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JOSEPH (SAINT ;. CULTE


i la grâce et la sagesse qui étaient en lui. « Il faudrait rappeler la prudence et la force du vigilant gardien chargé l’arracher l’enfant et sa mère aux embûches de leurs pires ennemis ; la justice de l’homme parfait que l’Écriture dépeint d’un mot : justus, la tempérance de cet artisan humble et laborieux. On pourrait ainsi passer en revue toutes les vertus et les attribuer à saint Joseph dans un degré suréminent : on resterait certainement dans les limites de la vérité. Pour donner à saint Joseph une auréole digne de lui, de la sublime mission dont, il fut revêtu, point n’est nécessaire de lui accorder la science infuse surnaturelle ou la vision béatifique que certains auteurs, dans l’empressement d’une dévotion indiscrète, ont cru pouvoir attribuer au chef de la sainte Famille. Le considérer comme un martyr est une exagération manifeste. En faire le corédempteur du genre humain, au sens propre du mot, serait friser l’erreur et le blasphème. Cf. J. épicier, Tractalus de S. Joseph, p. 208. Tous ces titres n’ajouteraient rien à la sainteté de saint Joseph, mais sembleraient plutôt en contradiction avec sa mission terrestre, toute d’humilité et de silence, dont le cadre devait être et rester uniquement la vie cachée du Sauveur.

3. Virginité.

Là où, sans crainte d’exagération, on peut exalter la grandeur de saint Joseph, c’est au sujet de sa virginité. Chaste, il l’a été d’une façon admirable, durant son mariage avec Marie. Sa mission l’exigeait impérieusement. « Pureté, s’écrie Bossuet, voici ton triomphe. Ils se donnent réciproquement leur virginité, et sur cette virginité, ils se cèdent un droit mutuel…, de se la garder l’un à l’autre. » Op. cit., 1 er point. Mais Joseph était-il vierge lorsqu’il accepta Marie comme épouse ? L’opinion d’un mariage antérieur de saint Joseph, recueillie dans l’apocryphe Protévungile de Jacques, a eu, dans les premiers siècles de l’Église, quelques partisans parmi les Pères de l’Église. Aujourd’hui, elle est complètement abandonnée. L’éminente sainteté de Joseph, la sublimité de sa mission, exigent de lui un amour de la chasteté poussé jusqu’à la virginité complète et perpétuelle. En fait, d’ailleurs, l’hypothèse d’un premier mariage de Joseph d’où seraient issus les « frères du Seigneur » se heurte à des difficultés telles que l’on peut conclure à son impossibilité. Voir Jésus-Christ, col. 1167.

4. Privilèges dans la mort.

La mort de saint Joseph fut une mort privilégiée : comme celle de la sainte Vierge, elle fut, dit saint François de Sales une mort

« d’amour ». Cf. Traité de l’amour de Dieu, t. VII,

c. xhi. C’est donc à juste titre que saint Joseph est invoqué comme patron de la bonne mort. Douce et suave comme celle de la Vierge, la mort de saint Joseph a semblé appeler un complément qui unirait davantage encore le patriarche à sa glorieuse épouse, par le triomphe d’une résurrection anticipée. On lit dans Matth., xxvii, 52-53, que beaucoup de corps de saints ressuscitèrent après la résurrection du Seigneur et se manifestèrent dans la ville de Jérusalem. Saint Thomas avait d’abord pensé que ces résurrections avaient été définitives et absolues. In IV Sent., t. IV, dist. XLII, q. i, a. 3 ; In Matlhœum, ad hune locum, édit. de Parme, t. x, p. 210. Plus tard les raisons apportées en sens inverse par saint Augustin lui ont semblé beaucoup plus solides. Sum. theol., IIP, q. lui, a. 3, ad 2’"". Quoi qu’il en soit, tablant sur la première hypothèse, certain* ont admis que Joseph aurait figuré parmi ces premiers ressuscites, et serait ainsi entré au paradis en corps et en âme. Ainsi fait Suarez, In Sum. S. Thomee, III 1, q. xxix, disp. VIII, sect. ii, édit. Vives, t. xix, p. 128, et saint François de Sales, Entrelien XIX, édit. d’Annecy, t. vi, p. 363. La théologie ne dispose d’aucun moyen pour contrôler la valeur de ces hypothèses superposées.

