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JONAS (LIVRE DE) — JONAS D’ORLÉANS


mais selon la manière dont il est présenté dans le texte de la Genèse. » Il se rallie ensuite en la précisant sur deux points à l’argumentation de M. van Hoonacker. Comment peut-on entendre la parole de l’Évangile : « Les Ninivites se lèveront au jour du jugement. » si le récit de leur conversion est fictif ? Il ne faut pas trop presser le sens de « ils se lèveront ; » sinon il faudrait le faire aussi pour le mot suivant : « ils condamneront. » Or la sentence de condamnation ne sera pas portée par les Ninivites. C’est leur exemple qui condamnera et non leur personne. Et cet exemple existe aussi dans l’hypothèse d’une parabole.

En second lieu le P. Condamin envisage la difficulté qui résulte du fait que le cas des Ninivites est combiné avec celui de la reine du Midi. Puisque ce dernier est historique, ne faut-il pas dire que le premier l’est également ! L’auteur estime qu’on peut légitimement associer les deux, même s’ils sont d’un caractère différent, comme on pourrait associer, comme modèle de repentir, l’Enfant prodigue de la parabole et la Pécheresse pardonnée de l’histoire évangélique.

Ces arguments et l’autorité des exégètes qui les adoptent prouvent que le témoignage du Christ ne forme pas d’obstacle absolu à l’abandon du sens historique du livre de Jonas.

L’interprétation parabolique de ce livre est donc théologiquement légitime et reconnue comme telle, même par des exégètes qui croient devoir rester partisans de l’explication historique, tel Trochon, Les petits prophètes, 1883, p. 221.

Non seulement il n’y a, dans les principes de la foi ou de la tradition catholique, rien qui empêche de l’adopter, mais elle semble propre, en dégageant la partie religieuse du livre de Jonas, à résoudre l’énigme d’un texte sacré, bien difficile à entendre sans cela. Outre les raisons directes qui l’appuient, les impasses auxquelles on aboutit avec les autres explications sont la meilleure confirmation de sa valeur. C’est pourquoi, d’après M. Tobac, loc. cit., p. 580, « un nombre toujours croissant d’exégètes catholiques émettent, non comme certaine, mais comme possible et probable, ou tout au moins déclarent libre l’opinion qui voit dans le livre de Jonas un écrit didactique sous forme parabolique. >

Autres interprétations.

Étant données les difficultés

que le livre de Jonas offre à l’exégèse, nous ne devons pas nous étonner qu’à côté des deux explications que l’on vient de voir, bien d’autres aient été proposées. L’Introduction à V Écriture Sainte de Kaulen-Hoberg, 5e édit., 1913, t. ii, p. 276, en énumère, en tenant compte des moindres nuances, jusqu’à dix-sept. On peut les réduite à trois groupes :

1. Interprétations midraschiques qui sont un mélange de l’exégèse historique et didactique. Les défenseurs supposent un fond historique, c’est-à-dire un événement réel, raconté sur le compte du prophète, mais développé d’une façon midraschique, c’est-à-dire entremêlé -de traits légendaires. Ou peut ranger parmi eux les rationalistes du xvin 1 e siècle qui, pour éliminer les miracles, ont énoncé une série d’hypothèses, plus invraisemblables les unes que les autres. On supposait par exemple que l’aventure de Jonas s’était passée eu rêve ; on voyait dans la < Haleine » un cadavre flottant sur lequel le prophète se hissa pour se sauver, ou un vaisseau qui portait ce nom et sur lequel Jonas fut recueilli. D’autres suggéraient même que la ( Haleine » était l’enseigne d’une auberge où Jonas logea après son naufrage, (les fantaisies n’ont plus aujourd’hui qu’un intérêt de curiosité.

De nos jouis encore, des exégètes plus sérieux veulent distinguer également au point de vue de l’historicité diverses couches dans le livre. M. Sellin, Einleitung in dus Allé Testament, 3e édit., 1920, p. 118 sq., prétend

que la mission de Jonas à Ninive est probablement historique, mais qu’elle est racontée d’une façon légendaire. L’aventure du prophète en mer serait un conte, répandu chez bien des peuples de l’antiquité

.Mais la distinction entre les éléments réels et fictifs dans le livre de Jonas est dépourvue de toute base solide. Car, puisque tous les faits qui s’y trouvent racontés sont extraordinaires, d’après quelle règle précise pourrait-elle se faire ? L’unité du livre semble réclamer l’unité d’interprétation.

