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KENOSE


dans le Christ, distinctes quoiqu’unies substantiellement, y fait droit.

Fondements patristiqucs.

Les défenseurs de la

kénose ne peuvent non plus trouver un appui à leur système chez les Pères.

11 serait trop long de citer tous les textes patrisliques qui commentent le passage de saint Paul aux Philippiens. Cf. Schumacher, Christus, t. I, p. 130 à 161 ; Loofs, art. Kenosis, p. 248-257 : Prat, 7e édit., t. i, note i. Qu’il nous suffise de dégager les conclusions que l’on en peut déduire et de répondre aux objections que l’on a tirées de certains textes.

1. Tous les Pères et écrivains ecclésiastiques, à l’exception de l’Ambrosiaster et de Pelage (dans le commentaire qui a circulé sous le nom de saint Jérôme), considèrent le dépouillement comme accompli par la volonté divine de l’Hommc-Dieu. En général, ils se contentent d’affirmer que le Christ s’est dépouillé en se faisant homme ; de ce dépouillement, ils ne font pas la théorie ; ils ne cherchent pas à en expliquer le comment.

2. Grecs et latins aiment à concevoir l’incarnation tomme un acte de condescendance, d’adaptation à l’humanité par une sorte de descente du Aôyoç vers la nature humaine. D’où chez les grecs, l’expression de auyxa-ràêaate ;, chez les latins, descendit.

3. Ces Pères déclarent que la forme de Dieu et la forme d’esclave s’unissent sans confusion ni mélange. Pelage traduit la pensée commune quand il attribue aux exégètes de son temps ce commentaire : Exinanivit se, non substantiam evacuans, sed honorent declinans. Corn, in Epistolam ad Philippenses, c. ii, P. L., t. xxx, col. 845. Telle est, en effet, la pensée de saint Grégoire de Nazianze, Or. th., ii, 19, P. G., t. xxxvi, col. 100. ô fjièv t}v SiéfiEivei, ô 8è oùx 7)v TcpooéXaôev, Ainsi saint Cyrille d’Alexandrie, De incarn. Domini, P. G., t. i.xxv, col. 1428 : [xévcov yàp ô y}v, ëXa6ev Ô oùx rjv ; Saint Ambroise De fide, n. 8, P. L., t. xvi, col. 573 : non remittens ulique quod erat, sed assumens qtiodnon erat ; saint Augustin, Contrasermonein Arian., c. viii, P. L. t. xlii, col. (589 : cum semetipsum exinanil’it non formam Dei amitlens, sed formant seroi accipiens.

Il ne peut être question pour les Pères de changement dans la divinité du Verbe : c’est là un des axiomes de l’orthodoxie contre Arius. Voir S. Athanase, Contra arianos, or. i, 35 et 30 ; or. ii, 32 et 34. Apollinaire pense comme saint Athanase sur ce point : y.evcoaaç (i-èv éauTÔv xa-^à ty)v [Aopeptoaiv (80ûXou) àxévtofoç 8k xal àvaXXolcoToç xal àvsXâxTCOTOç xaxà ttjv Œtocv oùatav (oùSs[XÎa yàp àXXotwaiç rcspl Gelav <pûfft.v) oô§è èXaTTOÛToa oùSè aù< ; àveTai, dans Drâseke, Apollinarios von Laodicea, dans Texte und Untersuchungen, t. vii, fasc. 3, p. 344. Saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxxvii, 3, P. G., t. xxxvi, col. 285, résume bien la pensée orthodoxe dans sa belle définition : xévcoaiv 8è Xéyo r/jv xîjç SoÇyjç oepsotv ts xat, èXàxffc)oiv, 81à toùto x^P^TÔÇ yîvsTat. : " J’appelle kénose l’abaissement et l’amoindrissement de la gloire divine ; c’est pourquoi il s’est l’ait limité. »

