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LACTANCE, DOCTIl I NES


même soin de distinguer les deux états du Verbe : logos endiathelos, logt s prophoricos, distinction à l’aide de quoi les anciens apologistes avaient sauvé, tant bien que mal, l’éternité du Logos. On remarquera également l’emploi du mot produxit, qui, orthodoxe à la rigueur, si on le prend comme l’équivalent du grec 7tpo<pépa>, est d’autant plus dangereux ici qu’il vient presque comme synonyme de fecit. Qui pis est, le mot de creaius est employé ailleurs pour qualifier le Fils : renalus est ergo ex virgine sine paire ianquam homo, ut quemadmodum in prima natiuitate spiritali crc<rfus ex solo Deo sanctus spiritus faclus est, sic in secundo carnali ex sola maire genitus caro sancta fieret. Epit., xxxviii, 9, p. 715. N’accusons pas pourtant trop vite notre autei r de faire du Fils une créature ; car à plus d’un endroit il parle (et dans celui même que nous venons de citer) de sa naissance, de sa génération : anlequam prœclarum hoc opus mundi udoriretur, sanctum et incorruptibilem spiritum gentil, quem Filium nuneuparet. Inst., IV, vi, 1, p. 286. Deus in principio antequam mundum institueret, de œternitatis suæ fonte ileque divino ac perenni spiritu suo filium sibi ipse progenuil incorruptum, fidelem virtuti ac majestati palrise respondentem. Hic est virtus, hic ratio, hic sermo dei, hic sapienta. Epit., xxxvii, 1, 2, p. 712. Ce dernier texte est particulièrement important, et montre bien que Lactance n’assimile pas la génération du Verbe (Sermo, comme dans Tertullien) à la production des créatures ; il dit assez clairement, bien qu’un peu gêné par le manque de terminologie, que le Verbe dérive de la substance même du Père. Il a même un développement pour démontrer ex professo que la production du Verbe ne saurait être assimilée à la création des anges. Inst., IV, viii, 7, p. 296. En sorte qu’il convient d’interpréter avec quelque bienveillance le mot de creatus qui est accolé parfois au nom du Verbe.

Il n’empêche que le Verbe ainsi produit, s’il est semblable au Père, n’est pourtant, si l’on peut dire, qu’un Dieu de seconde majesté. Justin avait déjà hasardé en parlant du Logos l’expression de Ixepoç Osôç ; s’inspirant peut-être de la même source, Lactance cite un passage des livres hermétiques, qui rend sensiblement le même son : ô xiipioç xal tcov Tîàvxcov

— oi^TYjç, Ôv 0£Ôv xaXeîv vevoj.uxao.EV, inel tÔv SeÛTepov z-.’Ar^z 6eèv ôpa-rôv xal octa0Y]TOv. Inst., IV, vi, 4, p. 287. Il avance par ailleurs une expression qui semble indiquer que le Verbe n’était point par sa nature incapable de défaillance morale, puisque c’est par sa persévérance dans le bien qu’il est devenu cher à Dieu : Deo patri perseverando cum probatus tum etiam carus est. Inst., II, viii, 4, p. 130. Toute cette doctrine est d’ailleurs à interpréter en fonction de celle qui est relative à la création et à la chute du démon, dont nous parlerons tout à l’heure, et l’on ne réaliserait pas combien, dans les passages antérieurement cités, la pensée de Lactance est loin de l’enseignement classique si l’on ne tenait compte de cette opposition qu’il fat perpétuellement entre le Verbe et le diable.

Telle est pourtant sur l’esprit de notre auteur l’impression faite par la doctrine traditionnelle, qu’après avoir semblé verser dans un arianisme avant la lettre, il s’empresse de résoudre par des expressions toutes voisines du consubstantiel nicéen le problème de l’unité divine qu’il avait semblé compromettre par les expressions précédemment citées. D’ailleurs la nature même de l’auditoire auquel il s’adresse le force à aborder le. problème. Il a consacré deux livres a faire le procès du pol théisme, el voici, lui objecte son lecteur, qu’il semble instaurer deux dieux. Tout un chapitre est consacré à résoudre cette difficulté. Inst., IV, xxviii, p. 391-394. C’ost à Tertullien d’ailleurs qu’est empruntée la réponse : « ’.uni diclmus Deum

