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    1. LACORDAIRE##


LACORDAIRE, OUVRAGES ET ÉCRITS DIVERS

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ne conviendrait pas d’exagérer celui-ci. Lacordairc a adopté, nous le savons, tous les matériaux de l’apologétique traditionnelle ; il lui a donné seulement un plan nouveau et une méthode originale et personnelle. Fortement appuyée sur l’enseignement de l’Église, sur les grandes idées rationnelles empruntées pour une grande part à la doctrine thomiste, sur les faits religieux de l’histoire, sur l’expérience morale et sociale de l’humanité, cette apologétique demeure entièrement valable dans son cadre général et dans ses développements particuliers. Quelques-uns de ceux-ci peuvent bien ne plus répondre de tous points aux exigences de la critique exégétique, historique et philosophique ; mais, dans l’ensemble, les conclusions restent stables ; elles demandent non à être remplacées, mais fortifiées. V. Doctrine spirituelle.

—L’idée foncière de l’enseignement apologétique de Lacordaire c’est, disions-nous plus haut, le caractère essentiellement surnaturel du catholicisme Dans ses lettres de direction et dans son abondante correspondance (qui est loin d’être entièrement publiée) se trouve affirmé ce même principe, appliqué, cette fois, à la vie spirituelle. Le point de départ de celle-ci, c’est la foi, dont la lumière intérieure est surnaturelle. La foi n’exerce sa vitalité et son rayonnement sur la conduite que par la charité ou l’amour de Dieu. De la foi rendue vivante par la charité, Lacordaire passe immédiatement à la vie vertueuse et ascétique. Il ne semble pas avoir soupçonné tout le rôle des dons du Saint-Esprit dans l’exercice de la contemplation mystique. Il définit la vie surnaturelle (5e conf. de Toulouse) un « principe surnaturel de vision et d’inrpulsion » ; mais, aussitôt il concrétise la connaissance surnaturelle de Dieu, ici-bas, avant la vision béatifique, dans la connaissance de Jésus-Christ, « objet constant et lucide de la vision du chrétien ». Tel est. partout affirmé, dans la correspondance de Lacordaire, le thème de la contemplation : union vive de la méditation de l’esprit et de l’amour du cœur à Jésus-Christ, pour qu’il devienne le modèle de nos vertus, et surtout à Jésus crucifié, pour qu’il devienne le modèle de notre ascétisme.

La vie surnaturelle a donc sa source dans la charité surnaturelle, dans un amour premier fixé sur Dieu, et sur le Christ rédempteur. Mais ce don de la vie surnaturelle, entretenue par la charité et la foi vive, est la récompense de vertus austères. C’est à la pénitence qu’il faut demander le secret de détacher son cœur de la vanité de ce inonde et de le vouer au divin amour. Il n’y a que deux grandes routes ouvertes ici-bas, celle de la jouissance par l’orgueil et la volupté, celle de la souffrance par l’humilité et l’affliction. L’homme est porté vers la première par l’esprit du monde et le sens naturel, il est porté vers la seconde par l’Esprit de Dieu et le sens surnaturel. Cet esprit de pénitence devra se marquer d’abord par la résignation surnaturelle aux épreuves de la vie. En nous rappelant nos péchés si nombreux et si mal punis, nous comprendrons que notre souffrance en est une pénitence bien légère ; nous nous représenterons celle de Jésus-Christ et nous verrons combien nous sommes loin d’en avoir pris et reçu notre part. La résignation chrétienne aux afflictions qui s’imposent à nous, malgré nous, doit se compléter par la mortification volontaire. Constamment le P. Lacordaire revient sur cette idée : celui qui aime Jésus-Christ et veut lui donner des preuves de sa fidélité doit prendre le goût de la pénitence. Et celle-ci doit être envisagée non pas comme un moyen rare et insolite, mais comme une règle coutumière et normale de la vie chrétienne. A toutes les pages de ses lettres de direction, le P. Lacordaire célèbre l’obligation et les joies de l’amour pénitent. Il voit, dans la mortification, la « chaste mère de toutes les vertus et de toutes les délices ».

