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JUSTIN — JUSTINIEN 1er, L’EMPEREUR CHRÉTIEN


Das chrisitictie Leben nach dem hl. Justin dem Miirlyrcr, Vienne, 1897 ; O. Cramer, Die Grundzuge des christlichen Gemeinglaubensum das Jahr 150, nach den Apologien Justins d ?s Màrtyrers, dans Zeitschri/t fur wisssenschaftliclie Théologie, 1896, t. ii, p. 217-251. G. Bardy.

    1. JUSTINIEN I er##


1. JUSTINIEN I er, empereur byzantin de 527 à 565. — Il ne peut être question de donner iciunaperçu complet sur cet empereur dans les divers domaines où s’est exercée son activité et son influence. Nous ne considérerons en lui que le théologien ; et encore ce point de vue sera-t-il limité à la théologie dogmatique proprement dite, abstraction faite de l’histoire des controverses religieuses, dont il fut l’un des principaux acteurs. La controverse sur les Trojs-Chapitres a déjà été examinée à l’article Constantinople (IIe concile de), t. iii, col. 1231 sq. La controverse origéniste le sera à l’article Origéniste (controverse), et la controverse théopaschite, avec l’affaire des moines scythes, à l’article Théopaschisme. Nous ne signalerons qu’en passant l’œuvre si importante de législation ecclésiastique du grand basileus dont l’examen revient de droit au Dictionnaire de Droit canonique. Le sujet étant ainsi délimité, nous le divisons en trois paragraphes : I. Notice biographique et caractère de Justinien comme empereur chrétien. — II. Écrits théologiques et édits dogmatiques (col. 2279). — III. Doctrine et influence (col. 2284).

I. Notice biographique et caractère de Justinien comme empereur chrétien. — Flavius Anicius Julianus Justinianus.de son vrai nom (très probablement slave) Upranda, naquit, vers l’année 483, au village de Tauresium (aujourd’hui Taor), en Illyrie, au sud d’Uskub. Son père s’appelait Istok, et sa mère Biglénitza. Istok devint Sabbatios, et Biglénitza, Vigilantia, quand leur fils Upranda devint Flavius Anicius Julianus Justinianus. Le village natal eut aussi part aux quartiers de noblesse. On le transforma en une jolie ville neuve, qui reçut le nom de Justiniana Prima et devint le siège d’un archevêché autonome avec suffragants, détachés du siège de Thessalonique, mais restant dans l’orbite du patriarcat romain. Le titulaire de Justiniana Prima s’honorait comme celui de Thessalonique même, du titre de vicaire du Siège Apostolique. Cf. la novelle XI : De privilegiis archiepiscopi Primæ Juslinianæ, édit. de Zachariae de Lingenthal, Imperatoris Justiniani Novellæ quee vocantur sive Constitutiones, quæ extra Codicem supersunt , ordine chrono-’logico digeslæ, t. i, Leipzig, 1881, p. 132 sq. Le jeune Upranda dut sa brillante fortune à son oncle, Justin I er (518-527), qui, n’ayant pas d’enfant, l’adopta, et, quatre mois avant sa mort, le fit couronner césar, le 1° avril 527. Avant d’en arriver là, Justinien avait commencé par faire à Constantinople, de sérieuses études juridiques, militaires et théologiques. La théologie, à cette époque, était aussi nécessaire à un empereur byzantin que l’art militaire lui-même. A en juger par ses écrits, Justinien fit plus que d’en prendre une teinte : il y excella, et acquit une connaissance exacte non seulement de la doctrine orthodoxe, mais aussi des nombreuses sectes qui s’agitaient dans l’empire et auxquelles il fera plus tard une guerre implacable. Après ses études, et à l’avènement de Justin, il fut attaché à la garde du corps, devint consul en 521, puis généralissime de l’armée d’Orient. En fait, il fut plus que cela ; pendant tout le règne de son oncle, faible et maladif, on peut dire qu’il fut le souverain effectif ; et il inaugura, dès ce moment, sa politique civile et religieuse. En 526, en dépit de l’opposition de son entourage, et malgré la loi qui interdisait le mariage d’un patricien avec une plébéienne, loi qu’il fit abroger, il épousa Théodora, une actrice d’une moralité douteuse, fervente monophysite, qui eut sur sa politique religieuse une influence considérable, mais ne réussit

pas, malgré ses intrigues, à le détourner de la foi orthodoxe. Devenu seul empereur, à la mort de son oncle, il prolongea son règne pendant plus de trente-deux ans et mourut le 14 novembre 565.