III. Patronage de saint Joseph sur l’Église universelle — Dans l’encyclique Quanquam pluries, Léon XIII trouve dans la mission de saint Joseph à l’égard de la sainte Famille « les raisons et les motifs spéciaux pour lesquels saint Joseph est nommément le patron de l’Église, et qui font que l’Église espère beaucoup, en retour, de sa protection et de son patronage. » En effet, « la divine maison que Joseph gouverna comme avec l’autorité du père, contenait les prémices de l’Église naissante. De même que la très sainte Vierge est la Mère de Jésus-Christ, elle est la Mère de tous les chrétiens. Jésus-Christ est aussi comme le premier-né des chrétiens, qui, par l’adoption et la rédemption, sont ses frères. Telles sont les raisons pour lesquelles le bienheureux patriarche regarde comme lui étant particulièrement confiée la multitude des chrétiens qui compose l’Église, sur laquelle, parce qu’il est l’époux de Marie et le père de Jésus-Christ, il possède comme une autorité paternelle… Cette mission providentielle dévolue à Joseph a eu son type dans l’Ancien Testament en cet autre Joseph, fils de Jacob, appelé par le roi des Égyptiens « le Sauveur du monde ». « De même, dit Léon XIII, que le premier fit réussir et prospérer les intérêts domestiques de son maître et bientôt rendit de merveilleux services à tout le royaume, de même le second, destiné à être le gardien de la religion chrétienne, doit être regardé comme le protecteur et le défenseur de l’Église, qui est vraiment la maison du Seigneur et le royaume de Dieu sur la terre. »

L’objet de ce patronage est évidemment, avant tout, d’ordre spirituel ; mais parce que le patronage de saint Joseph continue sa mission de chef de la sainte Famille, il faut conclure que ce patronage concerne aussi bien l’ordre temporel que l’ordre spirituel. Sainte Thérèse l’affirme expressément. Voir Vie de sainte Thérèse, écrite par elle-même, Œuvres, édit. Migne, Paris, 1840, 1. 1, p. 156.

Le patronage de saint Joseph étant universel, « les hommes de toutes conditions et de tous pays » trouveront en ce grand saint un modèle et un protecteur. Léon XIII le rappelle aux pères de famille ; aux époux, aux personnages nobles de naissance ; aux riches : aux prolétaires ; aux ouvriers, aux personnes de condition médiocre, etc. Cf. encyclique citée, édit. de la Bonne Presse, t. n.

Il n’y a pas lieu de se demander pourquoi l’Église a attendu si longtemps avant de proclamer le patronage de saint Joseph, et même de rendre un culte public et solennel à ce saint. Rechercher les raisons pour lesquelles l’antiquité et le haut Moyen Age ont à peu près entièrement ignoré saint Joseph entraînerait dans une étude historique qui est à peine amorcée. Les théologiens en découvrent des raisons providentielles que l’on trouvera exposées dans Billot, De Verbo incarnato, p. 422 et surtout dans Dom Beda Plaine, O. S. B., De cullu S. Joseph larde ostenso ejusque hodiernis mirabilibus incrementis, dans Sludien und Mitlheilungen, 1898. t. xix.

IV. Conclusion : le culte de saint Joseph. — La sublimité de la triple mission de saint Joseph ; la prééminence de sainteté qui en est la conséquence ; le patronage universel de ce grand saint sur l’Église, ne seraient-ils pas des raisons sullisantes pour accorder à saint Joseph un culte spécial, distinct du culte rendu aux autres saints ?

Certains auteurs l’ont pensé et déclarent que le culte de saint Joseph, l’emportant sur le culte des autres saints, doit être appelé du nom de culte de prolodulic. Toutefois, parce qu’il ne s’agit que d’une différence de degré et non d’espace, l’Église s’est, jusqu’ici, refusée à sanctionner celle expression qui semblerait impliquer une coopération intrinsèque de saint Joseph