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LACTANCE, ŒUVRES


Platon. Les objections faites par les épicuriens à l’idée de la Providence ont été fournies surtout par Lucrèce. Bien qu’un peu superficielle, l’argumentation est habilement conduite, cpielquefois déparée cepensant par îles naïvetés qui font sourire ; dès que l’on entreprend d’exposer la preuve par la finalité, on risque de tomber dans la manière de Bernardin de Saint-Pierre. La question de l’authenticité de xix, 8, qui renferme une doctrine dualiste curieuse, sera examinée ultérieurement avec celle des passages analogues des Institutions.

2. Institutiones divinæ.

A cet ouvrage, dont la composition l’occupa pendant plusieurs années, Lactance songeait déjà quand il écrivait le De opificio. Voir ce traité, vi, 15 ; xv, 6 : xx, t. ii, p. 24, 51, 63. Dès ce moment il promettait à Démétrianus une réfutation en règle des erreurs courantes sur la divinité, et certainement rassemblait les matériaux d’un traité considérable. Une campagne littéraire contre les chrétiens, entreprise parallèlement à la persécution violente par un philosophe païen qu’il est dilficile d’identifier et par le gouverneur de Bithynie, Hiéroclès, décida le professeur chrétien de Nicomédie à riposter à ces attaques par une œuvre sérieuse, prenant la question religieuse dans tout son ensemble, s’adressant au public cultivé et lui exposant, comme dit Lactance, doctrinx tolius substantiam. L’ouvrage qui comprend sept livres, fut certainement commencé à Nicomédie ; il porte à maint endroit, et spécialement au 1. V (voir xi, 15 ; xiii tout entier ; xix, 1, 11, 23, p. 435, 439, 461), la preuve qu’il a été composé en pleine persécution, et Lactance rappelle la fureur des bourreaux et la patience des martyrs en des termes qui ne peuvent guère provenir cjue d’un témoin oculaire. Si, comme nous le pensons, les dédicaces à Constantin qui se lisent en tête du t. I, i, 12, p. 4, et à la fin du dernier livre, t. VII, xxvii, 2, p. 608, sont réellement authentiques, il faudrait en conclure que les Institutions ont été terminées dans un pays soumis à la domination de cet empereur et jouissant de la paix religieuse, après les premiers triomphes politiques de Constantin et l’édit de Milan, 313.

Iliéroclès et son comparse avaient mené contre les fondements mêmes de la foi chrétienne, c’est-à-dire contre les Saintes Ecritures, une attaque très vive. Comme l’avait fait jadis Celse, comme le faisait au même temps Porphyre, ils avaient insisté sur les difficultés de tout genre que soulève l’interprétation de la Bible. Au lieu de se perdre en des réponses de détail, ou de se jeter dans une étude de l’ficriture à laquelle il était mal préparé, Lactance passe résolument à l’offensive. La première partie de son ouvrage, 1. Il II, sera une attaque à fond contre les deux conceptions religieuses que l’on veut opposer au christianisme : le polythéisme populaire, la philosophie des prétendus sages. Les quatre derniers livres établiront au contraire comment la religion chrétienne est à la fois la vraie sagesse et le vraie religion, 1. IV ; comment elle seule peut enseigner la véritable justice, t. V, et offrir a la divinité le culte véritable, 1. VI ; comment elle seule peut conduire à la vie bienheureuse, objet de tant d’inutiles spéculations philosophiques, et dont les enseignements eschatologiques du christianisme nous garantissent la possession, 1. VII.

