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    1. LACTANCE##


LACTANCE, DOCTRINES

avait donné à lire quelques-unes de ces lettres, c’était moins des épîtres que d’assez volumineux traités sur des questions diverses, où le dogme ne tenait qu’une place restreinte. Damase les jugeait longues et ennuyeuses : non libenter lego, quia et plurimm epistulæ cjus usque ad mille spalia versuum tenduntur et raro de noslro do g mate disputant. Voir S. Jérôme, Epist., xxxv, 2, P. L., t. xxii, col. 451. A deux endroits de son commentaire de l’Épître aux Galates, Jérôme mentionne des opinions de Lactance, empruntée aux lettres, l’une anodine sur l’origine du Galatie, l’autre, fort dangereuse, sur les rapports entre le Saint-Esprit et les deux autres personnes de la Trinité. Voir P. L., t. xxvi, col. 353, 373.

Ouvrages attribués à Lactance.

Sous cette rubrique,

nous rangeons certaines œuvres, dont saint Jérôme ne parle pas, et qui sont mises, par certains manuscrits, sous le nom de Lactance.

1. De ave phœnice. — Ce poème, en 85 distiques élégiaques, raconte la légende du phénix, de son existence fortunée dans les régions paradisiaques de l’Orient, de sa venue dans notre triste monde occidental, de sa mort sur le bûcher odoriférant qu’il s’est lui-même préparc, de sa résurrection et de son retour vers les pays de son origine. Texte dans Brandt, t. na, p. 135 sq. Bien que cela ait été contesté, l’inspiration chrétienne de ce poème n’est pas discutable. Déjà Clément de Rome rapportait la légende du phénix, et y voyait une image et, si l’on ose dire, une garantie de la résurrection, / Cor., xxv ; il n’y aurait rien d’étonnant que l’auteur du poème ait utilisé le texte de Clément, soit dans l’original grec, soit dans la traduction latine qui pouvait déjà circuler à ce moment dans les milieux chrétiens. En tout cas le De ave phœnice suit très étroitement le texte de Clément. Sur trois manuscrits que l’on en possède, deux attribuent le poème à Lactance ; par ailleurs Grégoire de Tours, dans son De cursu stellarum rapporte la légende du phénix en se référant nommément à cet auteur. Cf. Mon. Germ. hist., Script, rerum merov., t. la, p. 861. Un grammairien anonyme du haut Moyen Age cite le poème sous le nom de Lactance. Cf. H. Heil, Grammatici latini, t. vb, p. 577, 1. 14 ; p. 580, 1. 23 et 29 ; p. 581, 1. 12 ; p. 583, 1. 32 ; p. 586, 1. 23 etc., et sans nommer le De phœnice, Alcuin signale Lactance comme un des poètes chrétiens de l’antiquité. Versus de sanctis Eboriccnsis Ecclesiæ, v. 1552, dans Monum. Germ. hist., Poetæ latini œvi carolini, t. i, p. 204. Par ailleurs rien dans le poème ne s’oppose à l’attribution fournie par les manuscrits, La latinité très classique du morceau, le développement de la pensée, les idées essentielles sont d’accord avec ce que nous trouvons dans Lactance. Sans doute le coloris mythologique du poème détonne quelque peu avec le reste de l’œuvre du rhéteur, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il était imposé par les lois mêmes du genre. Encore est-il assez discret ; on ne trouve pas dans ce joli morceau la violente opposition entre les idées chrétiennes et la mythologie païenne qui dépare tant d’œuvres poétiques de l’antiquité ou de la Renaissance.

2. De resurreclionc ou De pascha.

Ce court morceau de 55 distiques, qui est attribué à Lactance par une vingtaine de manuscrits, tous récents, n’a aucun droit de figurer parmi les œuvres de notre auteur. Il est à restituer à Vénantius Fortunatus. Incipit : Tempora florigero rutilant distincla sereno, dans Mon. Germ. hislor., Anct. antiquissimi, t. iv, p. 59.

