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LAMENNAIS, VIE : « L’AVENIR »
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refusèrent à suivre les autres : Guichen, p. 126, note 1. Lamennais cherchait, je pense, à se faire illusion, lorsqu’il contestait dans une lettre à Ventura la sincérité de ces adhésions. Cf. Dudon, Lettres inédites de Lamennais à Ventura (1820), Éludes, 5 mars 1010, p. 612-3. — En même temps qu’il défendait « les vrais principes de l’Église gallicane » par la déclaration de [’épiscopat et par son intervention à la tribune de la Chambre, Frayssinous mobilisait pour la bataille de presse son « concile domestique % comme l’appelait Lamennais, c’est-à-dire les trois Clausel, l’cvêque de Chartres, Mgr Clausel de Montels, l’abbé Clausel de Coussergues, « ancien grand vicaire, » et leur frère aîné, député, conseiller à la Cour de Cassation, M. Boyer, et son neveu, l’abbé Afîre, tous parents et compatriotes de Mgr d’Hermopolis.

d) Le silence de Rome. — A Rome, on suivait avec attention, mais non sans inquiétude, ces âpres démêlés de l’outrancier ultramontain avec le gouvernement et l’épiscopat français. On pense bien que des notes s’échangeaient à se sujet entre les deux chancelleries. Mgr Macchi d’abord, puis Mgr Lambruschini, à partir de février 1827, de la nonciature de Paris, renseignaient la cour de Rome sur les idées de Lamennais et sur les tentatives que celui-ci faisait pour engager le pape ou son représentant dans la controverse. Voir, en particulier, la dépèche du 15 mars 1826, de Mgr Macchi, dans Dudon, Lamennais et le Saint-Siège (1820-1834), p. 45-46, et le petit mémoire adressé le 7 septembre 1829 par Mgr Lambruschini au cardinal Capellari, préfet de la Propagande (futur Grégoire XVI) ibid., p. 80-83. Si Léon XII avait eu besoin d’être éclairé sur les intentions du réformateur de l’apologétique catholique et de la politique religieuse de’l’Église, Lamennais y aurait pourvu par l’envoi d’un Mémoire, dont le P. Dudon fixe la composition à la fin de 1826, ou au début de 1827, cf. Recherches de science religieuse, septembre-octobre 1910, p. 477, et par la remise des constitutions de la congrégation de Saint-Pierre, faite par Ventura en 1828 ou 1829. Cf. Lamennais et le Suint-Siège, p. 70. Léon XII y aurait appris quel était l’état de la société religieuse et politique, d’où provenait le malaise qui la faisait souffrir et quels étaient les remèdes à y apporter. Tous les maux de la société contemporaine proviennent des « principes individualistes et révolutionnaires du protestantisme ». Et Lamennais en conclut que « le souci de conserver dans la société les vérités nécessaires doit amener le souverain pontife à condamner une double série d’erreurs qui se tiennent et compromettent tout ensemble l’Église et l’État. » Op. cit., p. 62. Et Lamennais de dresser un catalogue de seize propositions, qui lui paraissent résumer les fausses doctrines gallicanes et libérales. Cf. Recherches…, p. 479-81. Après avoir condamné l’erreur fondamentale qui ruinerait la société religieuse et la société politique, si elle prévalait, il restera au pape d’affranchir l’Église de « l’état de dépendance et de servitude où elle se trouve maintenant à l’égard des puissances temporelles », et de renouveler les éludes ecclésiastiques ; suivent quelques indications générales sur l’apologétique traditionaliste, sur la défense de la Bible, par les » découvertes modernes » el sur la « régénération des sciences morales » el de la métaphysique. (Ces indications ont été textuellement reproduites dans les Progrès de la Révolution, Œuvres complètes, 1836-37, t. ix, p. 10 1, 195). Lamennais conseillait au pape « d’instituer à Home une grande université, qui, lorsque sa renommée sérail solidement établie, attirerait les élèves de toutes les parties de l’Europe ». Ainsi sans doute sérail assurée l’unité spirituelle du genre humain, rêve ambitieux de Lamennais et de Comte. Home, assurément, ne pouvait voir qu’avec