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    1. JOSEPH (SAINT)##


JOSEPH (SAINT). SAINTETE SUREMINENTE

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De Verbo incarnato, p. 422, de dire de quel nom il ne convient pas de désigner cette paternité. Corneille de La Pierre nommait Joseph « père par droit de mariage », patrem malrimonialem. Le nom propre, exprimant adéquatement le lien unissant Joseph à Jésus, nous échappe. La liturgie l’appelle une vicepaternité. Pré jace propre de S. Joseph.

Mission par rapport an mystère de l’incarnation.


Le mystère de l’incarnation devait être tenu secret pendant la vie cachée de Jésus. Cependant, pour la protection de la virginité de Marie et pour l’éducation de l’enfant divin, il fallait que ce secret fût confié à l’homme choisi par Dieu pour devenir l’époux de Marie et exercer les droits comme les devoirs de la paternité vis-à-vis de Jésus. La vocation de Joseph, à l’encontre de celle des apôtres qui sont des lumières pour faire voir Jésus, est d’être un voile pour le couvrir. Cf. Bos-suet, op. cit., 3e point. Joseph fut ce voile même à l’égard du démon, selon l’opinion curieuse de saint Ignace martyr, mentionnée, sinon reprise, par saint Jérôme, ni parlus ejus celaretur diabolo dum eum pulat non de virgine, sed de uxore generalum. In Malin., c. i, P. L., t. xxvi, col. 24. Sur cette curiosité exégétique, voir S. Thomas, Sum. theol., III a, q. xxix, a. 1, ad 3um ; in Malthœum, c. i ; Suarez, In III* m p. Sum. theol., q. xxix, a. 1, n. 2, Opéra, éd. Vives, t. xix, p. 111 ; Ami du Clergé, 1921, p. 535-537.

Parce que le Christ, Homme-Dieu, ne devait mener une vie cachée que pour un temps, il convenait que Joseph, ministre et compagnon de cette vie cachée, dépositaire du secret dans lequel était renfermé le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu, disparût de la scène de ce monde avant que la parole du ciel ne révélât au fils de Zacharie dans le désert la présence du Messie promis et annoncé. Aussi, dans l’obscurité même qui avait entouré sa vie, Joseph, continuant jusqu’au bout sa mission sublime, rendit sans doute son âme à Dieu avant que Jésus se manifestât aux hommes comme l’Homme-Dieu. Ainsi, le voile qui couvrait le mystère de l’incarnation étant enlevé, les hommes peu à peu purent s’habituer à concevoir le Christ sans père selon la chair.

IL Sainteté suréminentiî. — Le principe fondamental qui doit ici diriger les déductions du théologien est celui-là même qu’expose saint Thomas à propos de l’abondance de grâces dont fut remplie l’âme de Jésus-Christ et celle de sa mère. « Lorsque Dieu choisit par lui-même quelqu’une de ses créatures pour une fonction spéciale, il la dispose d’avance et la prépare à remplir dignement le ministère auquel il la destine. » Sum. theol., III a, q. xxvii, a. 4. « A chacun Dieu donne la grâce suivant l’élection qu’il a faite de lui. Et parce que le Christ, en tant qu’il est homme, avait été prédestiné pour être le Fils de Dieu, sanctificateur du monde, il eut en propre une plénitude de grâces assez grande pour enrichir tous les hommes… Mais la bienheureuse vierge Marie a obtenu une grande plénitude de grâce parce que nulle autre créature n’a été voisine comme elle de l’auteur de la grâce. Car elle reçut en même temps celui qui est plein de grâce et, par son enfantement, elle fit couler en quelque sorte la grâce sur l’humanité tout entière, s l.oc. cit., ad l um.

Et l’élection faite par Dieu ne saurait porter à faux, lorsqu’elle est absolue. Ceux que Dieu élit pour une dignité, il les Jait propres à la remplir. Cf. II Cor., ni, 6, et le commentaire de S. Thomas, lect. IL Jamais les choix de Dieu, soit dans l’ordre de la nature, soit dans celui de la grâce, ne peuvent tromper ses prévisions ni ses espérances. Cf. Terrien, op. cit., 1. 1, p. 2592C0.

