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    1. LAMENNAIS##


LAMENNAIS, VIE : « L’AVENIR

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i II est clair… que le gouvernement n’exercera (dans la S icicte future) aucun pouvoir spirituel quelconque, el que le peuple entier n’obéira, dans cet ordre, qu’à l’Église et à son chef, et leur obéira librement… La liberté de pensée et de conscience constituera, par l’unité de foi, le règne du Christ, non seulement comme pontife, mais comme roi, puisque son vicaire sera de fait la seule puissance temporellement spirituelle alors existante et reconnue.. En dehors, que restera-t-il ? un ordre administratif essentiellement et totalement indépendant de l’Église. Quelle autorité a-t-elle en effet sur les propriétés de la famille, de la commune, de la province, ainsi que sur tout ce qui s’y rapporte ? Aucune. Elle n’a pouvoir que pour régler les mœurs par les préceptes, et les croyances par les dogmes révélés, p. 335-365.

Retenons cette partie de la thèse libérale de Lamennais : elle affranchit l’Église de l’État, mais elle libère aussi l’État de l’Église ; le temporel, du spirituel ; le citoyen, du lils de l’Église ; la politique pure où l’on peut penser et agir librement, de la religion où l’on doit se soumettre à l’Église. Nous verrons reparaître cette distinction dans la crise qui suivra l’encyclique Mirari. Somme toute, Lamennais, suprême dérision, ne fait que reprendre au profit de la démocratie le premier article de la déclaration de 1682 ! En conséquence de ces principes, L’Avenir demandait 1. « la liberté de conscience ou la liberté de religion, pleine, universelle, sans distinction comme sans privilège ; et par conséquent… la totale séparation de l’Église et de l’État, séparation écrite dans la Charte, et que l’État et l’Église doivent également désirer… Cette séparation nécessaire, et sans laquelle, il n’existerait pour les catholiques nulle liberté religieuse, implique, d’une part, la suppression du budget ecclésiastique…, d’une autre pari, l’indépendance absolue du clergé dans l’ordre spirituel : le prêtre restant d’ailleurs soumis aux lois du pays, comme les autres citoyens et dans la même mesure… » p. 199 ; 2. « la liberté d’enseignement, parce qu’elle est de droit naturel… ; parce qu’il n’existe sans elle ni de liberté religieuse, ni de liberté d’opinions ; enfin parce qu’elle est expressément stipulée dans la Charte… », p. 200-201 ; 3. « la liberté de la presse… La presse n’est à nos yeux qu’une extension de la parole… On peut en abuser sans doute ; qui ne le sait’.' mais on abuse aussi de la parole.. Ayons foi dans la vérité…, » p. 202 ; 1. « la liberté d’association… parce que c’est là encore un droit naturel… ; parce que là où toutes classes, toutes corporations ont été dissoutes, de sorte qu’il ne reste que des individus, nulle défense n’est possible à aucun d’eux, si. la loi les isole l’un de l’autre et ne leur permet pas de s’unir pour une action commune…, » p. 202 ; 5. « qu’on étende le principe d’élection, de manière à ce qu’il pénètre jusque dans le sein des masses…, » p. 203 ; 6. « l’abolition du système funeste de la centralisation, déplorable et honteux débris du despotisme impérial…, » p. 203-4. Cf. V Acte d’union et l’exposé des principes qui forment « la base de tout gouvernement constitutionnel qui n’est point liclif », reproduit dans la Censure de Toulouse, ]). 121-2, Toulouse, 1835. — Mais ces libertés il faut les conquérir ; nous en avons les moyens : « Organisons-nous donc légalement ; formons une grande confédération qui embrasse la France entière, une vaste société d’assurance mutuelle, où chacun irouve la garantie de sa sûreté el de ses droits : que s’ils sont menacés seulement, la voie des réclamations nous est

(nivelle…, » I. x, p. 170. ICI si les réclamai ions 11’aboutisscnl pas, souvenons-nous que nous sommes en démocratie, en république de fait, que le peuple est souverain et que par conséquent il lui appartient de cl de défaire les rois. En cas d’oppression, de despotisme, la résistance est le plus sacré des devoirs.

