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JONAS D’ORLÉANS

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redevable de plusieurs faveurs importantes, c’est Jonas qui lui octroie le corps de saint Maximin, le fondateur du monastère, lequel reposait jusque-là à Orléans : c’est Jonas qui, en 825, fait accorder au couvent un diplôme impérial garantissant la libre élection de l’abbé. Sickel, Acta regum et impcratorum KarolinoTiim, t. ii, n. 241. En cette même année 825, l’évêque d’Orléans est un des membres les plus influents du synode réuni à Paris sur convocation de Louis le Pieux pour préciser à nouveau, à rencontre de la position adoptée par l’Église romaine, la doctrine de l’Église franque dans la question des images. A l’issue du concile, Jonas est envoyé à Rome avec Jérémie, archevêque de Sens, pour tenter de faire accepter, avec les ménagements nécessaires, par le pape Eugène II les suggestions des prélats francs. On ignore d’ailleurs l’issue de cette démarche. Au concile de Paris de 829, Jonas eut encore un rôle non moins considérable, comme nous l’expliquerons tout à l’heure en étudiant son œuvre littéraire. A Thionville, en 835, quand il s’agit de jug ? r l’archevêque de Reims Ebbon, qui a pris parti pour Lothaire contre Louis le Pieux, Jonas dicte la sentence de déposition du prélat coupable. C’est dire que Jonas, dans la triste querelle qui arme contre Louis le Pieux les fils même de l’empereur, a su garder toute sa fidélité au souverain légitime. Cette même fidélité, il s’efforce de l’inspirer au roi d’Aquitaine Pépin I er, dont les discordes civiles des années 833-834 l’ont quelque temps éloigné. Avec Charles le Chauve, dont il devient le sujet à partir de 840, il conserve les mêmes relations de respect et de dévouement qu’il avait eues avec son père ; il est honoré par lui de la même confiance que lui avait témoignée le vieil empereur. Il meurt sans doute en 843.

Il nous reste de lui : l°IJne Vie de saint Hubert ; évêque de Tongres, suivie d’une relation du transfert des reliques du saint au monastère d’Andaine en 825. Pour la Vie, Jonas n’a fait que remanier et mettre en bon style, comme le lui avait demandé l’évêque de Liège Walcand, une vie du viiie siècle dont le latin barbare n’était plus de mise en un siècle de lumières. — 2° De cullu imaginum libri très, composé à la demande de Louis le Pieux pour réfuter les attaques de Claude, évêque de Turin, contre les images, mais publié seulement plus tard et dédié à Charles le Chauve. — 3° Deux ouvrages étroitement apparentés : De institutione regia ad Pippinum regem et De institutione laicali libri ires ; le premier pourrait se comparer à la Politique tirée de l’Écriture sainte de Rossuet ; le second donne aux laïques en général, et aux personnes mariées en particulier, un tableau d’ensemble de la vie et des vertus chrétiennes. La composition de ces deux ouvrages soulève un petit problème littéraire qui ne manque pas d’intérêt. Non seulement il y a entre les deux écrits une parenté assez étroite, les c. xni et xiv du premier reproduisant exactement les c. xi et xiii du I. I er de YInstilutio laicalis ; mais de plus tous deux sont en intime relation avec les actes du concile de Paris de 829 : V Inslilulio regia reproduisant textuellement les Actes de Paris, I. II, tandis que V Institutio laicalis a en commun avec ces derniers cinq chapitres pour le moins. Luc d’Achery, qui le premier avait soulevé la question, pensait qu’en tout état de cause les traités de Jonas étaient antérieurs au concile parisien et qu’ils avaient été insérés dans les actes soit à la demande des Pères par le secrétaire du concile, soit par Jonas lui-même, qui aurait été chargé par l’assemblée du soin de rédiger le procès-verbal du synode. Cette hypothèse a longtemps prévalu ; Ebert lui en a opposé une autre qui semble tout aussi naturelle. Les deux traités de Jonas sont postérieurs à l’assemblée de Paris, dont l’évêque d’Orléans avait le droit d’utiliser les actes parce que, précisément, il en

