Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée
1515
1516
KIMI SAINT. SAINTETÉ SURÉMINENTE


adversarium legis et prophetarum, t. II, c. v, n. 20. P. L., t. xlii, toi. 660 ; et parmi les exégètes catholiques, dans leurs commentaires sur le premier évangile. Denys le Chartreux. Maldonat, Jansénius, Jean de Sylveira, Barradas, Tirin, etc. Mais une telle exégèse est en dehors du sens que présente le texte. La phrase qui suit l’indique clairement. Jésus, ayant fait l’éloge du Précurseur, auquel, en tant que Précurseur, aucun autre homme ne saurait être comparé, ajoute, en jetant un regard sur le royaume à venir, que i même les membres inférieurs de son Eglise, même les plus petits d’entre les chrétiens l’emportent sur saint Jean-Baptiste, quelle que soit d’ailleurs la grandeur du Précurseur. > billion. Évangile selon S. Matthieu, p. 222. Cf. Évangile selon S. Luc, p. 157. C’est donc en tant que dernier représentant de l’Ancienne Loi, dont il est le dernier prophète, que Jean est proclamé le plus grand des hommes ; sa valeur personnelle, sa sainteté, ses vertus individuelles sont hors de cause : avec la plupart des c( mnientateurs, il faut reconnaître qu’ici Jésus-Christ ne parle de Jean-Baptiste qu’en fonction de sa mission prophétique, qui clôt l’Ancien et annonce le Nouveau. Cf. Van Steenkiste, Commentarius in Kvangelium secunduw Matthœum ; Lagrange, Évangile selon S. Matthieu, p. 222 : Knabenbauer, Evanqelium secundum Matthseum, t. i, p. 429-431. On trouvera dans ce dernier auteur les déclarations faites en ce sens par Albert le Grand, saint Thomas, Tolet, etc. Sur le texte parallèle de Luc, vii, 28, voir Lagrange, Évangile selon S. Luc, p. 221. Cf. Billot, De Ecclesia, l’rato, 1909, p. 74, et surtout D. Buzy, Saint Jean-Baptiste, Paris, 1922, part. III, c. 3.

2. Saint Joseph et les apôtres.

Une difficulté, qui en lait n’existe pas, a été imaginée en partant de deux textes de saint Paul, Rom., viii, 23 ; Eph., i, 8, et surtout du commentaire qu’en a fait saint Thomas. Sur Rom., viii, 23, celui-ci reprend l’argumentation par laquelle on prouve la surabondance de grâces en l’âme de saint Joseph, pour démontrer qu’après la Vierge, les apôtres ont obtenu de Dieu la plus grande sainteté. Leur fonction, en effet, les place immédiatement après Marie. L’pist. ad Bomunos, c. viii, lect. v, édit. de Parme, t. xui, p. 83. Et sur Eph., i, 8, saint Thomas écrit « que les apôtres ont reçu une grâce plus abondante que tous les autres saints, après le Christ et la Vierge-Mère » ; et il dénonce « la témérité, pour ne pas dire l’erreur, de ceux qui ont la présomption de comparer d’autres saints aux apôtres, dans l’ordre de la grâce comme dans l’ordre de la gloire. » Jd., p. 448.

Il est incontestable qu’au —Moyen Age, le culte de Joseph élait à peu près inexistant ; on ne pensait guère

l’humble et modeste saint, rien d’extraordinaire à

ce que l’Ange de l’Ecole n’ait pas pris garde à la haute mission qui lui fut départie, mission qui devait justilier sa prééminence, même à l’égard des apôlres. D’ailleurs, dans l’exposition du texte île l’Épître aux Romains, il dit : Spiritum sanctum et tempore prias et ceteris abundaniiusapostoli habuerunt ; et. dans l’Épître aux Éphésiens, s’il confesse qu’* il est téméraire de comparer d’autres saints aux apôtres, « il fait précéder cette conclusion du texte emprunté â l’Épître aux Romains, avec la glose : tempore prias et céleris abundanlius. 11 ne s’agirait donc pas de la comparaison des apôtres avec un saint, venu avtud eux.

