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    1. JOSEPH (SAINT##


JOSEPH (SAINT, . SA MISSION

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la naissance du Verbe, mis au monde par une vierge mère, n’aurait pas manqué d’attirer l’attention et de susciter l’étonnement, si Dieu n’en avait pas, avant tout, marqué expressément le caractère profondément moral. Il aurait pu pourvoir à celle nécessité par des voies extraordinaires. Mais < il convient à son infinie sagesse d’employer les moyens les plus simples et les plus suaves avant d’en venir aux coups de force ; et c’était là tout particulièrement ce que demandait l’ordre de ses desseins sur son Fils… En révélant la virginité de Marie, il aurait manifesté prématurément la grandeur de Jésus. Que fallait-il donc pour atteindre à la fois cette triple fin : l’obscurité pour Jésus, une réputation sans tache pour sa mère : une assistance dévouée pour l’un et pour l’autre ? Le voile d’un pur et saint mariage, l’union d’un époux vierge avec une mère vierge. » Terrien, La Mère de Dieu, Paris, 1902, t. ii, p. 182-183. Le ministère de saint Joseph nous apparaît donc nécessaire à l’endroit du mystère même de l’incarnation, en ce qu’il fut requis pour permettre au Christ de naître et de mener une vie tout d’abord cachée, selon les desseins de la Providence, sans que fussent blessées l’honnêteté et la décence. Couvrir par son mariage avec la Vierge la virginité féconde de la Mère de Dieu, l’enfance du Sauveur, le secret du mystère de l’incarnation, tel est le triple objet de. la mission de saint’Joseph.

Mission par rapport à la virginité de Marie.


Le premier objet de la mission de saint Joseph a été de préserver la virginité de Marie en contractant avec la future mère de Dieu un mariage véritable. Qu’il y ait eu, entre Marie et le juste Joseph, un véritable mariage, le texte évangélique l’affirme si nettement qu’il n’est pas possible de le révoquer en doute. Cf. Matth., i, 18 ; Luc., i, 27 ; ii, 5. Saint Thomas relève les convenances de ce mariage : aucun soupçon ne devait effleurer, si légèrement que ce fût, l’honneur du fils et celui de la mère ; si jamais cet honneur était en cause, Joseph, le témoin le plus autorisé, le moins suspect, serait là pour en attester l’intégrité ; enfin Jésus et Marie trouvaient en Joseph aide à leur faiblesse. Sum. theol., III a, q. xxix, a. 2. Le vœu de virginité n’a pas été, en Marie, comme aussi sans doute en Joseph, un obstacle à la validité et même à la licéité de leur mariage. Cf. S. Augustin, De cons. Evang., t. II, c. i, P. L., t. xxxiv, col. 1071-1072 ; Benoît XIV, Dette leste di Gesù Cristoe delta beala vergine Maria, Venise, 1792, p. 212-215. Les théologiens l’expliquent en enseignant que l’usage du mariage n’est pas de l’intégrité première et n’entre pas directement dans l’objet du contrat. Cf. Billot, De sacrarnentis, t. ii, th. xxxv. Ce fut précisément le caractère céleste du mariage de saint Joseph et de la sainte Vierge d’avoir eu pour objet le don mutuel de leur corps pour en garder la virginité. Et néanmoins, le bien propre du mariage, y compris l’enfant, fruit de l’union de l’homme et de la femme, n’a pas fait défaut à ce mariage sans exemple. Après avoir montré l’existence du contrat et de l’amour conjugal le plus ardent quoique le plus pur dans le mariage de Joseph et de Marie, Bossuet, s’exprime ainsi : « Ce béni enfant est sorti, en quelque manière, de l’union virginale de ces deux époux… N’avons-nous pas dit que c’est la virginité de Marie qui a attiré Jésus-Christ du ciel ?… Ne peut-on pas dire que c’est sa pureté qui la rend féconde ? Que si c’est sa pureté qui la rend féconde, je ne craindrai plus d’assurer que Joseph a sa part à ce grand miracle. Car si cette pureté angélique est le bien de la divine Marie, elle est le dépôt du Juste Joseph. » Premier panégyrique de Saint-Joseph, 1° point.