Patrem et Deum Filium non diversum dicimus nec utrumque secernimus, quia nec Pater a Filio potest nec Filius a Paire secerni, siquidem nec Pater sine Filio nuncupari nec Filius potest sine Pâtre generari. Cum igitur et Pater Filium facial et Filius Patrem una ulriquc mens, unus spiritus. una subslantia est. Cf. Tertullien, Apologel, xxi, P. L., t. i, col. 399. Tout ceci montre qu’il faut tenir compte, quand l’on étudie Lactance, de l’importance qu’il attache à l’enseignement traditionnel. Finalement sa doctrine du Logos ne dilïère que par certaines imprudences de langage de ce que disaient les apologistes ses prédécesseurs.

Le rôle effacé, pour ne pas dire plus, que joue le Saint-Esprit dans l’œuvre de Lactance, s’explique par les mêmes raisons. Toute théorie du Logos exclusivement cosmologique aboutit de manière fatale à faire négliger la troisième personne de la Trinité. Ce n’est pas que Lactance n’emploie fréquemment le nom d’Esprit Saint, mais toujours ce, mot se rapporte à la seconde personne. Voir les textes signalés plus haut. A côté de cet esprit bon, Lactance ne connaît que l’esprit du mal. Voir plus loin. Saint Jérôme l’avait déjà remarqué : il fait observer de plus que dans le 1. VIII de ses Épîtres l’apologiste identifiait l’Esprit Saint tantôt avec le Père, tantôt avec le Fils : multi per imperitiam Scripturarum, quod et Firmianus in octavo ad Demelrianum epislularum libro facit, adserunt Spiritum Sanctum sœpe patrem sœpe filium nomtnari. In Epist. ad Gal., iv, 6, P. L., t. xxvi. col. 383.

2. L’angélologte. Le dualisme. — Etroitement liée, nous l’avons dit, à la doctrine relative au Logos, la théorie de l’origine du diable est un des points les plus curieux, et aussi des plus répréhensibles, qui se rencontrent en notre apologiste. Nous l’exposerons, en tenant pour établie l’authenticité des passages dualistes. Voir col. 2428. Même si l’on rejetait ceux-ci, on n’arriverait pas à une synthèse sensiblement différente.

Après qu’il a proféré le Verbe, Dieu crée un autre esprit, doué lui aussi de qualités éminentes, mais qui, à l’inverse du Verbe, ne persévéra pas dans l’état où il avait été créé. Deinde fecit alterum in quo indoles divinse stirpis non permansit… ex bono ad malum transcendit, suoque arbitrio… contrarium sibi nomen adscivit. Inst., II, viii, 4, p. 129. Sa faute fut de porter envie au Verbe, son prédécesseur : antecessori suo. C’est ainsi que cet esprit, créé bon. est devenu celui que les grecs appellent le diable, et les latins l’accusateur, car c’est lui qui se charge de dénoncer à Dieu les crimes auxquels il nous entraîne : nos criminatorem vocamus quod crimina in quæ ipse illicit ad Deum déférât. Ibid., 6, p. 130. Le diable est en effet la source de tout le mal moral. Mais aussitôt un problème surgit : comment Dieu souverainement juste et bon a-t-il pu laisser les choses prendre cette tournure ? C’est la question à laquelle répondent les dissertations dualités. Voir plus haut, col. 2)29. Or, dit l’auteur, il faut partir de cette idée qu’il n’y a de inonde moral que là où existe la lutte, la tentation. De même que le monde physique résulte de la synthèse d’éléments contraires, dont la lutte engendre finalement l’harmonie de l’univers, de même le monde de la moralité ne se constitue, peut —on dire, que si deux éléments s’y rencontrent, le bien et le mal, qui luttent ensemble, l’harmonie S’établissant quand le bien a triomphé du mal. Sup primer la présence du mal, c’est supprimer la possl bilité du bien. Mais Dieu ne pouvait créer directement le mal : fus non erat ni u Deo prof ictsceretur malum, p. 131 ; il arrangera néanmoins les choses pour que paraisse une volonté mauvaise, et liés puissante, qui sera dans le monde l’agent de la tentation, et par le lait même le créateur (bien involontaire » de la moralité