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2405 LACORDAIRE, CONFÉRENCES DE N.-D. DE PARIS ET DE TOULOUSE 2106

qu’il y ait une Église destinée à l’enseignement universel et perpétuel du genre humain. L’homme est un être nécessairement enseigna, mais aussi nécessairement trompé par l’enseignement de l’homme. Donc, ou la vérité n’est qu’un nom, ou il existe une autorité divine enseignante. A quel signe la reconnaître ? A l’universalité ou catholicité, visible dans la seule Église catholique (l r0 conf., les Conférences de Notre-Dame étant numérotées jusqu’à la 73e et dernière, j’indiquerai, après le bref résumé de chacune, son numéro respectif). — L’Église existe donc comme autorité enseignant la vérité. Sa constitution est celle même de toute autorité : elle se compose d’une hiérarchie dépositaire d’une puissance dont elle se sert à son gré. Dans l’Église, la puissance ne s’appuie pas sur la force, mais sur la persuasion, celle-ci résultant à la fois de la raison et de l’amour (2e). L’Église a le droit d’enseigner, parce qu’elle possède la plus haute certitude rationnelle, mais aussi parce qu’elle présente la plus haute autorité morale, laquelle est fondée sur la science, le nombre et la vertu ; de plus elle est infaillible, ne pouvant se tromper dans renseignement de la doctrine dont elle a le dépôt (3e). — Dans l’Église, le pape est à la tête de la hiérarchie : la papauté a gardé, à travers les siècles, la suprématie spirituelle par l’incorruptibilité de la doctrine révélée, alors qu’une autorité exclusivement humaine aurait eu, au milieu de tant de siècles et de tant de contradictions, tous les motifs de périr (4e). — Mais voici une objection : si l’Église est nécessaire au genre humain, pourquoi est-elle venue si tard ? La réponse est que Dieu pourvut, avant elle, au salut de l’humanité par la tradition et la conscience (5e). — Il faut étudier les rapports de l’Église avec les puissances temporelles. A côté de celles-ci, l’Église représente la puissance spirituelle ; cette puissance a pour objet la vérité, la grâce, la vertu ; et son étendue dépend de son action qui dépend elle-même de sa liberté, laquelle est de droit divin et de droit naturel (6e). — Étant une puissance, l’Église doit pouvoir exercer une souveraineté : elle a le droit d’imposer des pénitences dans le for intérieur et le droit d’excommunier dans le for extérieur (7e).

Lacordaire avait été, pour ainsi dire, improvisé conférencier de Notre-Dame, ayant été invité par Mgr de Quélen quelques semaines seulement avant le carême 1835. Ses premières conférences se ressentent de cette préparation hâtive. Il y utilise les idées qu’il a fait valoir dans les Considérations. Du premier coup, Lacordaire révèle son esprit d’adaptation qui est la marque même de son génie oratoire et la cause de l’énorme succès de sa parole. Dès ce début, se manifeste l’éclat de son éloquence avec se_s hardiesses, ses images vives, ses tableaux au puissant relief. Mais, à côté des pensées les plus hautes et les mieux formulées, on rencontre, parfois, des idées assez vagues, des raisonnements assez lâches, des tableaux d’histoire aux synthèses trop partialement optimistes (4e conf.). Je relève quelques passages saillants : l’homme a besoin de recevoir l’enseignement de la vérité (Œuvres, t. ii, p. 14 20 ; dans ce relevé des passages plus typiques j’indiquerai la référence aux Œuvres du P. Lacordaire, édit. Poussielguede Grgord, le chiffre romain indiquant le volume) ; comment l’Église possède la puissance de persuasion (p. 36-41) ; la conscience, le remords, les ravages du raisonnement au service de l’erreur (p. 97-99) ; comment la liberté de l’Église est de droit divin et aussi de droit naturel (p. 106-114) ; la puissance coercitive de l’Église dans le for interne, la nature médicinale de la peine (p. 122-126).