Joignant l’exemple au précepte, Lamennais fonde, sur la fin de 1 830, l’Agence générale pour la défense de la liberté religieuse, qui, le 9 mai 1831, ouvrit « une école gratuite d’externes, sans autorisation de l’Université, rue des Beaux-Arts, 5, à Paris. » Cf. Boutard, t. ii, p. 189-198 : et, dans le dernier numéro de L’Avenir, lance l’Acte d’union proposé à tous ceux qui. malgré le meurtre de la Pologne, le démembrement de la Belgique et la conduite des Gouvernements qui se disent libéraux, espèrent encore en la liberté du monde et veulent ij travailler. Il s’agissait d’ « établir, entre les peuples eux-mêmes, au degré, où cela est possible, un vaste concert d’efforts, pour défendre, avec la liberté religieuse, toutes ces hautes et nobles franchises qui sont la patrie commune des peuples libres. » Préambule, reproduit dans la Censure de Toulouse, p, 117. — Lamennais ne doutait pas que le pape allait se mettre à la tête de cette nouvelle croisade : à l’occasion de la mort de Pie VIII, il se permettait d’indiquer au futur pape quelle mission glorieuse lui était réservée : « Jamais, depuis l’époque où s’accomplit la délivrance de l’univers, il n’en fut de plus élevée : car elle commencera pour le christianisme une ère nouvelle… La tâche du pontificat… sera de rétablir l’équilibre rompu de la nature humaine et de ses indestructibles lois, en opérant derechef l’union intime de. la foi et de la science (par la philosophie ménaisienne), de la force et du droit, du pouvoir et de la liberté (par la politique ménaisienne). T. x, p. 207-11.

b) L’opposition. — Grégoire XVI, pas plus que Léon XII, n’accepta de recevoir les directives d’un homme qui n’avait point mission pour parler si haut dans l’Église. Il ne répondit « que par le silence) à la déclaration solennelle des principes de L’Avenir, rédigée par Gerbet et envoyée par l’intermédiaire du cardinal "Welld. Dudon, p. 92. La Déclaration du 2 février 1831, est reproduite en partie dans la Censure de Toulouse, p. 11 1-1 G : elle contenait une liste de quinze propositions que les rédacteurs de L’Avenir faisaient profession de rejeter, et qui « n’est point sans analogie avec celle du.Mémoire confidentiel » adressé jadis à Léon XII. Dudon, Recherches de science religieuse, septembre-octobre 1910, p. 484. Le nonce Lambruschini, dans sa dépêche du 1° décembre 1830, cf. Dudon, Lamennais et le Saint-Sicge., p. 89-91 1, exprimait un avis nettement défavorable sur les « doctrines politiques » de L’Avenir. Le nonce aurait dit à Lamennais qu’il approuvait les « doctrines théologiques », mais qu’il n’approuvait pas les « principes politiques » de L’Avenir. Cf. Boutard, t. ii, p. 248. Sans doute le nonce n’avait pas lu encore ou n’avait lu que très superficiellement l’article du 30 juin 1831, pour dire, si le propos est authentique, qu’il approuvait les « doctrines théologiques » de Lamennais ; car cet article contient des propositions et une conception d’ensemble de la théologie, qu’on n’est pas habitué à entendre dans l’École. L’article du 30 juin ose déclarer que « la science catholique est… à créer », p. 342, mais il annonce celle créai ion comme prochaine. Lamennais a eu beau désavouer son avocat, Me Janvier, lors du procès du 31 janvier 1831, devant la cour d’assises : il était vrai qu’il avait entrepris o le rôle de réformateur », que i depuis quinze ans il travaillait à régénérer le cal holicisme et à lui rendre, sous une forme nouvelle et avec des progrès nouveaux, la force et la vie qui l’avalent abandonné. » Cf. Boutard, t. n. p. 222-3. Lfl silence de Home

n’était pas absolu, et Lamennais sut bientôt qu’il >

était désavoué. Ventura, en janvier 1831. - avertit le fondateur de L’Avenir que Borne est fort mécontente du journal… qu’un acte public de blâme s’imposera si L’Avenir ne modifie pas ses idées, et notamment en ce qui concerne le souveraineté du peuple et l’Insurrection contre les rois. » Dudon, titudes, 5 juin 1910,