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2413 LACORDAIRE, CONFÉRENCES DE N.-D. DE PARIS ET DE TOULOUSE 2414

uccédant à la déification de la raison (63e)- — La faute d’Adam n’a pas atteint que sa personnalité ; elle s’est transmise. La question de l’origine du mal moral ne se résout ni en le niant, ni en le diminuant, ni en l’attribuant à un principe mauvais : la doctrine catholique seule indique la solution véritable (64e). — Quant à la question de la transmission du péché originel, deux mots désignant, l’un, la transmission matérielle, l’autre, la transmission morale, disent tout : hérédité, solidarité (65e). — Mais la bonté de Dieu n’a pas voulu laisser l’homme dans sa déchéance et la justice de Dieu ne pouvait le réhabiliter sans réparation : celle-ci, c’est la mort, et non pas seulement la mort de l’homme mais la mort du Dieu fait homme (66e).

Thèmes anciens que ces conférences, mais prodigieusement rajeunis par la pensée et la parole de Lacordaire. Pour lui, l’histoire de la tentation du premier homme est l’histoire, toujours actuelle, de la lutte du bien et du mal ; l’exposé théologique est constamment parallèle au drame psychologique et en éclaire les ardentes et douloureuses péripéties. Voir ces principaux développements : la grâce ne peut se passer de la nature, même dans les opérations de la grâce, et la nature ne peut se passer entièrement de la grâce, même dans les opérations de la nature (Œuvres, t. v, p. 215-227) ; la nature et les conditions de l’épreuve (p. 231-250) ; la nature et les conditions de la tentation (p. 255-266) ; la tentation de notre premier père, ses péripéties (p. 282-308) ; les signes de la chute dans l’humanité : la nature humaine penchée vers le mal (p. 313-327) ; la réparation exigée par la justice (p. 368-374) ; elle s’effectue par la mort, par la mort de l’Homme-Dieu (p. 374-393).

Conférences de lSôl : De l’économie providentielle de la rédemption. — Le péché de l’homme a été réparé. La grâce du salut est à sa disposition. Mais comment Dieu se comporte-t-il dans cette économie du salut des hommes ? C’est la question du gouvernement divin. Et tout d’abord, ce gouvernement existe. Le genre humain croit à l’intervention d’une Providence et la prie. D’ailleurs la raison ne peut se refuser aux manifestations de cette action de Dieu sur ses créatures (67e conf.). — Le gouvernement de Dieu n’est pas arbitraire ; c’est un gouvernement de raison : Dieu est libre dans la dispensât ion de ses grâces, il dispense à tous les êtres libres les secours nécessaires, mais en respectant la liberté de chacun (68e). — Cette dispensation obéit à ces deux principes : l’inégalité de la grâce reçue, le progrès possible, oe celui qui la reçoit ; ie premier, élément d’ordre ; le second, élément de perfection ; celui-ci compensant celui-là (69e). — Cette distribution des grâces à l’humanité existe dès l’origine du monde ; Dieu a toujours voulu le salut du genre, humain ; mais il y a travaillé d’une manière progressive (70e). — Quels sont les résultats du gouvernement divin ? C’est la question spéciale du nombre des élus et la question générale des rapports comparatifs du mal et du bien. Double question obscure ; mais il est permis d’envisager que le bien l’emporte sur le mal et que les élus seront en plus grand nombre que les damnés (71e). — Le gouvernement divin a une sanction : tout homme qui manque son salut le manque librement ; mais, en le manquant, il commet une faute et encourt une peine éternelle, dans l’âme « t dans le corps. C’est la bonté divine outragée qui met le sceau à la réprobation éternelle des pécheurs (72e). — En fin voici le couronnement de toute la doctrine catholique : l’incorporation réciproque de Dieu à l’hommee ! de l’homme à Dieu ; la première, opérée par l’incarnation ; la seconde, par le baptême et l’eucharistie : incorporation à Dieu par Jésus-Christ, en attendant l’incorporation définitive à Dieu dans l’éternelle vie (73e et dernière conf A

