Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.2.djvu/516

Cette page n’a pas encore été corrigée
2441
2442
LACTANCE, DOCTRINES


Si le Verbe est le bras droit de Dieu, le diable en est le bras gauche fecit ante omnia duos fontes rerum sibi adversarum inler seque pugnanlium, illos scilicet duos spirilus, rectum atque pravum, quorum aller est Deo tamquam dextera, aller tamquam sinistra, ut in eorum cssent potestate contraria Ma, quorum mixlura et temperatione mundus et qux in eo sunt universa consiarent. Voilà pour le monde physique ; à chacun des deux éléments contradictoires qui le constituent, feu, eau, (lumière, ténèbres, etc.), un chef est donné. Et voici maintenant le monde moral : Item facturus hominem cui virtutem ad vivendum proponeret, per quam ad immortalitalem assequeretur, bonum et malum fecit, ut posset esse virlus. P. 130-131.

Le point délicat de la théorie, c’est que, si l’on s’en tient strictement à la lettre, Dieu est finalement le dernier responsable du mal. Il crée le diable pour qu’il soit l’inventeur du mal : illum constitua malorum inventorem, quem cum faceret dédit Mi ad mala excogitanda ingenium et astutiam, ut in eo esset et voluntas prava et perfecta nequitia. Peut-être convient-il néanmoins de ne pas serrer le texte de trop près : gêné par son peu d’habitude de la spéculation théologique, l’auteur a mis en Dieu volonté antécédente et absolue, là où il aurait dû mettre volonté conséquente et permissive. .Mais, quoi qu’il en soit, que la malice du diable ait été voulue par Dieu ou simplement permise, voici la lutte engagée désormais entre le diable et le Verbe : celui-ci inspirateur du bien, celui-là instigateur du mal. De cette lutte l’humanité sera, pour ainsi parler, l’enjeu.

Le reste de l’exposé se rapproche davantage des idées courantes ; sauf un point cependant : la date de la chute des anges. En conformité avec la Bible, Lactance parle de la création du premier couple humain, de la tentation, de la chute dont il rend le diable responsable. Pour aider l’humanité dans sa lutte contre le mal, Dieu lui envoie ses anges ; mais beaucoup d’entre eux succombent, s’unissent aux filles des hommes. On sait à quel point cette idée, empruntée au livre d’Hénoch fut courante dans l’antiquité. Désormais les anges déchus ne pourront être reçus dans le ciel, le diable en fait ses satellites et ses ministres. Quant aux fruits des unions incestueuses entre les anges et les filles des hommes, ils constituent une classe spéciale de démons. Leurs pères habitent les régions aériennes, (les deux, comme dit Lactance) ; eux sont confinés aux régions terrestres. Ce sont eux les esprits immondes, auteurs de tous les maux qui arrivent. Ce sont leurs artifices qui ont le plus contribué à répandre sur la terre le polythéisme. Voir surtout Inst., II, xmxiv, ’p. 160 sq. ; Epist., xxii-xxiii, p. 694-695. Quant aux anges demeurés fidèles, ils sont les auxiliaires du Verbe dans l’incessante lutte qu’il faut mener contre les forces démoniaques.

Au fond de toute cette théorie il y a donc le désir de résoudre le problème du mal. Hypnotisé par cette idée contestable, mais bien stoïcienne, que la vertu, le bien suppose nécessairement la tentation, la lutte, donc le mal, Lactance arrive à croire nécessaire un principe du mal. Ce serait le manichéisme, si le bon sens de l’auteur ne le mettait en garde contre la théorie des deux principes égaux, rivaux et coéternels. Mais, pour respecter l’unité du principe premier, la solution qu’il propose ne vaut guère mieux, puisqu’elle arrive à placer en Dieu (au moins à prendre les termes à la rigueur) la décision de créer un principe mauvais. On comprend assez que les passages où étaient développées des théories aussi scabreuses aient été expurgés, du jour où l’on a vu plus clairement le péril manichéen.

