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    1. LACTANCE##


LACTANCE, ŒUVRES

Maximien sont forcés d’abdiquer, et le second sera contraint par Constantin à se donner la mort ; Galère, atteint par une effroyable maladie, en viendra à reconnaître, mais trop tard, le Dieu des chrétiens, ce qui ne l’empêchera pas d’expirer dans d’atroces souffrances ; la fille de Dioclétien, Valéria, qui est devenue la femme de Galère, est englobée dans la même malédiction ; quant à Maximin Daïa, serré de près par l.icinius, il n’aura d’autre ressource que de s’empoisonner pour ne pas tomber aux mains de son vainqueur : sa femme, « es fils, race maudite, seront massacrés à leur tour, et dans ce même fleuve de l’Oronte, où, si souvent, elle avait fait noyer de chastes matrones, l’épouse du tyran est elle-même précipitée : sic omnes impii vero et justo judieio Dei eadem qux fecerant recepenint. i-, 7, p. 236. Sur ce cri de triomphe, presque sauvage, se ferme le livre.

C’est donc une thèse que l’auteur défend, et il ne s’en cache pas. M. Pichon ajoute : c’est un pamphlet qu’il compose, et le mot est exact, en ce sens que l’auteur utilise à l’appui de sa thèse tous les événements qu’il rencontre, en les prenant toujours dans le sens le plus défavorable pour les personnages qu’il veut disqualifier. Que valent ses dires ? Ils sont exacts dans l’ensemble ; là où le contrôle est possible, il est difficile de prendre le pamphlétaire en flagrant délit d’inexactitude. Il semble bien d’ailleurs que de plusieurs des événements rapportés il ait été témoin oculaire. Le récit de la destruction à Nicomédie de l’église chrétienne, de l’affichage du premier édit persécuteur, c. xii, et xiii, p. 186 sq., est d’un homme qui a vu : il est très possible aussi (bien que ceci ne paraisse pas aussi évident) que cet homme ait été à Nicomédie durant les années 311-313, et que l’histoire qu’il donne des événements de cette époque repose sur une connaissance toute personnelle. Ainsi le De mortibus est une source précieuse pour l’histoire de la dernière persécution et des contre-coups politiques de tout genre qu’elle a produits. Cela ne veut pas dire qu’il faille en accepter, les yeux fermés, toutes les affirmations : le fait même que l’auteur soutient, et avec quelle acrimonie, une thèse violente doit mettre l’historien sur ses gardes.

Quoi qu’il en soit de la valeur du livre, un des plus originaux à coup sûr, de toute l’ancienne littérature chrétienne, la question d’auteur se pose. Baluze, dès la découverte du traité, n’hésita pas à l’attribuer à Lactance et à l’identifier avec le Liber de perseculione signalé par saint Jérôme. Il s’appuyait pour le faire sur le nom de Lucius Ceecilius qui se lisait en tête du manuscrit et qui est bien (nous le savons aujourd’hui mieux encore que Baluze, voir col. 2125) la première partie du nom complet de Lactance : l’opuscule est dédié à ce même Donat confesseur de la foi, à qui Lactance avait adressé le De ira Dei ; son auteur a habité Nicomédie, comme Lactance ; enfin, et ceci achève d’emporter la pièce, la contexture même du pamphlet est bien celle des œuvres authentiques du rhéteur africain : langue, style, grammaire se correspondent, il n’est pas jusqu’à l’innocente manie de citer, là même où il n’ont que faire, Virgile et les Sibylles qui ne se retrouve de part et d’autre. Cf. De mort., n, 8, p. 175. Telle est l’argumentation de Baluze, telle est encore dans ses grandes lignes, celle des critiques, et ils sont nombreux, qui se sont rangés à la suite de l’illustre maître. Il faut croire néanmoins que cette thèse se solde par un reliquat d’inévidence, puisque, dès le début, dom Le Nourry se défendait vivement de s’y rallier, puisque de nombreux auteurs ont suivi le célèbre bénédictin, puisque, depuis le xviie siècle, les démonstrations renouvelées de l’origine lad antienne ont suscité des parades adverses qui ont rendu nécessaires de nouvelles argumentations,

