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    1. JOSEPH (SAINT)##


JOSEPH (SAINT). SAINTETE SUREMINENTE

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il obtenu un privilège de sanctification, dès le sein de sa mère, comme l’a obtenu Jean-Baptiste ? — L’affirmative a été proposée par Gerson, Sermo de Nativilule Yirginis Mariæ ; Isidore Isolani, Summa de donis S. Joseph, part. I, c. ix, édit. du P. Berthier, O. P., Borne, 1887 ; par Bernardin de Busto, franciscain, Mariale…, Strasbourg, 1496, part. IV, serin. 12 ; par S. Alphonse de Liguori, Sermone di S. Giuseppe, 2e point, Discorsi morali, Naples, 1841, p. 223 ; et accueillie avec faveur par le P. Jean de Carthagène, Homilia ; ccrfholicæ de sacris ctrcunis Deiparte et Divi Josephi, Naples, 1869, t. iii, p. 311 ; et P. Morales, S. J., In caput i Matthxi, De Christo, sanctissima virgigine Maria et S. Joseph, Paris, 1869, t. i, p. 214. — Suarez, que saint Alphonse cite comme ayant repris et défendu l’opinion de Gerson, a, au contraire, malgré sa grande dévotion envers saint Joseph, refusé de souscrire à la thèse du chancelier de l’Université de Paris. Benoît XIV se range à cet avis négatif : la sanctification de saint Joseph dans le sein de sa mère ne paraît pas, à ces deux maîtres de la science ecclésiastique, pouvoir être démontrée par des raisons sérieuses. Bien que de nos jours des auteurs estimables, Mgr Sauvé, le P. Tesnière, en particulier, aient cru pouvoir reprendre l’opinion de Gerson, il ne semble pas qu’on doive accorder la moindre probabilité à cette opinion. Saint Thomas fournit une raison qui justifie amplement cette attitude. La sanctification d’un homme dès le sein de sa mère est une faveur exceptionnelle qui n’est accordée par Dieu qu’en raison d’une utilité commune. Cf. Sum, theol., IIi a, q. iixxv a. 6. Or l’office qu’avait à remplir saint Joseph n’exigeait une sainteté éminente qu’au moment où le saint patriarche devint le fiancé de Marie. Ue plus, ni l’Écriture ni les Pères ne font la moindre allusion à ce privilège de saint Joseph. Aussi doit-on se rallier sans hésitation à la conclusion de Suarez : « Je pense qu’il ne faut ni admettre ni affirmer certains privilèges que plusieurs attribuent à ce grand saint, par exemple le privilège de la sanctification dans le sein maternel. De telles affirmations, qui sont en dehors des règles générales de l’Écriture, ne sauraient être accueillies que si on les appuie sur de bonnes raisons et sur la grande autorité de l’Église et des Pères. » De mijsteriis vitee Christi, disp. VIII, sect. 2, n. 6-8. Or, nous l’avons vu, ni les bonnes raisons ni l’autorité de l’Église et des Pères ne sont là pour appuyer l’opinion de la sanctification de saint Joseph avant sa naissance. Il manque donc à cette opinion ce que Benoît XIV appelle firmum et stabile in sacra theologia jundamenlnm. Deservorum Dei bealiflcatione et beatorum canonizatione, Padoue, 1743, t. IV, part. II, c. xx, a. 31, p. 135.

Quoi qu’il en soit, la sanctification de Jean-Baptiste dans le sein de sa mère ne crée pas pour autant au Précurseur une prééminence de sainteté ou de dignité par rapport à saint Joseph. Il ne s’ensuit pas que saint Joseph n’ait pas reçu dès le moment où il fut sanctifié, à quelque date qu’il faille placer cet instant, une grâce plus abondante que qui que ce soit, à part la sainte Vierge.

2. Impeccance et impeccabilité.

Sur la signification de ces mots, voir t. vii, col. 1265. Affirmer de saint Joseph comme de Marie l’impeccabilité absolue, c’est-à-dire l’impossibilité morale de pécher, serait à coup sur excessif. Mais peut-on affirmer que, vu l’abondance de grâces dont son âme fut inondée dès sa sanctification, saint Joseph posséda l’impeccance de fait ? Peut-on dire, tout au moins avec une sérieuse probabilité (la certitude est impossible en pareille matière), que le foyer de la concupiscence a été, chez saint Joseph, lié au point de lui permettre d’éviter en fait tout péché, même simplement véniel et de propos semidélibéré ?