De ce principp général, on doit déduire l’abondance de grâces dont fut enrichie l’âme de saint Joseph, et,

si l’on peut dire, sa prééminence sur les autres saints, hormis la sainte Vierge. Nous préciserons ensuite quelques points relatifs à cette prééminence.

1° Surabondance de grâces et de perfection dans l’âme de Joseph. — La grâce sanctifiante, nous destinant à l’union surnaturelle avec Dieu, est d’autant plus abondante en un âme que cette âme doit être plus intimement unie à Dieu dans l’ordre surnaturel. Or Joseph, tant à l’égard du Verbe incarné qu’à l’égard de la Mère de Dieu, a reçu une mission très particulière, qu’aucun autre homme n’a reçue. Dans l’intimité de la sainte Famille, le droit d’époux, le droit de père, le droit de gardien vigilant et fidèle établissait, entre saint Joseph et Dieu, une relation si étroite, qu’on n’en peut trouver de semblable chez les autres saints, et qu’elle place Joseph, dans l’ordre de l’union avec Dieu, immédiatement après la vierge Marie. Quelle devait donc être la grâce préparée et conférée par Dieu à l’homme élu entre tous, chargé de conduire et de protéger le Verbe, fait homme pour le salut des hommes, à l’homme élu entre tous pour être l’époux, gardien vigilant de la virginité deMarie, dans l’amour même le plus ardent de la vertu ! « Joseph fut l’époux de Marie ; il fut réputé le père de Jésus-Christ. De là ont découlé sa dignité, sa faveur, sa sainteté, sa gloire. Certes, la dignité de Mère de. Dieu est si haute qu’il ne peut être créé rien au-dessus. Mais, toutefois, comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il n’ait approché plus que personne de cette dignité suréminente par laquelle la mère de Dieu surpasse de si haut toutes les natures créées. » Léon XIII, Encyclique Quanquam plurics, 5 août 1889. Voir le développement de ces pensées dans saint François de Sales, Entreliens spirituels, xix, édit. d’Annecy, t. vi, p. 360 ; 355-366.

A ces raisons solides s’ajoute une indication tirée du rôle joué par saint Joseph par rapport à l’incarnation. Durant la vie cachée de Jésus, Joseph en fut le gardien plein de foi et de discrétion. A ce rôle, désormais fini, a fait place un rôle non moins glorieux, celui de protecteur de l’Église, de cette Église qui continue ici-bas le mystère de l’incarnation. Or, si Jésus-Christ, comme chef de l’Église, doit avoir la plénitude de grâce qui convient au chef, plénitude dont « nous avons tous reçu », si la sainte Vierge, en tant que Mère des hommes, a dû posséder une grâce plus parfaite que celle des autres créatures, parce qu’elle devait en quelque sorte faire couler la grâce sur l’humanité tout entière, ne pouvons-nous pas également affirmer que le rôle de protecteur de l’Église constitue, pour saint Joseph, un titre à une surabondance exceptionnelle de grâces ?

2° Prééminence de saint Joseph par rapport à tout autre saint. — C’est la conclusion de ce qui précède. Saint Joseph, après Marie, a été la créature la plus unie à Jésus, et cette union provenait d’une mission exceptionnelle, qui n’a été confiée à aucun autre saint, et qui se rapportait au mystère même de l’Auteur de la grâce. Mais la prééminence de saint Joseph postquelques difficultés qu’il importe de résoudre. Disons immédiatement que la place assignée par la liturgie au nom de saint Joseph après celui de saint Jean-Baptiste n’implique aucune infériorité en saint Joseph au point de vue de la sainteté. Voir sur ce point Analecla juris pontificii, XX série, 1881, col. 824-843. 1. Saint Joseph et-saint Jean-Baptiste.

La difficulté vient du texte de Matthieu, xi, 11. Si Jean a été proclamé par Jésus lui-même « le plus grand de ceux qui sont nés d’une femme, » n’est-il pas, par là même, le plus grand des saints ? Ainsi l’ont pensé saint Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, P. G., t. lxxv, col. 157 ; saint Jean Chrysostome, In Matth., homil. iixxxv n. 2, P. G., t. en, coi. 421 ; saint Augustin, Contra