2. Interprétations mythologiques.

Elles consistent à établir des rapprochements entre l’histoire de Jonas et quelques mythes païens où l’on voit intervenir des monstres marins. De la mythologie grecque on a allégué entre autres Hercule délivrant Hésione, après avoir tué le monstre qui devait la dévorer ; Persée sauvant Andromède, en pétrifiant près de Joppé le monstre qui la menaçait ; Arion se jetant dans la mer et sauvé par un dauphin. Dans la mythologie babylonienne on invoque Oannès, ce dieu-poisson qui, d’après Bérose, aurait enseigné à l’origine aux Babyloniens les éléments de la civilisation.

Toutes ces combinaisons s’appuient sur des ressemblances purement extérieures et accidentelles auxquelles il est bien difficile d’attribuer quelque valeur.

3. Interprétations symboliques.

Celles-ci sont très voisines de l’interprétation didactique ou parabolique. Elles se trouvent déjà enseignées dans l’antiquité. On a vu que saint Grégoire de Nazianze et Théophylacle regardent l’engloutissement de Jonas par le poisson comme le type de la chute d’Israël et du salut d’un reste élu. D’une façon semblable des exégètes modernes, tel Kleinert, Die Prophelen Obadja, Jona, etc., 1893, voient en Jonas dévoré par le monstre le peuple juif, livré à la captivité parce qu’il n’accomplissait pas sa mission religieuse au milieu des nations, dans Jonas rejeté à la côte le même peuple, restauré après l’exil. M. Van Hoonacker, loc. cit., p. 319, fait remarquer avec raison que cette interprétation est, malgré certains traits ingénieux, trop artificielle pour être juste ; elle fait violence à plus d’un détail du récit.

Il reste que cette exégèse traduit le besoin de mettre l’accent principal sur la signification religieuse du livre de Jonas. L’interprétation didactique, présentée plus haut, permet d’atteindre non moins efficacement le même résultat, en s’écartant moins de la tradition.

Trochon, Les petits prohètes, Paris, 1883 ; Knabenbauer, Commentarius in prophetas minores, Paris, 1886, t. i ; A. van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908 ; Keyser, The book of Jonah. Is it fæt or fiction, historg or parable ? dans Luth. Church. review, 1908 ; Lesêtre, Les récits de l’histoire sainte, Jonii.s-.dans Revue pratique d’apologétique, t. viii, 1909, p. 923-928 ; Dœller, Das Buch Jona nach dem Urtcxt iibersetet und erkldrt. Vienne, 1912 ; Mitchell, Smith, Bewer, Haggai, Zachariah, Malachi and Jona, dans Internat, critic. commentarg, Oxford, 1012 ; Condamin, art. Jonas, dans le Dictionnaire apologétique, 1915, t. ii col. 1516-1559 ; Tobac, Les prophètes d’Israël, Malines, 1921 ; E. Sellin, Das Zwôl/prophelenbuch, Leipzig, 1022.

L. Dennefeld.

2. JONAS, évêque d’Orléans de 818 à 843. — Les renseignements n’abondent pas sur les origines de ce personnage, qui jouera sous le règne de Louis le Pieux un rôle important dans l’Église carolingienne. Aquitain de naissance, c’est dans le Midi de la France qu’il acquiert sa formation littéraire et théologique, qu’il entre dans l’état ecclésiastique, qu’il franchit les divers degrés de la hiérarchie-En 818, la confiance de Louis le Pieux l’appelle au siège épiscopal d’Orléans, laissé vacant par la condamnation de Théodulfe. Jonas fait dès le début figure d’un grand évêque attentif aux besoins spirituels de son peuple, préoccupé d’assurer à l’institution monastique son indépendance spirituelle. L’abbaye de Saint-Mcsinin, en particulier, lui fut