3. La psychologie. — Il n’y aurait pas à insister sur les doctrines relatives à la nature et à la destinée de l’âme que développe Lactance. La spiritualité (ne

disons pas l’immatérialité) du principe de vie ne fait pas de doute pour lui, pas plus que son immortalité. L’originalité du rhéteur est d’avoir affirmé avec beaucoup de force la création immédiate de toutes les âmes par Dieu, alors que Tertullien, dont il dépend si étroitement pour le reste de sa psychologie, avait proposé une théorie beaucoup plus grossière de l’origine de l’âme. Lactance pose nettement la question, De opificio Dei, c. xix, t. n a, p. 59, utrumne anima ex pâtre, an potius ex matre, an vero ex utroque generetur. Aucune de ces hypothèses n’est —exacte, continue-t-il ; des corps peuvent bien engendrer des corps, mais des âmes ne peuvent donner des âmes : de animis anima non potest (nasci), p. 60. Il est donc clair que les âmes des enfants ne proviennent point des parents, sed ab uno eodemque omnium Deo paire, qui legem rationemque nascendi tenet solus, siquidem soins efficit. — Lactance ne dit pas en termes exprès à quel moment Dieu crée les âmes. Une phrase des Institutions pourrait faire croire qu’il penche pour la théorie origéniste, encore qu’il n’ait pas connu directement l’auteur du Periarchon. Quand Dieu, dit-il, eut achevé de créer et de peupler le monde, il décida de créer les âmes qui constitueraient son royaume éternel : rébus omnibus mirabili discriptione compositis regnum sibi œternum parare constitua et innumerabiles animas procreare quibus immortalitalem daret. Inst., II, x, 2, p. 117. Mais il s’agit vraisemblalement ici du dessein général de Dieu, qui peut ne l’avoir exécuté qu’au fur et à mesure des conceptions humaines, et c’est bien ce que paraît indiquer l’auteur, quand, parlant de la gravité du crime d’avortement, il écrit : ad vitam enim Deus inspirât animas, non ad mortem. Inst., VI, xx, 18, p. 558. Cf. VII, v, 9, p. 598. On sait à quelle fortune était réservée cette doctrine du créatianisme.

4. L’eschatologie.

Si pour la psychologie Lactance est nettement en progrès sur ses prédécesseurs, par contre son eschatologie est nettement archaïsante. Elle vaudrait la peine d’être exposée avec quelques détails, et l’on s’étonne de voir toute cette fantasmagorie des apocalypses apocryphes, d’origine juive ou chrétienne, s’étaler avec tant de complaisance dans ce manuel d’enseignement chrétien. Rien n’y manque, ni la chute de Rome, ni les prodiges dans le ciel et sur la terre, ni l’avènement de l’Antéchrist, ni sa défaite par le Christ. C’est après la victoire remportée par ce dernier sur les forces démoniaques que prend place la première résurrection, laquelle atteint ceux-là seuls qui ont pratiqué la vraie religion. Cette résurrection est suivie d’un premier jugement. Inst., VII, xx, p. 647 sq.

Pour ce qui est des infidèles, ils n’ont que faire à cette audience, car ils sont déjà jugés et condamnés. Quant aux fidèles, ils seront, suivant leurs actions, ou admis à la vie bienheureuse ou condamnés au supplice du feu éternel. Les justes eux-mêmes seront éprouvés par 1 ? l’eu. Ibid., xxr, 6, p. 652 : tu m quorum peccata vel pondère vel numéro prævaluerint, perstringentur igni atque amburentur quos autan plena justifia et maturitas virtutis incoxerit, ignem illum non senlienl. Il ne faudrait pas s’imaginer, continue Lactance, que les âmes ont été jugées immédiatement après la mort ; non, en attendant que le grand juge statue sur leur sort, elles sont enfermées dans une prison commune d’où précisément elles sont appelées au moment du jugement. Celui-ci vient donc faire parmi les âmes des fidèles un premier triage. Celles que le feu du jugement a épargnées ou purifiées vont mener sur la terre une vie nouvelle, pendant que les âmes trouvées coupables sont renvoyées avec les impies pour y attendre des châtiments certains. Ibid., n. 7 et 8.

Alors commence sur ! a terre le millenium, ère fortunée décrite a l’avance par les prophètes et les