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KENOSE


dit-il, éteindre en lui la conscience de sa divinité, en perdant cette conscience durant le sommeil de l’incarnation. Le Aôyoç n’a plus à voiler, à limiter ses attribut s divins, ni à mener une double existence, l’une terrestre, l’autre céleste. Par le fait de l’incarnation, une transformation soudaine s’est produite au sein de la Trinité. Durant la kénose, le Père cesse d’engendrer le Fils, le Saint-Esprit momentanément procède du Père seul. Le Père gouverne le monde sans le concours du Fils. En Jésus-Christ un moi divin s est changé en moi humain ; le Verbe dépouillé de la divinité devient apte à progresser comme l’un de nous. Cf. J. Bovon, Dogmatique chrétienne, t. ii, p. 107, et Lichtenberger, loc. cit., p. 154. « Le Logos, écrit M. Godet, a réalisé en Jésus, sous la forme de l’existence humaine soumise à la loi du développement et du progrès, cette relation de dépendance et de communion filiale qu’il réalisait dans le ciel sous la forme immuable de la vie divine. » Comm. sur l’Évangile de Jean, 1. 1, p. 261.

On peut citer encore d’autres partisans de la kénose : Kahnis, Lehre vom heutigen Geisl, 1847 ; Luthardt, Das Johannes Evangelium, 1852 ; Delitzseh, System der biblischen Psychologie, 1855 ; Ebrard, Christliche Dogmalik, 1852, t. ii, etc. Voir Loofs, loc. cit., p. 248 ; Waldhauser, Die Kénose und die neuere protest. Théologie, Mayence, 1912 ; Bauer, Die neuere protest. Kencsislehre, Paderborn, 1917 ; Prat, La théologie de S. Paul, 7e édit., 1. 1, p. 383 à 386. D’après Loofs, article cité et Wat is the Truth about Jésus Christ, 1913, cette théorie perd de plus en plus de son crédit dans les cercles scientifiques de la théologie allemande.

Formes adoucies de la Kénose.

Depuis 1889,

la théorie du dépouillement a joué un grand rôle, qu’elle tient encore partiellemen’dans la théologie anglicane. Voir Sanday, Christology and personality, 1911, p. 73 sq. ; Hastings, Dictionary oj Christ and the Gospels, t. i, Kenosis ; de "Grandmaison, art. Jésus-Christ, loc. cit., col. 1393. Par cette théorie, un certain nombre de théologiens, préoccupés de mettre d’accord les anciennes formules christologiques avec les résultats de leur critique biblique, conçoivent l’incarnation comme une autolimitation du Verbe. Bruce, dans son ouvrage, The Humiliation oj Christ, range leurs essais « sous quatre types généraux qu’il appelle : 1. absolute dualistic, 2. absolute metamorphie, 3. absolute semimetamorphic, 1. real but relative. « La Kénose est relative ou absolue suivant que le Aôyoç dépose partiellement ou totalement les attributs divins ; elle est dualiste ou métamorphique selon que le Logos reste distinct de l’âme humaine du Christ ou s’identifie avec elle. » Prat, La théologie de S. l’uul, l. i, 7e édit., p. 385.

Le D r Gore, dans Lux mundi. 1889, et dans ses Dissertations on subjects connecled with the Incarnation, 1895, n’hésite pas à parler « d’un abandon réel », real abandonment, d’une « remise », surrendrr des attributs divins extrinsèques que se serait imposée le Logos au moment de l’incarnation. Le professeur Bethune-Baker, de Cambridge, ne craint pas de dire qu’il ne voit pour sa part d’autre moyen propre à concilier une véritable expérience humaine en Notre-Seigneur avec la croyance en sa divinité. The Journal oj theological Studics. octobre 1914, p. 108.

