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JUSTIN, DOCTRINES : LES SACREMENTS


lxi, 3, xlvi, 1 : on retrouve dans ces dernières expressions le souvenir des formules évangéliques. Le baptême éclaire donc l’esprit ; il manifeste les mystères du Verbe. En même temps, il remet les péchés : « Puisque lors de notre première naissance, nous sommes nés, dans l’ignorance et selon la nécessité, d’une semence liquide, par l’union de nos parents ; et puisque nous avons grandi dans des mœurs mauvaises et des habitudes perverses, pour que nous ne demeurions pas les fils de la nécessité et de l’ignorance, et que nous devenions les fils de la liberté et de la science, et que nous obtenions la rémission des péchés que nous avons commis antérieurement, on prononce sur celui qui a demandé la régénération et s’est repenti de ses fautes, le nom de Dieu, père et maître de toutes choses. » 1 Apol., lxi, 10, col. 421 A. Il n’est pas expressément question du péché originel. Justin pense à des convertis d’âge adulte, qui sont venus librement au christianisme : le baptême efface en eux la tare de leurs fautes personnelles. Cf. DiaL, xiii, 1 ; xiv, 1, col. 500 C, 504 C ; après qu’on l’a reçu, on doit vivre loin du péché. DiaL, xux, 4, col. 572 A.

L’eucharistie.

Après avoir reçu le baptême,

l’illuminé " est conduit vers les frères, comme nous les appelons, là où ils sont assemblés : ensemble avec ferveur, nous prions pour nous et pour l’illuminé, et pour tous les autres qui sont partout, afin d’obtenir d’être trouvés, nous qui avons connu la vérité, gens de bonne vie et fidèles aux préceptes reçus, afin d’opérer notre salut éternel. Puis, nous nous embrassons les uns les autres, en suspendant les prières. Alors est présenté à celui qui préside les frères du pain et une coupe d’eau et de vin trempé. Il les prend, et il exprime louange et gloire au Père de l’univers par le nom du Fils et de l’Esprit Saint, et il fait une action de grâces abondamment pour ce que Dieu nous a daigné donner ces choses. Celui qui préside ayant achevé les prières et l’action de grâces, tout le peuple présent acclame, en disant : Amen… Celui qui préside ayant rendu grâces, et tout le peuple ayant acclamé, ceux qui chez nous sont appelés diacres donnent à chacun des assistants une part du pain eucharistie, et du vin et de l’eau, et ils en portent aux absents. » / Apol., lxv, col. 428.

Une seconde description de l’eucharistie est donnée un peu plus loin et complète la première : « Le jour dit du soleil, tous ceux qui habitent les villes ou les champs s’assemblent en un même lieu : on lit les Mémoires des apôtres ou les écrits des prophètes, tant qu’il y a lieu. Puis le lecteur s’étant arrêté, celui qui préside prend la parole pour morigéner (les assistants) et les exhorter a l’imitation de ces belles leçons. Ensuite, nous nous levons ensemble tous, et nous adressons des prières. Et, comme nous l’avons déjà dit, lorsque nous nous arrêtons de prier, du pain est apporté avec du vin et de l’eau ; et celui qui préside adresse des prières, semblablement et des actions de grâces autant qu’il a de force, el le peuple répond : Amen. Alors a lieu la distribution des choses eucharistiées, et chacun en a sa part, et aux absents on envoie la leur par les diacres. » J Apol., i.wii, 1-5, col. 429.

Mien n’est plus précieux pour nous que ces pages de l’Apologie de Justin, car elles renferment les plus anciennes descriptions que nous ayons de la liturgie eucharistique. Justin écrit a Home, mais il a vécu en Palestine eï en Asie. Il a dû constater partout les mêmes usages, et assister aux mêmes cérémonies. Si les formules des prières ne soul pas encore Axées, l’ordonnance générale de la liturgie es ! invariable, et elle est la même partout où il y a îles chrétiens. On se réunit le dimanche, parce que c’est le premier joui’de la

