Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/543

Cette page n’a pas encore été corrigée
2495
2496
LAMENNAIS, VIE : LA RUPTURE


naître pour la suivre, je vais vous exposer franchement et en peu de mots les points principaux qui, après l’examende l’Avenir, ont déplu davantage à Sa Sainteté. Les voici : …La Saint-Père désapprouve aussi et réprouve même les doctrines relatives à la liberté civile et politique, lesquelles, contre vos intentions sans doute, tendent de leur nature à exciter et à propager partout l’esprit de sédition et de révolte de la part des sujets contre leurs souverains. Or cet esprit est en ouverte opposition avec les principes de l’Évangile et de notre sainte Église, laquelle, comme vous savez bien, prêche également aux peuples l’obéissance et aux souverains la justice. Les doctrines de L’Avenir sur la liberté des cultes et la liberté de la presse…sont également très répréhensibles, et en opposition avec l’enseignement, les maximes et la pratique de l’Église… Enfin, ce qui a mis le comble à l’amertume du Saint-Père, est l’acte d’union… Sa Sainteté réprouve un tel acte pour le fond et pour la (orme, et…vous verrez facilement que les résultats qu’il est destiné à produire peuvent le confondre avec d’autres unions plusieurs fois condamnées par le Saint-Siège. » La lettre se terminait par une exhortation à la soumission. Affaires, p. 128-133.

d) La crise. — « De retour en France, notre premier soin, dit Lamennais, fut de put/lier la déclaration suivante : « Les soussignés, rédacteurs dé L’Avenir…, convaincus, d’après la lettre encyclique du souverain pontife…, qu’ils ne pourraient continuer leurs travaux sans se mettre en opposition avec la volonté formelle de celui que Dieu a chargé de gouverner son Église, croient de leur devoir, comme catholiques, de déclarer que, respectueusement soumis à la suprême autorité du vicaire de Jésus-Christ, ils sortent de la lice où ils ont loyalement combattu depuis deux années… En conséquence, 1. L’Avenir, provisoirement suspendu depuis le 15 novembre 1831, ne paraîtra plus ; 2. L’Agence générale… est dissoute à dater de ce jour… Taris, ce 10 septembre 1832. » Affaires, p. 131-135. Le 27 octobre, le cardinal Pacca écrivait à Lamennais : « Le Saint-Père en a pris connaissance (de la déclaïation), et m’a autorisé à vous faire connaître sa satisfaction. » lbid., p. 135.

La soumission, on le voit, était purement extérieure. Mais l’encyclique exigeait-elle davantage ? Déjà, pour se rassurer et surtout pour rassurer les âmes timorées, on contestait son caractère dogmatique : < La lettre du pape, écrivait Lamennais, le 15 novembre 1832, qui n’a aucun caractère dogmatique, qui n’est, aux yeux de tous ceux qui entendent ces choses, qu’un acte de gouvernement, pouvait bien m’imposer momentanément l’inaction, mais non pas une croyance ; et ma déclaration… n’implique non plus que la cessation des travaux que j’avais commencés pour l’affranchissement des catholiques en France. » Dudon, p. 220. A Guéranger, le 30 novembre, il écrivait : » Nous n’avons jamais considéré l’encyclique que comme un acte de diplomatie sollicité par les souverains pour arrêter l’action cal holique qui les inquiétait. Nous connaissons trop bien les faits pour nous y tromper un seul instant. .. » Roussel, Lamennais et ses correspondants inconnus, Paris, 1012, p. 226. Mais en fait, Lamennais voyait bien, lui, que le pape enseignait une doctrine, et qu’en l’enseignant il se trompait ; donc qu’il n’étail pas infaillible, cf. lettre à Ventura, 8 mai 1833, fctudes, 5 juin 1910, p. 640 ; donc que la constitution actuelle de l’Église n’était (prune de ces formes changeantes, parce qu’humaines, encore que providentielles, par lesquelles le christianisme avait passé ; et parce qu’il était évident qu’elle avait fait faillite, il fallait s’attendre à voir le christianisme revêtir une nouvelle forme. Cf. Ici lie a Monlaleiiibert, 1° Janvier 1831.