I.a critique des fausses conceptions religieuses, polythéisme et philosophie, ne présenterait rien que

l’on ne retrouve dans tous les apologistes antérieurs, s’il ne fallait tenir compte du I. II, où l’auteur, qui dans le I. 1 a poursuivi de ses sarcasmes le polythéisme populaire, se livre à une enquête approfondie

mir les origines mêmes de cette erreur. De origine errons. Résolument partisan de la doctrine éphémé

fiste. qui volt dans les dieux du paganisme classique

des grands hommes divinisés après leur mort poulies services qu’ils ont rendus à l’humanité, Lactance ne peut s’empêcher de reconnaître que les prodiges merveilleux accomplis dans les sanctuaires païens, que les oracles rendus par les dieux et dont beaucoup se sont réalisés, ont singulièrement contribué à ancrer dans les esprits la croyance à la mythologie. Cf. II, vu, 7 sq., p. 125. Il ne songe pas à contester l’existence de ces prodiges, ni à en rabattre l’importance. 11 préfère les attribuer à des interventions démoniaques et part de là pour établir toute une démonologie sur laquelle nous devrons revenir. Quant à la critique de la philosophie, elle se fonde sur l’impuissance où se trouve cette discipline de donner satisfaction aux désirs de l’homme ; ni l’esprit ni le cœur n’y trouvant leur compte, il faut chercher ailleurs et la paix de l’âme et la certitude de l’intelligence.

Pour être plus fouillée que la pars destruens, la seconde partie des Institutions, la pars construens, n’est guère plus neuve. La seule chose qu’il faille remarquer, au t. IV, où l’auteur entreprend de faire proprement la démonstration chrétienne, c’est la place considérable accordée à l’argument prophétique. Ce thème avait déjà été largement exploité par les anciens apologistes. Ce qui est nouveau, c’est la place considérable faite ici aux prophéties apocryphes d’Hermès trismégiste et des Livres sibyllins, au détriment des oracles de l’Ancien Testament. Ces derniers sont à peine indiqués ; à dessein l’auteur les laisse dans l’ombre, sans doute parce qu’il les connaît mal ; il ne connaît guère en effet l’Écriture que par le recueil de Testimonial compilé par saint Cyprien. 11 s’imagine, d’ailleurs, avec un peu de naïveté, que le public lettré auquel il s’adresse trouvera davantage son compte dans les prétendus oracles des Livres sibyllins et hermétiques. Issues d’un milieu païen (Lactance le croit et veut le faire croire), ces prophéties, si admirablement réalisées dans le Christ, devront engendrer, ce semble, une conviction plus robuste chez les lecteurs. Il est à peine utile de rappeler que tous ces oracles si clairs sont le fruit d’une fiction littéraire qui n’a même pas le mérite de la vraisemblance. Les livres V et VI qui déduisent la nature de la véritable justice fondée sur la reconnaissance de l’égalité foncière de tous les hommes devant Dieu, et les caractères du véritable culte dû à Dieu, lequel est l’expression de la vraie justice, apportent, à défaut d’idées très neuves, une argumentation synthétique qui n’est pas sans intérêt. Le dernier livre, De vita beata, ne serait pas non plus spécialement remarquable si, par un archaïsme qui surprend à cette date, il ne faisait une part considérable aux chimères du millénarisme. Si les passages classiques de l’Apocalypse en fournissent les premiers linéaments, c’est surtout aux Livres sibyllins que Lactance a demandé les traits dont il a étoile ses descriptions. Plus encore que dans le livre IV, cette littérature de mauvais aloi est abondamment utilisée.

Comme le De opificio Dei, les Institutions présentent un certain nombre de passages dont l’appartenance à l’œuvre primitive n’est pas également attestée par la tradition manuscrite et qui ont donné lieu à d’assez vives discussions. S’il ne sttgissait que des dédicaces constantiniennes I, i, 12, et Vil, xxvii, 2, p. 4 et 668), la question serait après tout secondaire et n’intéresserait que les philologues. Il n’en va pas tout à fait de même pour des passades oïl s’exprime une doctrine dualiste si fortement accusée, que l’on

pourrait songer à une Influence du manichéisme. Ces passades dualistes (pour employer une expression devenue courante) se trouvent : Inst. din., II, vtn, 7, ]>. [30 ; VII, v. 27, p. 602 et De opif., xix, 8, t. ii, p. 61 62, Les deux premiers ont environ deux pages,