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

La vie d’union à Dieu comporte donc ces élans vifs de l’âme vers Dieu et vers Jésus-Christ crucifié ; mais elle consiste encore dans la sanctification des tâches journalières. Travailler, se vaincre, se donner aux autres, avoir Dieu présent dans toutes ses actions : c’est là la vraie vie. Celle-ci est entretenue par la prière, par l’oraison et la méditation. Lacordaire insiste sur la régularité des pratiques religieuses propres à garder l’âme en union avec Dieu : prier chaque jour, avtec effusion, au pied du crucifix ; lire quotidiennement une ou deux pages de l’Évangile ou des Saintes Lettres, faire l’aumône aux pauvres ; chercher toute occasion de faire quelque bien positif. Il estime que le calme et la paix doivent être les fruits de cette vie sanctifiée. Il proscrit comme contraire à l’esprit chrétien la mélancolie, la tristesse vague et égoïste, l’inquiétude excessive à propos des événements qui viennent contredire nos desseins et nos espérances. L’abandon spontané aux directions de la Providence prouve le retour de notre cœur vers Dieu. la confiance filiale de notre charité.

Lacordaire eut, durant toute sa vie, une prédilection spéciale pour les jeunes gens et l’on sait que, durant les sept années qui précédèrent sa mort, il fut directeur du collège de Sorèze, dont il réforma le programme d’études et renouvela l’esprit. Il y aurait là, sur les idées pédagogiques de Lacordaire, un très attachant problème, qu’il nous est impossible de suivre ici. Relevons seulement quelques traits caractéristiques de sa direction des jeunes gens. Il pratiquait une attitude d’optimisme confiant devant l’âme du jeune homme que travaille la grâce de Dieu. Grandir en maîtrisant, faire appel aux énergies latentes, à la promptitude du cœur ; faire naître des spontanéités ; produire des âmes vivantes dont les vertus seront le fruit de l’effort personnel, du besoin senti, voulu, aimé ; développer en élargissant au lieu de restreindre en comprimant ; rendre le devoir attirant et libérateur au lieu de le faire paraître ennuyeux et tyrannique : s’attacher aux espérances plutôt qu’aux pressentiments funestes ; « panser les plaies au lieu de les envenimer : « découvrir le point d’appui pour Dieu » ; démêler dans le cœur « par quels nœuds le mal s’enchaîne au bien ; accueillir tout ce qui peut y éclore de bonté naturelle pour le purifier et le faire servir à un idéal supérieur : telle fut la méthode de direction suivie à l’égard des jeunes gens par Lacordaire. De ses lettres, ressort ce portrait du jeune homme tel qu’il le voulait : chrétien de race, chez qui l’amour de Jésus-Christ crucifié n’est pas une formule, mais un exigeant attrait, chrétien que le goût de la pénitence rend victorieux dans la lutte contre la sensualité ; mais, en même temps et par le fait de cette conviction chrétienne et de cette austérité morale, homme complet, énergique de caractère, sensible à l’honneur et à la dignité ; fier de sa liberté devenue maîtrise de volonté ; homme d initiative, de cœur large, accessible à l’amitié, récompense et auxiliaire de vertu ; actif et sérieux au travail, avide de ne point gaspiller sa jeunesse, mais de l’employer aux grands devoirs de la vie.

VI. Ouvrages et écrits iivers.

Dans l’œuvre littéraire de Lacordaire, on rencontre deux ouvrages spécialement historiques : le Mémoire pour le rétablissement en Frame de Verdie des frères prêcheurs et la Vie de suint Dominique. La composition et la publication de ces deux volumes étaient commandées par le dessein que poursuivait le restaurateur de l’ordre de saint Dominique en France et, par ce côté, ces deux écrits font corps avec son entreprise : ils ont été l’annonce publique de ses projets et un appel de collaboration. Rien ne semblait particulièrement avoir préparé Lacordaire à un travail historique. Cependant,

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