Nous n’avons pas à faire ici l’histoire de ce conflit ; on en trouvera les éléments dans le 4e mémoire de S. Brandt sur Lactance, une rapide description dan, Schanz, loc. cit., § 763, enfin dans R. Pichon, p. 330 sq. Les adversaires de l’origine lactantienne se fondent essentiellement sur la grande différence d’esprit qui se remarque entre le De mortibus et l’œuvre authentique de Lactance. D’un côté une passion presque aveugle, un fanatisme incroyable, de l’autre, au contaire, une éloquence un peu compassée, l’attitude toujours digne et calme, un peu pontifiante, d’un régent d’école. Le contraste est, à coup sûr, frappant, encore qu’il soit peut-être moins régulier qu’on ne l’a prétendu. Les partisans de l’authenticité l’expli quent sans trop de peine par la différence des sujets traités ; ils font remarquer avec beaucoup de raison que l’amorce de la thèse du De mortibus se trouve déjà dans le De ira Dei, que certaines pages des Institutions où il est parlé des persécuteurs laissent percer une sourde colère, dont on comprend très bien qu’elle éclate dans le De mortibus.

Il nous semble que ces réponses sont justes, et que, d’une manière générale, les arguments favorables à l’authenticité emportent la conviction ; en particulier le témoignage du manuscrit attribuant à un Lucia^ Cœcilius l’écrit sur la persécution se trouve singulièrement corroboré du fait que nous sommes assurés aujourd’hui que le nomen de Lactance était bien Csecilius et non pas Cœlius, comme on l’a prétendu longtemps. Il est vrai que depuis la démonstration si brillante de l’authenticité qu’avait faite M. Pichon, démonstration qui avait conquis M. Brandt resté jusque-là réfractaire, on a tenté par une autre voie de contester à Lactance la paternité du De mortibus. L’analyse littéraire du pamphlet aurait révélé à M. H. Silomon que l’auteur aurait utilisé, pour son exposé des événements, une histoire des empereurs préexistante et aussi la fameuse Vita Constantin i attribuée à Eusèbe. Voir Hermès, Zeilschrift fiir klassische Philologie, 1912, t. xlvii, p. 250-275. C’est bien vite dit ; il y a longtemps que l’on avait remarqué les ressemblances entre Eusèbe et le De mortibus, voir l’Index de Brandt, t. ub, p. 270 ; elles s’expliquent au mieux par le fait que l’évêque de Césarée aurait utilisé l’œuvre du rhéteur de Nicomédie. Celte supposition, à coup sûr est tout aussi simple que l’hypothèse compliquée présentée par M. Silomon Il reste donc que, dans l’état actuel de la recherche, l’origine lactantienne du De mortibus paraît infiniment vraisemblable.

Ouvrages perdus.

Us se répartissent assez naturellement

en deux groupes : les traités et les lettres.

1. Les traités.

Saint Jérôme mentionne un Symposium dont nous ne pouvons rien dire ; un Hodceporicum où Lactance contait, en vers hexamètres, sou voyage d’Afrique à Nicomédie ; un Grammaticus, dont le titre indique suffisamment le contenu, enfin deux livres adressés à un certain Asclepiade, Ad Asclepiadem libri duo. Ce personnage est certainement celui dont il est question Inst., VII, IV, 17, p. 595, et (pu avait dédié à Lactance un traité sur la Providence Sauf le dernier, les autres ouvrages mentionnés datent sans doute, de l’époque où l’auteur était encore païen.

2. Les lettres.

A en juger par un mot de saint Jérôme, In Epist. ad Gal., iv, G, P. L., t. xxvi, col. 373, il semble que, de bonne heure, les nombreuses lettres de Lactance aient été réunies en un corpus divisé en huit livres : quatre livres de lettres adressées à un certain Probus, deux de la correspondance avec Sévérus, deux enfin de lettres écrites par Lactance’ce même Démétrianus à qui est dédié le De opifteio. S’il faut en croire le pape Damase, à qui saint Jérôme