Les avis sont partagés à ce sujet. Le R. P. Lépicier défend avec beaucoup de conviction la thèse de l’impeccance, en la fondant sur la pureté parfaite qu’exigeait la mission de saint Joseph. De sancto Joseph, part. III, a. 2. Voir également Impecc vbilitk, col. 1274. Notre piété envers saint Joseph ne nous oblige pas, semble t-il, à affirmer cette thèse sans restriction. En effet, la mission de saint Joseph exigeait l’impeccance, mais seulement dans le temps même où cette mission lui fut confiée. Or ce temps n’est pas tolo vitse morlalis decwsu. Il est possible, d’ailleurs, que Dieu ait accordé tolo vitiv mortalis decwsu cet insigne, privilèg.’à celui qui devait lui servir de père ici-bas ; mais l’existence en saint Joseph d’une prérogative aussi absolue, aussi complète, est indémontrable. Or une opinion, même simplement probable, doit s’appuyer sur une démonstration véritable. Et même, à rencontre de cette thèse, on peut apporter un argument de grande valeur. Le concile de Trente a défini que l’homme justifié ne peut pas éviter au cours de son existence entière le péché, tout au moins le péché véniel, sans un privilège spécial de Dieu. Sess. vi, can. 23. Ce privilège spécial fut certainement concédé à Marie, comme suite de l’immaculée conception. A-t-il été concédé à d’autres créatures, en vertu d’une dérogation aux lois ordinaires de la Providence ? Qui pourrait l’allirmer ? L’attitude qui s’impose au théologien catholique semble bien être celle que propose le cardinal Billot. « Pour éviter, dit-il, dans l’ordre actuel de la Providence, au cours de toute la vie, les péchés véniels, même semi-délibérés, il faudrait un secours tout à fait extraordinaire de Dieu, qui n’a jamais été concédé à aucun homme conçu dans le péché, à moins d’un privilège très spécial dont il n’est pas possible de constater l’existence. > De gratia, Prato, 1912, p. 106. Tout en reconnaissant la possibilité d’un privilège aussi exceptionnel, il faut donc reconnaître aussi que la concession de ce privilège ne peut être l’objet d’une démonstration théologique. Tout ce que l’on est en droit d’affirmer, c’est que saint Joseph, en raison de sa mission, fut confirmé en grâce dès l’instant de son mariage avec la sainte Vierge

Ne serait-il pas plus exact de dire simplement que saint Joseph, constitué en grâce d’une manière suréminente (ce qui n’implique pas nécessairement l’impeccance perpétuelle), n’a cessé d’augmenter en son âme, dès l’âge de raison, le trésor surnaturel de grâces que Dieu y avait déposé ? Le nom de Joseph signifie cet accroissement, cf. Gen.. xxx, 24, et saint Bernard a tiré de ce nom une délicate argumentation : Conjice ex proprio vocabulo, quod augmentant non dubitas interprelari, gais et qualis homo fuerit iste Imnvj Joseph. Homil. II super « Missus est », . Opéra, Venise, 1568, t. i, p. 11. En Joseph, comme en Marie, quoique dans un degré inférieur, se trouvent réunies d’une manière excellente les trois conditions du mérite et du progrès de la vie surnaturelle : œuvres en soi bonnes et susceptibles d’être rapportées à Dieu (peut-on trouver œuvre plus excellente que la triple mission de Joseph par rapport à la virginité de Marie, à l’enfance de Jésus, et au mystère de l’incarnation) ; charité sureminente dirigeant ces œuvres vers Dieu, fin surnaturelle (quel amour de Dieu en celui qui a tenu i a ses bras l’enfant Jésus. Cf. Bernardin de Sienne, Serm i de S. Joseph, a. 2, c. 2, Opéra, t. iv, p. 251) : libertéplus grande que chez les autres hommes, d’autant plus grande que saint Joseph avançait chaque jour de plus en plus dans la perfection. De cet accroissement continuel de. vie surnatnelle en Joseph, on ne saurait jamais assez exprimer de ! H faudrait exaller

sa foi profonde, sa confiante espérance, son an sans cesse grandissant au contact de Celui qui. dan compagnie, manifestait de plus en plus aux nom