satisfaction la défense et la pro pagation des idées ultramontaines et la réfutation du gallicanisme ecclésiastique. Pourtant le pape et le secrétaire d’État n’étaient pas sans inquiétude sur le fond même de la pensée de Lamennais. Lambruschini répétait que l’abbé de La Mennais n’est pas un solide théologien. Ne connaissant pas les classiques qui ont traité de la matière, il a donné prise beaucoup trop aux anli-ultramontains. » Lamennais et le Saint-Siège, p. 83. Mais, eussent-ils été d’accord sur les doctrines, Rome et Lamennais étaient aux antipodes sur les moyens à employer pour les faire aboutir. Lamennais, impatient de voir son triomphe, déclarait qu’ « il y a des moments qu’il faut saisir et qui ne se représentent pas. » Lettre du 18 mars 1826, citée dans Lamennais et le Saint-Siège, p. 39. Il aurait voulu tout de suite une encyclique condamnant les quatre articles. Mais cette hâte fébrile, qui tenait au tempérament de Lamennais, il savait bien que rien n’était plus opposé à la lenteur romaine. Léon XII, qui n’entendait pas d’ailleurs recevoir des ordres de qui que ce soit, restait donc fidèle aux méthodes éprouvées de la cour de Rome, lorsque, en 1826, après la Déclaration gallicane de l’épiscopat français il gardait le silence, cf. Guichen, p. 130-4 : et lorsque, en 1828, après les célèbres ordonnances de juin, concernant les écoles secondaires ecclésiastiques, et la protestation unanime de l’épiscopat français, voir le Mémoire présenté au roi par les évoques de France… le 1 er août 1828, parmi les pièces justificatives, dans les Progrès, p. 237-58, il exhortait les évêques de France « à se confier à la haute piété et à la sagesse du roi pour l’exécution des ordonnances, et à marcher d’accord avec le trône. » Cf. Guichen, p. 293-317. — Mais alors comment expliquer les paroles inquiétantes sur le silence de Rome qui remplissent dès lors la correspondance de Lamennais ? « On (c’est-à-dire Lamennais) s’étonne du silence de Rome, écrit-il dès le 18 mars 1826, et personne ne peut savoir ce que deviendrait cet étonnement, s’il se prolohgeait. » Dudon, p. 39. Veut-il insinuer déjà ou qu’il se retirera de la lutte et laissera la hiérarchie se défendre toute seule ? ou que le silence du Saint-Siège est une trahison de son devoir, que le pape faillit à sa mission, que peut-être il faudra envisager une autre organisation de la société spirituelle, un autre moyen de réaliser l’unité des intelligences ? De tels propos en disent long pour qui connaît la suite de l’aventure, et pour qui sait qu’au fond Lamennais ne voyait dans l’Église « constituée » qu’une phase du christianisme éternel, qu’une autre phase avait précédée et qu’une troisième peut-être allait remplacer. Après la désapprobation de la résistance aux ordonnances de juin 1828, il écrit : « le ne crois pas que depuis des siècles un aussi grand scandale ait été donné ; et combien les suites peuvent en être funestes. Home, Rome, où es-tu ?…Priez, priez pour l’Église. Sans doute elle ne périra pas ; sans doute Dieu, qui la protège, est plus fort que ne sont faibles ceux qu’il a chargés de la défendre. Mais pourquoi faut-il qu’on soit obligé de se redire cela si souvent, si amèrement ! » 2 octobre 1828, Routard, t. ii, p. 15-16. « Ce silence, … cette apparente neutralité entre le bien et le mal, le vrai et le faux, est une grande épreuve pour la foi, ce a ne s’était pas encore vu… La voix qui depuis dix-huit siècles ne s’était pas tue un moment est devenue tout à lait muette. Les peuples étonnes prèlent l’oreiUe et se disent : Le sanctuaire est vide, il n’en sort plus rien.. Dieu a étendu un voile sur les esprits, et il a dit à la Puissance, comme au figuier de l’Évangile : Sèche-toi. » mai 1829. ibid., p 60.

2. Pour la démocratie, I 82$1-$2 835. a) I.a théorie. — Les prélats français de 1829 durent être singulièrement étonnés et choqués du ton et des déclarations

menaçantes de la préface mise par Lamennais au livre

Des progrès de la Rérohiliim et de la guerre contre