sont donc unies par un lien naturel et indissoluble, l’oint de conception sans toi, point de foi sans un conimencenient de con ception ou de science. » L’Avenir, 30 juin 1831, p. 340. L’ordre de foi répondrait donc à ces vérités primordiales que nous recevons de la raison générale, principalement à celles qui nous font connaître Dieu : l’ordre de conception soit aux essais d’explication rationnelle des dogmes, soit à la science proprement dite, c’est-à-dire à l’explication rationnelle de l’univers, à la métaphysique.

Ces deux ordres répondent à < deux besoins… inhérents à la nature humaine : le besoin de doctrines communes, qui forment la société des esprits, et le besoin, pour chaque esprit, de développer son activité particulière. » Sommaire, p. 309. Nous retrouvons ici les termes de l’éternel problème, trouver un moyen terme qui concilie les droits de l’individu avec ceux de la société, la liberté avec l’autorité, la multiplicité avec l’unité. L’ordre de conception est libre, en ce sens « qu’aucun homme ne peut faire de ses propres conceptions une loi pour les autres hommes. » Sommaire, p. 308. Lamennais le déclare, en ce qui concerne son i système de philosophie catholique », au début de ses conférences de Juilly ; Maréchal. Essai d’un système…, p. 14-15. Mais l’ordre de foi s’impose à tout penseur qui veut se livrei- à la spéculation philosophique, à la fois comme une base indispensable et comme une règle intangible ; Sommaire, p. 305 ; > par cela seul qu’elles contredisent ce qu’il y a de constant et d’universel dans l’expérience, la conscience et la raison humaine, l’on peut conclure que les i théories » ) contiennent ou des principes faux ou des conséquences mal déduites, » p. 306. Le philosophe n’a pas le. droit de s’isoler du genre humain, de contredire le sens commun.

Or* « le premier article du symbole du genre humain » peut, s’énoncer ainsi : « Je crois en Dieu, créateur de l’univers, distinct de lui et uni à lui. » De la religion, p. 67, Paris, 1811. Tel est aussi le peint de départ de la philosophie, la donnée primordiale « que l’on reçoit sans discussion ni démonstration, et d’où l’on tirera toute la science de l’infini et du fini. Le premier article de foi.i renferme, dans son unité complexe, l’infini et le fini, Dieu et ce qui n’est pas Dieu, la Cause nécessaire de tout ce qui est. et l’effet émané de cette cause, le Créateur et la Création. » Ibid. Donc il « exclut tout ensemble et le scepticisme, qui aboutit à la négation de toutes choses, et le panthéisme, qui se résume dans l’identité de toutes choses. » Ibid., p. 67-68.

3. L’origine des idées.

< Il n’est pas plus possible de concevoir une intelligence sans vérité qu’une intelligence non pensante, parce qu’on ne pense qu’à ce qui est, ou à ce qui peut être. Pour les créatures intelligentes, vivre c’est donc participer à l’être de Dieu ou à sa vérité, et elles reçoivent ensemble la vérité et l’être, puisque l’être et la vérité ne sont qu’une même chose ; et si elles pouvaient se donner la vérité, elles se donneraient l’Être. Purement passives, lorsque le parole les féconde au sein du néant. lorsqu’elle verse en elles leurs premières pensées ou les vérités premières, elles ne peuvent ni les inventer, ni les juger, ni refuser de les recevoir… Il existe donc nécessairement, pour toutes les Intelligences, un ordre de vérités ou de connaissances primitivement révélées, c’est-à-dire reçues originairement de Dieu comme les conditions de la vie, ou plutôt comme la vie même : et ces vérités de foi sont le fonds immuable de tous les esprits, le lien de leur société et la raison de leur existence… i lassai, t. ii, p. 218-219. Voila doue encore un problème philosophique escamoté. I.a solution de I.a inclinais se ramène à une combinaison de l’ontologisme de Malebranche et

du système de Bonald sur les rapports de la pensée et de la parole. L’intelligence OU la pensée ne peuvent exister sans un contenu Objectif, sans l’idée de l’être ; or l’être. l’être universel, p. 222, c’est Dieu ; donc