était le rédacteur. A ces deux hypothèses qui lient étroitement le sort des deux ouvrages, K. Amelung en a substitué une autre qui nous paraît beaucoup plus vraisemblable. Cet auteur distingue nettement la question de l’Instilulio regia et celle de [’Institutio laicalis. Le premier ouvrage, dédié au roi Pépin, est certainement postérieur au concile. La préface fait une allusion très nette aux tristes événements de 833, à la trahison des fils de Louis le Pieux, à la pénitence imposée au vieil empereur, au changement d’attitude auquel Pépin finit par consentir. Pour rédiger cet ouvrage, Jonas s’est contenté de démarquer très légèrement les actes du concile de 823, en appliquant à Pépin ce que les Pères avaient dit, à l’adresse de l’empereur, des devoirs de la royauté. Jonas en agissant ainsi ne faisait d’ailleurs que reprendre son bien, ayant été le rédacteur des actes de l’assemblée. L’Instilulio laicalis au contraire a une tout autre histoire. Composée à la demande de Matfred, comte d’Orléans, elle n’a pu être rédigée après 828, date à laquelle Matfred, tombé en disgrâce, perdit son emploi et commença à comploter contre l’empereur. Rien d’étonnant non plus que Jonas ait inséré dans les actes du concile de 829 les passages de son œuvre qui se trouvaient d’accord avec les résolutions de l’assemblée.

Bien qu’il soit en somme très peu original et peut-être à cause de cela même, Jonas représente au mieux la culture ecclésiastique et la théologie de la renaissance carolingienne. D’Alcuin il a hérité avec le souci d’une langue correcte, élégante parfois, le goût de l’érudition scripturaire et patristique. Il y aurait intérêt à relever dans ses ouvrages les nombreuses citations des Pères de l’Église qui en forment pour ainsi dire la trame. De la littérature grecque il connaît Origène (homélies sur l’Exode et le Lévitique), saint Jean Chrysostome et Eusèbc. Les Pères latins lui sont plus familiers ; il cite saint Cyprien, le traité Adv. aleatores, qu’il attribue aussi à Cyprien, Lactance, saint Ambroise, saint Augustin, dont il connaît de nombreux traités, saint Jérôme, saint Césaire d’Arles, Julianus Pomerius, qu’il appelle toujours saint Prosper, le pape saint Grégoire, saint Isidore de Séville, le vénérable Bède, Alcuin enfin à qui, sans doute, il est redevable d’une partie de sa science. On se tromperait d’ailleurs si l’on pensait que c’est à ce dernier auteur que Jonas emprunte toutes ses connaissances patristiques. Visiblement il a fait effort pour enrichir son dossier et il vaudrait la peine de rechercher les sources de son érudition.

Sa doctrine dans la question des images est celle de l’Eglise franque, telle qu’elle s’exprime en particulier dans les Livres carolins. Entre les iconoclastes byzantins, auxquels Claude de Turin s’est rallié et qui suppriment radicalement toutes les images, et d’autre part, les iconophiles, qui reflètent la doctrine romaine et accordent aux images un culte, différent d’ailleurs de celui qui s’adresse à Dieu, Jonas essaie de trouver cette voie moyenne où s’obstinera pendant un siècle encore l’Église carolingienne. Les images sont utiles : ornement artistique des basiliques, elles mettent sous les yeux des fidèles les belles actions des saints, mais elles n’ont droit à aucune vénération spéciale, à aucun culte proprement dit ; il n’y a en elles aucune vertu particulière. Si Jonas s’élève contre Claude, c’est bien plutôt à cause des excès de langage et de la brutalité de geste de celui-ci ; dans le fond, sur la question des images proprement dites, il n’est pas loin de penser comme lui, et parfois il lui arrive de reconnaître cet accord foncier. Où il se sépare nettement de l’évêque de Turin, c’est quand il est questiondes hommages à rendre à la croix, qu’il s’agisse d’ailleurs de la vraie croix ou de ses représentations. Avec beaucoup de verdeur, il