Et c’est en connaissance de cause que Joseph a couvert ainsi aux yeux des hommes, par un saint el

honorable mariage, la virginité de son épouse et sa maternité divine Le texte même de saint Matthieu semble indiquer, en effet, que Joseph n’a conclu son mariage avec la Vierge qu’après que se fût manifestée la grossesse de sa fiancée. Voir sur ce point Fillion, Vie de X.-S. Jésus-Christ, Paris, 1922, t. i, p. 256-264 et M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 8 sq. Les fiançailles juives, au temps de saint Joseph, comportaient déjà un véritable droit du « mari » sur sa fiancée, bien que le mariage ne fût tout à fait conclu que lorsque la fiancée venait définitivement s’installer au domicile de l’époux. Voir Fiançailles, t. v, col. 2269. Cette coutume explique parfaitement le sens de Matth., i, 18. Les versets suivants ne nous permettent pas de conclure que Joseph ait soupçonné Marie de faute. Sans doute, Joseph n’est pas encore averti du mystère de l’incarnation, mais, connaissant la pureté de Marie, il soupçonne le surnaturel et, quel que soit le calcul qui préside à sa détermination, il prend la résolution très ferme de ne pas la renvoyer publiquement, mais de se retirer, laissant à Dieu le soin d’arranger l’affaire. Cette interprétation n’est pas l’interprétation ordinaire ; mais c’est la seule qui tienne exactement compte du cum esset justus. Sur cette interprétation, voir Lagrange, op. cit., p. 13-14. Sur les autres interprétations du doute de saint Joseph, voir Ch. Pesch, De Yerbo incarnalo, p. 611.

Mission par rapport à l’enfant Jésus.

L’enfance

de Jésus fut le second dépôt confié à la fidélité de Joseph. Mais à quel titre Jésus lui fut-il confié ? Il faut se souvenir que l’éducation de l’enfant est la fin très spéciale du mariage. Or, dans le mariage de saint Joseph et de la sainte Vierge, l’enfant Jésus fut le fruit de l’union virginale des deux chastes époux, non seulement parce qu’il fut le fruit de la virginité de Marie qui était le dépôt et le bien de saint Joseph, mais encore parce que l’union de Joseph et de Marie était, dans les desseins de Dieu, ordonnée à l’éducation de l’Homme-Dieu. Ce n’est pas assez dire que saint Joseph fut le père putatif, ou le père adoplif, ou le père nourricier de l’enfant Jésus. Ces appellations, que nous trouvons sans doute sous la plume de plusieurs Pères de l’Église, ne répondent en réalité qu’à une vérité incomplète. Tout ce qui appartient au père, hormis l’acte propre du mariage, appartint à Joseph par rapport à l’enfant Jésus. C’est la doctrine de saint Jean Chrysostome, In Matth., homél. iv, n. 6, P. G., t. lvii, col. 47, magnifiquement développée par Bossuet, Panégyrique cité, 2e point. Le développement de Bossuet se trouve déjà en raccourci dans saint Thomas d’Aquin, expliquant comment, par une disposition spéciale de la Providence, le bien du mariage entre Joseph et Marie fut vraiment l’enfant Jésus : « L’enfant n’est pas appelé le bien du mariage seulement en tant que, par le mariage, il est mis au monde, mais encore en tant que le mariage est spécialement ordonné à sa naissance et à son éducation. Ainsi Jésus fut le fruit du mariage de Joseph et de Marie, non de la première façon, mais de la seconde. Et cependant, un enfant né d’adultère, et même un enfant adopté, ne saurait être appelé le fruit du mariage, de ses parents (supposés ou adoptifs), car, en ce cas, ce mariage n’est pas ordonné par la nature à l’éducation de ces enfants, tandis que le mariage de Joseph et de Marie fut ordonné par Dieu tout spécialement à la naissance et à l’éducation de Jésus. » In IV Sent., I. IV, dist. XXX, q. ii, a. 2, ad 4um. Cf. Terrien, La Mère de Dieu, t. ii p. 187-188, note.

Comme la paternité de Joseph est une exception el, partant, échappe à toute classification possible) il est malaisé de lui donner un nom qui lui convienne parfaitement ; il est plus facile, affirme le cardinal Billot.