Ces conférences, par leur élévation et leur perfection, couronnent l’enseignement de Lacordaire à Notre-Dame. Le sujet était délicat à traiter, les objections surgissant à chaque pas contre l’arbitraire de Dieu dans la dispensation des grâces de salut ; il a été traité avec une hauteur de vue et une sérénité sans pareilles. Nous ne croyons pas, par exemple, qu’on puisse trouver sur les peines éternelles de l’enfer une conférence plus parfaite, au point de vue apologétique, que celle de Lacordaire. Presque tout serait à citer, dans cette série, comme passages remarquables ; relevons seulement : la nécessité du gouvernement dans l’ordre humain (Œuvres, t. vi, p. 6-16) ; les raisons de l’action -providentielle de Dieu (p. 20-31) ; les lois fondamentales du gouvernement divin (p. 51-68) ; l’inégalité des grâces, dans son origine première, dépend de la volonté de Dieu (p. 71-86) ; le nombre des élus (p. 136-170) ; la négation de l’éternité des peines est une erreur destructive de la notion du bien et du mal (p. 178-179) ; l’erreur de la transmigration des âmes, elle-même destructive de la notion du bien et du mal (p. 179-186) ; l’amour divin outragé cause des sanctions éternelles (p. 192-198) ; résumé par Lacordaire de toute son apologétique (p. 199-204) ; adieux à Notre-Dame (p. 231-233).

Lacordaire comptait achever son enseignement dogmatique, en 1852, en traitant de la Gloire éternelle. Il y travailla et son plan était fait, quand survint le coup d’État du 2 décembre. Lacordaire s’imposa alors une retraite, qu’il regarda comme un devoir. Quelques années plus tard, il reprit ses Conférences, dans un autre cadre, à l’église Saint-Étienne de Toulouse.

Conférences de 1854, à Toulouse : De la vie morale et surnaturelle. — Dans le plan de Lacordaire, les Conférences de Notre-Dame constituaient l’exposé dogmatique de la doctrine catholique ; les Conférences de Toulouse allaient traiter de la partie morale. Le plan de celle-ci devait, dans ses prévisions, embrasser six ou sept ans. Mais les circonstances voulurent que Lacordaire ne prêchât qu’une seule anné’. Au débit de la première ronfircnie, il marquait ainsi la différenee des points de vue : « Quand on traite de la vérité au point de vue. dogmatique, la question est celle-ci : Qu’est-ce que la foi et comment faut-il croire’? Quand on traite de la vérité au point de vue moral, la question est celle-ci : Qu’est-ce donc que la vie et comment faut-il vivre ? » Qu’est-ce donc que la vie’? Un mouvement. Mais tout mouvement a un but. Le but de notre vie, c’est la félicité ; or la félicité ne se trouve pas dans le plaisir ni même dans la vertu stoïcienne, elle ne se trouve qu’en Dieu (l re conf.). — Mais si Dieu est le but, les passions sont l’obstacle. Par elles, au lieu de chercher dans le sacrifice cette vraie joie de l’âme qui est l’avant-goût de la félicité, l’homme la cherche dans l’excès de ses passions, dans l’ivresse, dans le jeu, dans la volupté. Les passions satisfaites ont, dès ce monde, un châtiment qui nous avertit que la félicité n’est pas au terme des joies qu’elles nous causent (2e). — Nous devons lutter contre cet obstacle des passions ; nos armes sont : la loi morale, notre liberté, notre conscience ; la vertu sera le prix de ce combat intérieur, et la vertu s’épanouit en quatre rameaux qui sont : la prudence, la justice, la tempérance et la force (3e). — La vertu est pour l’homme un principe de béatification et de déification. Elle lui apporte la paix, l’amour, la gloire ; elle est bienfaisante à l’âme et, par contre-coup, au corps et ; ï la société ; elle est principe d’union positive et efficace avec Dieu, similitude de nature, similitude de beauté, sympathie dont l’amour est le fruit et le couronnement (4e). — Le chrétien peut seul réaliser cet idéal de vie morale supérieure, parce qu’il a en lui un principe supérieur de vie- : la grâce, germe et garantie de