Conférences de 18J>> : De la doctrine de l’Ëglisc en général, de sa nature et de ses sources. — L’Église possède nécessairement une doctrine. Cette doctrine doit lui appartenir en propre, car si le monde la possédait,

à quoi bon l’Église pour la lui enseigner ? Toute doctrine a un objet que nous appelons sa matière, et un procédé pour saisir cet objet qlie nous appelons sa forme. La matière de la doctrine de L’Église, c’est la connaissance de Dieu qui est le souverain bien et du déir on qui est le souverain mal, dans leurs rapports avec l’homme qui tend à s’unir éternellement ou à Dieu par le bien, ou au démon par le mal. Sa forme est tout ensemble une science et une loi ; une science, parce que le témoignage de Dieu sur lequel elle est fondée relève de l’évidence et de la démonstration ; une foi, parce que ce même témoignage porte sur des choses cachées à la vue de notre esprit. A cause de cette dualité, la doctrine de l’Église puise ses données dans la tradition et l’Ecriture, d’une part, dans la nature et la raison d’autre part (8° conf.). — La révélation primitive de Dieu a été conservée dans la mémoire des générations par la tradition orale, qui renfermait ces cinq affirmations : existence de Dieu, création de l’homme par Dieu, chute de l’homme, réhabilitation et jugement final, l.a tradition symbolique, c’est-à-dire le sacrifice, a perpétué, au cours des âges, de façon expressive et parlante, les affirmations de la tradition primitive (9°). — La parole de Dieu a, de plus, été fixée par la sainte Écriture. Parmi tous les livres sacrés, la Bible se présente avec des caractères inimitables ; elle est au plus haut degré un livre traditionnel, constituant, c’est-à-dire doué d’une force merveilleuse pour assurer la vitalité et la durée d’un peuple, enfin prophétique. Or la Bible est entre les mains de l’Église (10e). — La raison qui vient de Dieu est en accord avec les grandes vérités renfermées dans la Tradition et l’Écriture. Quand elle s’y oppose, c’est au nom de l’orgueil et sous l’influence des passions (11e). — Mais si la raison rend témoignage par ce qu’elle saisit de la vérité, elle ne saisit que F extérieur et les phénomènes ; le fond et la substance lui échappent et sont du domaine de la foi (12e). — La foi peut s’acquérir ; et sa genèse ressemble à celle de la raison : l’intelligence et la parole humaine dans l’ordre des connaissances naturelles ont, pour analogues, dans l’ordre divin, la grâce et la parole divine présentée par ^Église. La parole, humainement et divinement, accomplit deux offices : elle éclaire et elle touche, elle produit la lumière et l’affection ; seulement il faut s’y prêter. Pour avoir la foi, il faut le vouloir et prier (13e).

A propos de ce carême de 1836, il faudrait répéter ce qui a été dit du précédent : plus brillant encore ai. point de vue oratoire, le développement présente a certains moments des côtés faibles. A la 9e conf. sur la Tradition, Lacordaire conclut peut-être avec trop d’assurance l’origine divine fin sacrifice du fait qu’il se retrouve universellement dans toutes les religions sous la forme uniquement expiatoire. La 12e conf. sur la foi est peu reluisante au point de vue doctrinal ; les exemples choisis pour montrer que la science i Ilemême suppose la foi pourraient être discutés les uns après les autres. Si l’on veut nv Mirer le progrès que réalisera plus tard la pensée théologique de La daire, il suffit de comparer cette 9e conf., faite en 1836, aux conf. 17e, 18e et 19.qu’il consacrera, en 1843, à la nature de la foi, dont il traitera alors avec une extrême perfection. Ce n’est pas que manquent, dans ces conférences de 1836, les aperçus remarquables : description d’une beauté toute pascalieinie de la lutte, chez l’homme, de la vérité et de l’erreur, du bien et du mal (Œuvres, t. ii, p. 143-153) ; rôle de la tradition dans la continuité individuelle et sociale (p. 162-165) ; pourquoi la raison s’oppose à la parole de Dieu (p. 2' >7 215) ; comment par la méditation de la parole de Dieu et les bonnes dispositions de la volonté on se prépare à la grâce de la foi (p. 213-252).

Conférences de 1843 : Des effets de la doctrine calko-