Création, et aussi le jour de la résurrection du Christ. / Apol., i.xvii, 7. I.a réunion a un caractère rituel lies

marqué : elle ne saurait être comparée à un repas

commun ; et rien, dans la description de Justin ne rappelle l’agape, ni de près, ni de loin. Chacun a son rôle parfaitement déterminé. Les fidèles se contentent d’assister à la cérémonie et de répondre Amen aux prières. Au début, un lecteur — peut-être faut-il dès lors entendre ce mot au sens propre, et penser qu’il désigne un membre du clergé — lit les Mémoires des Apôtres et les écrits des prophètes. L’homélie succède à la lecture : elle est prononcée par le président. Justin ne nomme pas l’évêque, mais c’est sans doute de lui qu’il s’agit. Comme il adresse son livre à des païens, il ne peut employer les termes techniques du vocabulaire ecclésiastique : il est à remarquer en tout cas que ce président est unique, qu’il est très nettement distingué de la foule, et qu’il possède des droits tout à fait spéciaux. Après l’homélie, viennent des prières, faites en commun, pour tous les besoins de l’Église : ces prières sont le témoignage le plus assuré de la catholicité, car nul n’y est oublié ; il s’agit de ceux qui sont partout, dans le monde entier. Le baiser de paix qui suit les prières est le symbole visible de l’unité des esprits et des cœurs.

Toute cette première partie n’est encore qu’une préparation. Voici qu’on apporte des pains et du vin trempé d’eau. Sur la théorie plus qu’étrange selon laquelle au temps de Justin, l’eucharistie aurait été célébrée avec de l’eau pure, voir A. Harnack, Broi und Wasser die eucharistischen Elemente bei Justin, Leipzig, 1891. Le président rend grâces à Dieu autant qu’il peut. Lui seul a donc la parole pour prononcer cette solennelle action de grâces. Le peuple se contentera de répondre Amen ; mais la prière est dite seulement par le président. Cette prière n’a pas une formule précise et définitive. Elle est plus ou moins longue ; mais elle existe partout, et sans doute peut-on croire que son dessin général est fixé, que les thèmes en sont invariables : adoration, louange, reconnaissance à Dieu et que seuls les mots varient au hasard des circonstances. Par cette prière, le pain et le vin sont eucharisties. Des diacres distribuent cette eucharistie aux fidèles présents et vont ensuite la porter aux absents.

Tel est l’aspect extérieur de la cérémonie. Quelle en est la signification profonde ? Justin l’explique au chapitre lxvi de l’ApDlogie, col. 428 : « Cet aliment est appelé chez nous eucharistie. A personne il n’est permis d’y prendre part, sinon à celui qui croit que vrais , sont nos enseignements, et qui a été baptisé du baptême de la rémission des péchés et de la nouvelle naissance, et qui vit comme le Christ a enseigné. Car nous ne prenons pas ces choses comme du pain vulgaire ou comme un breuvage vulgaire ; mais de la manière dont, fait chair par le Verbe de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur, eut une chair et du sang pour notre salut, ainsi aussi l’aliment eucharistie par un discours de prières qui vient de lui — aliment dont nos chairs et notre sang sont nourris en vue de la transformation

est la chair et le sang de ce Jésus fait chair : ainsi nous l’a-t-on enseigné. Car les apôtres, dans les Mémoires qui sont d’eux et qu’on appelle Évangiles, ont rapporté qu’il leur avait été ainsi prescrit : Jésus ayant pris du pain avait rendu grâces en disant : Faites ceci en mémoire de moi, ceci est mou corps. Et ayant pris la coupe seinblalilement, il avait rendu grâces en disant : Ceci est mon sang. Et à eux seuls il en avait donné. »

Eucharistie, au sens premier, signifie actions de grâces, et l’aliment eucharistie, eùx5<p<.-T77]0sïo’x Tpoç/i. dont parle ici Justin, c’est le pain et le vin sur lesquels le président a rendu grâces. Mais ce pain et ce vin

peuvent plus simplement être eux-mêmes désignés du nom d’eucharistie : xal rj rpoepr, aûnr) xaXeîrxt nxp’y ; [i.ïv eù/api-rcla. 1 Apol., lxvi, 1, col. 428 I’L’institution de l’eucharistie est rapportée au Christ.