3. Tandis que les ariens par leur théorie du Logos changeant, et les monophysites par leur confusion des natures, posent les prémisses qui aboutissent logiquement à la véritable kénose, les Pères, en distinguant parfaitement les deux activités divine et humaine, malgré leur union substantielle, n’ont jamais regardé la divinité comme ramenée aux limites de l’humanité dans le Christ : ils ont déclaré au contraire qu’elle déhorde ces limites. Origène, De principiis, IV, xxx, édit. Kœtschau, p. 370, P. G., t. xi, p. 387. dit : Dr incarnatione non ila sentiendum est quod omnis divinilatis ejus majestas intra brevissimi corporis conclusa est. De même saint Athanase affirme que l’humanité

du Christ n’enserre pas dans ses limites l’activité divine du Verbe : xal èv tw àv0ptO7Ûvep aa> ! i.a-n, ûv xal aÙTÔ ; aùxô Çcoorcoicov èÇcooTtoîei xal Ta ôXa xal èv toîç rcaalv êyîvero xal ei ; a> twv ôXwv Vjv. De incarnatione, 17, P. G., t. xxv, col. 125. Même idée longuement exprimée dans saint Augustin, Epist., cxxxvii, ad Yolusianum, P. L., t. xxxiii, col. 515. S’il y a progrès dans le Christ, il ne peut être question d’un développement du Logos lui-même, mais d’un progrès de sa manifestation, corrélatif à celui de l’humanité : irpoxôrcTovTOç ToG cftôfxaTOÇ, : rpoéxo7tTev èv aÙTtjS xal ^ çavépcoaiç ty)ç 0e6t’/)toç, dit encore Athanase. Cont. Arian., oral, iii, P. G., t. xxvi, col. 433.

Les Pères grecs dans leur théorie de la périchorèse, tout en acceptant l’idée d’une compénétration des deux natures, reconnaîtront qu’il ne s’agit point d’une transformation substantielle ; la divinité ne peut communiquer à l’humanité ses puissances d’action que dans la mesure où celle-ci peut les recevoir et les transmettre ; de son côté l’humanité ne peut enserrer la divinité dans ses bornes étroites. Voir Hypostatique (Union), col. 501. On comprend dès lors que chez ces Pères la nature humaine soit regardée tantôt comme l’instrument de la manifestation croissante du Logos tantôt comme l’écran qui limite et voile la visibilité de sa gloire. Cf. Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, P. C.t.xLV, col.(.72.

4. C’est en vain que l’on a voulu trouver une base à la théorie de la kénose dans certains textes patristiques.

Saint Ignace atteste sans aucun doute que le Christ est Dieu dans sa vie terrestre. Magn., vi, 1 ; Eph., i, 1 ; xix, 13. Ce serait donc aller contre sa pensée que de rapporter les attributs opposés qu’il mentionne dans Eph., vu. 2 ; Poli/c., iii, 2, non à un double élément divin et humain existant simultanément en Jésus-Christ, mais à un double état successif du Sauveur.

Ce serait aussi trahir la pensée de saint Irénée que de lui prêter une théorie de l’autolimitation du Logos dans son être par le fait de l’incarnation. Ce que le Verbe limite, ce n’est point son être immuable, mais l’jxcrcice de sa puissance pour s’accommoder à la faiblesse de notre nature, et pour laisser à l’humanité véritable du Christ la possibilité d’accomplir notre salut. Voir art. Irénke, t. vii, col. 2469.

Quant à la doctrine de saint Hilaire, le P. Le Hache-, let a fort bien montré, dans l’art. Hilaire, t. vii, col. 2427 à 2133, qu’elle ne peut être invoquée en faveur de la théorie moderne de la kénose. La forme de Dieu dont le Verbe se dépouille en s’incarnant ne peut être ni la personnalité divine, ni la nature divine considérée soit en elle-même, soit dans ses propriétés absolue^ ou relatives puisqu’Hilaire affirme expressément la permanence intégrale de l’une et de l’autre : c’est l’état de gloire propre à une personne divine. De cet état de gloire le Verbe incarné se dépouille en apparaissant ici-bas dans un état d’obscurité, d’humilité, et d’infirmité. L’incarnation ainsi conçue suppose, dans le Fils de Dieu vivant ici-bas, une certaine limitation, en particulier pour ce qui concerne sa puissance : mais cette limitation ne porte point sur la puissance divine du Verbe prise en elle-même ; elle porte uniquement sur l’exercice de celle-ci par rapport à la sainte humanité du Sauveur ; le Verbe en la prenant ne l’a pas dotée des prérogatives réservées au temps de la glorification suprême.

3° Fondement* métaphysiques. I.’interprétation

des textes scripturaires et patristiques n’est que secondaire dans le système de la kénose : ce n’est là qu’un appui pour la théorie. Voir Hypostatique (Union). col. 560..n.i source véritable est ailleurs : elle est dans le besoin d’interpréter le mystère du Christ en fonction