3. De passione Domini.

Cette plainte où le cruci fié, s’adressant au pécheur, l’engage à méditer sur les souffrances de la passion : respice me, me conde animo, me pectore serva, a été considérée par Brandt, qui n’en avait pas trouvé de manuscrit et l’avait publiée d’après les éditions du xvie siècle, comme un faux,

ou un pastiche de l’époque de la Renaissance. Depuis, Mgr Mercati a fait connaître un manuscrit de la Bibl. délia Classe de Ravenne, n. 297, qui donne le texte sous le nom de Lactance. Le manuscrit, il est vrai, est récent, mais la main du xve siècle a écrit : Lactuntii Firmiani carmen de passione Domini quod in vetustis exemplaribus invention est. Voir Theolog. Revue, 1904, t. iii, col. 29. J. Denk est revenu sur la question dans la même revue, 1906, t. v, col. 382. Par ailleurs un manuscrit de Pérouse, n. 6ô7, du xve siècle, donne le poème sous le nom de Cyprien (il s’agit vraisemblablement de l’auteur de l’Heplateuchos). On voit que l’attribution à Lactance reste tout à fait douteuse, pour ne pas dire improbable, mais l’idée de Brandt, qui fait de cette œuvre un pastiche du temps de l’humanisme, doit être abandonnée.

III. Doctrines.

Les théologiens de profession sont, en général, sévères pour Lactance. Ils ont fait de lui, sans y regarder de plus près, une sorte d’humaniste chrétien, sans originalité et sans profondeur, d’universitaire venu aux questions religieuses sans préparation antérieure et sans connaissances suffisantes, d’homme de lettres égaré dans la théologie. Il y a du vrai dans ces jugements peu flatteurs. Mais si l’on veut porter sur l’œuvre du professeur de Nicomédie une appréciation équitable, il convient de ne pas oublier l’époque à laquelle l’ensemble de son œuvre a vu le jour. Lactance ignore la théologie, certes, mais pour une bonne raison : c’est qu’à son époque la théologie, du moins en langue latine, n’existait guère et qu’il a été le premier des latins à essayer une synthèse où entrassent les principaux enseignements de la foi chrétienne. Avant lui on ne voit guère qu’Origène, pour avoir tenté, et d’ailleurs avec l’insuccès que l’on sait, d’incorporer en un ensemble les données éparses de la dogmatique. Tertullien, à qui l’on compare volontiers Lactance quand on veut déprécier l’œuvre du second, a fourni certes des précisions nombreuses sur le dogme chrétien, son influence a été beaucoup plus considérable ; sur nombre de points il a donné des formules qui sont restées : mais la théologie de Tertullien est éparse dans vingt ouvrages où il faut la démêler au milieu d’un effroyable amas d’affirmations disparates. Avant de juger Lactance trop sévèrement, n’oublions pas qu’il a écrit pr< s d un siècle avant Augustin, qu’il est antérieur même au concile de Nicée, qu’inévitablement sa pensée porte la marque de ses origines. — Nous étudierons successivement l’idée générale de l’apologétique de Lactance, puis divers points sa doctrine qui méritent d’être signalés.

1° L’apologétique de Lactance. — Son grand mérite est d’avoir tenté à l’usage du grand public, étranger au christianisme, hostile peut-être à la nouvelle religion, une synthèse compréhensive des éléments principaux de la foi chrétienne. Qui se m attrait à l’école de Lactance aurait de l’ensemble de la religion enseignée par l’Église une connaissance, superficielle il est vrai, mais non point méprisable, ni tellement inexacte, sauf les points de détail que nous aurons à signaler. Il lui resterait à demander à la catéchèse ecclésiastique l’initiation plus approfondie, principalement en ce qui concerne les sacrements, dont un seul, le baptême, est clairement indiqué, mais, au vrai, il aurait ét6 conduit jusqu’à la porte même du sanctuaire, il n’aurait plus qu’à se faire inscrire parmi ceux qui demandent leur entrée définitive dans l’Église. Pour juger équitablement l’oeuvre de Lactance, il faut donc tenir compte, du public auquel il s’adresse, du point où il veut amener ses auditeurs. On ne demande pas à un traité d’apologétique d’exposer l’ensemble de la théologie, la Summa contre gentes, n’est pas la Summa theologica.