Le D r Mackintosh, au c. x, « l’autolimitation de Dieu en Christ, » de son ouvrage The Doctrine oj the Person oj Jesus-Christ, 1912, va plus loin : s’inspirant d’un théologien anglais moderne, Forsyth, The Person and Place oj Jesus-Christ, il expose ainsi sa doctrine. Il maintient l’affirmation d’une préexistence réelle et non purement idéale du Christ. Pour expliquer le dépouillement de l’incarnation, il s’appuie sur une doctrine philosophique qui limite en les conditionnant

moralement l’immutabilité, l’omniscience et l’omripotenec divine. L’immutabilité à laquelle certains auteurs font appel inclurait, étant donné un monde d’agents moraux qui changent, le plus grave caprice moral. Dieu serait arbitraire en tant que, dans des situations morales qui varient, il agirait avec une constance purement mécanique. Ce qui est immuable en Dieu, c’est le saint amour qui constitue son essence. Voir loc. cit., p. 472. Dieu se limite ainsi volontairement ; il ne s’agit pourtant pas d’abandon provisoire des attributs relatifs de la divinité, mais seulement de transposition en ce sens qu’ils entrent en jeu d’une nouvelle manière pour assumer de nouvelles formes d’activité réadaptées à la nouvelle condition du sujet… Cette doctrine philosophique, continue l’auteur, rend compte d ; s faits évangéliques. « La vie de Jésus sur la terre a été humaine sans équivoque. Jésus était un homme, un Juif du premier siècle, avec une vie localisée et restreinte par un corps organique par rapport à la conscience qu’il avait de lui-même, de pouvoir limité qui pouvait être et a été contrarié par une incrédulité persistante, de science limitée qui, ayant été graduellement édifiée par l’expérience, l’a laissé sujet à la surprise et au désappointement ; d’une nature morale susceptible de progrès et exposée à la tentation tout le long de sa vie, d’une piété et d’une religion personnelle caractérisée à tous égards par la dépendance vis-à-vis de Dieu. Bref, il s’est toujours mû dans les limites d’une expérience constituée d’une manière humainement normale, même si elle est anormale parce qu’elle possède la qualité délie sans péché. Lu lui, la vie divine s’exprime par les facultés humaines avec une conscience et une activité influencées par son milieu humain. Nous ne pouvons parler à son sujet de deux consciences ni de deux volontés. Le Nouveau Testament n’indique rien de semblable : ce n’est d’ailleurs pas compatible avec une psychologie intelligible ; l’unité de laviepersonnelle estunaxiome. » Op. cit., p. 470, d’après J. Laboui t. Revue bi bl unie, 1913, p. 282. Étant donné que l’auteur identifie la personne avec la conscience, il est amené, pour sauvegarder l’unité de personne, à affirmer qu’il n’y a dans le Christ qu’une conscience humaine. Avec ce principe, il est impossible d’échapper à la kénose.

Ainsi les différents partisans de la kénose en appellent soit aux textes du Nouveau. Testament, critiquement interprétés, soit à des témoignages patristiques, soit à une doctrine philosophique de l’immutabilité et de la personnalité divine pour fonder leur théorie.

III. CmiiouK.

La théorie de la kénose se tonde sur des arguments scripturaires, qu’elle prétend étayer par des preuves patristiques et des considérations d’ordre philosophique. Nous passerons en revue ces divers chefs de preuve, en opposant à chacun la réponse qui convient.

1 J Fondements scripturaires. 1. Le point d’appui du système serait le texte de Phil., ii, 5-11 : toûto cppovsÏTS èv û[i.tv Ô jcccî èv Xp’.aTÔS’Iyjcto’j, oq, èv [zopepfj Osoù ÛTràpxwv, où/ âp7 : ayf16v 7)yr]aaTO tô eïvai ïaa 0î£> àXXà èauTQV èxévcoasv u.opep7)v b’oûXoo Xaowv, èv ô[j.oi.o)ji.aTt àvGpwTccov yevôp-svoç xai ay_r}iy.zi z’jpzQziç, < ! > :  ; avGptoTCO !  ;.’EraTusivoCTev éauxôv yevéjxevoç û-yjxooç p.é/pi Oxvocto’j k. t. X. : « Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : lui. existant en [orme de Dieu, n’a pas considéré comme une proie le fait d’être égal à Dieu, mais il s’est dépouillé (’.’) lui-même, en prenant ferme d’esclave, devenant semblable aux hommes : par l’extérieur reconnu comme homme, il s’est humilié, devenant obéissant jusqu’à la mort… »

a) Contexte. Il est évident que saint Paul n’entend point ici établir une théorie christologique, mais il veut donner une leçon d’humilité aux Philippiens ;