L’idée que se fait Justinien de ses obligations comme empereur chrétien est très haute. Il donne tout d’abord l’exemple d’une vie vraiment chrétienne. Ses convictions religieuses sont profondes, et sa piété sincère. Il pratique régulièrement les jeûnes de l’Église. Il prend un vif intérêt aux controverses théologiques. Celui qui n’assignerait à sa politique religieuse d’autre ressort que la seule raison d’État se tromperait lourdement. Le basileus veut sincèrement le bien de l’Église aussi bien que celui de l’État. Dans son esprit, la prospérité de la première assure la fortune du second. Quand il nous déclare dans ses traités théologiques ou ses constitutions dogmatiques, que l’attachement à la foi catholique est la meilleure sauvegarde de l’empire, c’est un convaincu, non un phraseur, qui nous parle. Ainsi l’idée directrice de toute sa politique religieuse est-elle d’amener tous les sujets de l’empire à l’unité catholique. Pour arriver à ce but, il n’a malheureusement pas toujours été bien inspiré dans le choix des moyens. Il a été docile aux suggestions d’intrigants quilui ont fait commettre de lourdes fautes ; mais, dans la plupart des cas, sa bonne intention est visible. C’est la poursuite de l’unité religieuse qui a dicté sa conduite dans les controverses avec les dissidents comme dans la législation sévère qu’il a établie contre eux. N’ayant pas abouti par la voie de la discussion et de la persuasion, il a eu recours aux mesures de rigueur, et s’est montré un terrible inquisiteur aussi bien contre les païens, les Samaritains et les Juifs, que contre les diverses sectes hérétiques, en faisant cependant une différence entre les infidèles et les chrétiens. C’est, de même, l’amour sincère de l’Église, la préoccupation de son honneur et de sa prospérité intérieure, qui l’inspirent dans son œuvre de législation ecclésiastique. Il fait lois de l’État les décisions des quatre conciles œcuméniques. Une constitution du 18 octobre 530, insérée dans le Code quelque temps après, met les canons ecclésiastiques sur le même pied que les lois civiles : « Ce que les saints canons défendent, dit l’empereur, nous le défendons, aussi par nos lois, ôrrep oi îspol xocvÔveç xwAÛouat, touto xal yjjxeïç Sià tcSv v)|i.s-TÉpwv EÏpY°(ji.evv6jx.cùv. » Codex Justin., i, iii, 44, édit. P. Kriiger, Berlin, 1877, p. 47. Cf. aussi la novelle VI, du 16 mars 535, et la novelle CXXXI, du 14 mars545, édit. Zachariæ t. ii, p. 266. Les clercs reçoivent des privilèges importants. L’empereur les associe à son action législative, demandant, par exemple, que telle de ses lois, soit déposée dans les édifices du culte et affichée aux portes des églises. Il établit les évêques surveillants de tous les fonctionnaires civils et militaires, dans le but de réprimer les exactions et les abus de pouvoir. Il leur accorde même le droit de connaître de toutes les causes qui surviennent entre laïques, si les deux parties y consentent. Mais son zèle pour l’Église va plus loin. Trouvant que les canons ecclésiastiques sont insuffisants ou pas assez explicites, il s’occupe lui-même de légiférer jusque dans les détails sur toutes les matières touchant à la vie de l’Église. Sans parler des constitutions insérées dans le Code, trente-trois novelles, au moins, traitent des choses ecclésiastiques. Rien n’échappe à la sollicitude du basileus, depuis l’élection des évêques et la tenue des synodes, jusqu’à la manière de réciter les prières du Canon de la messe, depuis les devoirs des clercs, jusqu’au noviciat et à la profession des moines. Cf. J. Pargoire, L’Église bijzanline de 527 à 847, Paris, 1905, p. 56 sq., 74-78.

Ce n’est pas tout. Justinien se souvient du titre d’isaposlole (= égal aux apôtres) donné aux empe-