S’il ne l’avait déjà su par ailleurs, le | ape aurait

appris par la lettre de Mgr d’Astros, archevêque de Toulouse, au cardinal di Gregorio.du 3 novembre 1832, qu’» en France… les menaisiens en général prétendent que l’encyclique ne condamne pas leurs doctrines, puisque M. de La Mennais n’y est point nommé (Lamennais avait gardé secrète la lettre explicative de Pacca), qu’il y est moins question de dogmes que de politique, et qu’en conséquence rien ne peut les empêcher de continuer à soutenir leurs principes » Dudon, p. 246. Dans son bref du 8 mai 1833, relatif à l’affaire de la Censure, le pape manifeste son inquiétude sur la sincérité de la soumission du 10 septembre ! Censure, p. 171 ; cf. Dudon, p. 200. — Lamennais, pour dissiper ces inquiétudes, adresse au pape, le 4 août 1833, par l’intermédiaire de l’évêque de Rennes, ce que la Censure appelle sa seconde déclaration. Cf. Affaires, p. 138-1 10. « Puisqu’on a rendu de nouvelles explications nécessaires, …je déclare : Premièrement, que par toute sorte de motifs, mais spécialement parce qu’il n’appartient qu’au chef de l’Eglise de juger de ce qui peut lui être bon et utile, j’ai pris la résolution de rester à l’avenir, dans mes écrits et dans mes actes, totalement étranger aux affaires qui la touchent ; secondement, que personne, grâce à Dieu, n’est plus soumis que moi, dans le fond du cœur et sans aucune réserve, à toutes les décisions émanées ou à émaner du Saint-Siège apostolique, sur la doctrine de la foi et des mœurs ainsi qu’aux lois de discipline portées, par son autorité souveraine… » — Le pape, par son bref à l’évêque de Rennes, du 5 octobre 1833, fit connaître à Lamennais quels étaient les faits nouveauxqui l’avaient contristé : en particulier sa lettre à De Potter, cf. Censure, p. 166, et le livre du Pèlerin polonais ; mais, puisque, à la fin de sa lettre, Lamennais avait demandé qu’on lui indiquât en quels ternies il pourrait le mieux exprimer sa soumission, pour que Sa Sainteté fût pleinement satisfaite, le pape suggérait une formule : ut scilicet doclrinam Nostris Encyclicis Lilteris traditam… se unice et absolule sequi conflrmet, nihilque ab illa alienum se aut scriplurum esse aut probalurum. Cf. Censure, p. 176-81. « Comment ne pas voir, dans ce qu’on demandait de moi, explique Lamennais, dans les Affaires de Rome, p. 142-143, un but politique bien plus que religieux ? … Pouvait-on se méprendre sur l’intention de Rome ? N’était-il pas clair que l’obéissance dont elle exigeait la promesse s’étendait, dans sa vague généralité, aux choses temporelles autant au moins qu’aux choses spirituelles ? l’n pareil engagement répugnait souverainement à ma conscience. Si la profession du catholicisme en impliquait le piincipe je n a van jamais été catholique, car jamais je ne l’avais admis, jamais je n’aurais pu l’admettre. ». Il prit donc sa plume pour délimiter au pape le domaine où il consentait à lui obéir, et le domaine où il entendait être libre. Ce lut la troisième déclaration (5 novembre 1833). La lettre encyclique de Votre Sainteté… contenant des choses de nature diverse, les unes de doctrine, les aut i es de gouvernement, je déclare : 1. qu’en tant qu’elle proclame. .. la tradition apostolique… j’y adhère uniquement et absolument, me reconnaissant obligé, comme tout cal holique, à ne rien taire OU approuver qui u soit contraire ; 2. qu’en tanl qu’elle décide et règle diflé

rtn t s points d’administration ci de discipline ecclésiastique, j’y suis également soumis sans réserve. Mais … ma conscience me lait un devoir de déclarer en même temps que, selon ma ferme persuasion, si, dans l’ordre religieux, le chrétien ne sail qu’écouler et obéir, il demeure, à l’égard de la puissance spirituelle, entièrement libre de ses opinions, de ses paroles et de ses actes, dans l’ordre purement temporel. > Affaires, p. 143-141. — Une lettre du cardinal Pacca, du 28 novembre, lui apprit, que le pape désapprouvait sa ricr-