Mais, â ne considérer que l’argumentation de saint Thomas, et en laissant de côté sa conclusion un peu absolue, on arrive (acilement à déduire la prééminence de saint Joseph, même sur les apôlres. La mission ml J08( ph, étant d’un ordre plus relevé que celle des apôlres, exigeait, en vertu du principe de saint Thomas, une plus grande surabondance de grâces. " Certains offices, écrit Suarez, relèvent de l’ordre

même de la grâce sanctifiante, et, dans ce genre, les apôtres tiennent le degré le plus élevé : aussi ont-ils eu besoin de plus de secours gratuits que les autres, surtout en ce qui concerne les dons gratuitement donnés et la sagesse. Mais il y a d’autres offices qui confinent â l’ordre de l’union hypostatique, en soi plus parfait, ainsi qu’on le voit clairement de la maternité divine en la bienheureuse vierge Marie, et c’est à cet ordre d’offices qu’appartient le ministère de saint Joseph. > Sans vouloir tirer de conclusion absolue, le grand théologien « estime qu’il n’est ni téméraire, ni impie, niais au contraire que c’est opinion pieuse et vraisemblable de considérer saint Joseph comme le premier des saints en grâce et en béatitude. » In Sum. S. Thomæ, IIP, q. xxix, disp. VIII, sect. 1 ; Opéra, édit. Vives, t. xix, p. 125. On voudra bien remarquer la modération louable avec laquelle s’exprime Suarez.

La doctrine de la prééminence de saint Joseph avait été antérieurement professée par Gerson, Sermo in rxdivitalem virginis Marisr, iv a consideralio, dans Vives (card.), Summa Josephina, Rome, 1907, p. 173 ; par saint Bernardin de Sienne^ Sermo I de S. Joseph, c..H, Opéra, Lyon, 1050, t. iv, p. 254. A partir du XVIe siècle elle devient beaucoup plus courante ; elle est admise par sainte Thérèse, saint François de Sales, plus tard par saint Alphonse de Liguori, etc. < Certes, pouvons-nous conclure avec Léon XIII, la dignité de Mère de Dieu est si haute qu’il ne peut être créé rien au-dessus. Mais, toutefois, comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par lv lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il n’ait approché, plus que personne, de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si haut toutes les natures créées. » Encycl. Quanquam pluries. A prendre ces derniers mots dans leur sens plein, il faudrait conclure à la prééminence de saint Joseph non seulement sur tous les saints, mais encore sur les anges. Mais il va de soi qu’on ne saurait interpréter cette simple assertion d’un document pontifical autrement que comme une indication, et qu’il convient de montrer, en ce domaine, qui échappe à toutes nos prises, la plus grande prudence.

3° Précisions relatives à la prééminence de saint Joseph. — La thèse de la prééminence île saint Joseph se présente donc avec des garanties de probabilité théologique. On peut même affirmer qu’elle tend à devenir de plus en plus la doctrine communément reçue dans l’Église. Mais cette prééminence même soulève un certain nombre de problèmes subsidiaires que les théologiens s’efforcent de pénétrer. C’est, dit-on, en raison de sa mission à l’égard de Jésus que Joseph a dû recevoir de Dieu cette surabondance de grâce qui lui assure la prééminence par rapport aux autres saints. Mais n’est-ce pas une raison analogue, quoique plus pressante, — la maternité divine, — qui amène l’Église à concevoir pour la sainte Vierge toute une série de privilèges, dont plusieurs sont définis comme de. foi divine et catholique : immaculée conception, virginité parfaite, impeccabilité, mort immédiatement corrigée par une résurrection et une assomption glorieuse, culte spécial’? Si donc il faut affirmer avec Léon XIII que Joseph, en devenant l’époux de la Vierge, est devenue un participant de sa sublime dignité % ne peut-on pas se demander dans quelle mesure il a pu participer aux privilèges do son admirable épouse ? Ici encore le théologien averti devra se mettre en garde contre l’abus de la raison raisonnante et ne jamais perdre de vue les grandes règles qui président aux déductions théologiques.

1. Privilège par rapport, au péché originel. — Il ne peut être question, bien que certains l’aient insinué, d’immaculée conception, ce privilège avant été accordé uniquement à Marie. Mais saint Joseph aurait-