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JUSTIN, DOCTRINES : LES SACREMENTS


venue du serpent. Eve était vierge, sans corruption ; en concevant la parole du serpent, elle enfantait désobéissance et mort. Or la vierge Marie conçut foi et joie lorsque l’ange Gabriel lui annonça la bonne nouvelle que l’Esprit du Seigneur viendrait sur elle… Il fut donc enfanté par elle, celui dont parlent tant d’Écritures, celui par qui Dieu détruit le serpent avec les anges et les hommes qui lui ressemblent, et délivre de la mort ceux qui font pénitence de leurs mauvaises actions et qui croient en lui. » Dial., c, 4-6 ; col. 709 D712 A. Justin ne développe pas davantage cette comparaison entre Eve et Marie, pas plus qu’il n’insiste sur les conséquences de la faute d’Adam. Mais il est clair que pour lui le mal est entré dans le monde à la suite de la désobéissance du premier homme. Il n’est pas moins clair que la rédemption a commencé à s’opérer lorsque Marie, la nouvelle Eve, a reçu le message de l’ange.

Eschatologie.

Après la mort, les âmes des

hommes ne sont pas jugées d’une manière définitive. Justin connaît des hérétiques qui ont l’audace de blasphémer le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui nient en outre la résurrection des morts et affirment qu’en même temps qu’ils meurent leurs âmes sont enlevées au ciel. Dial., lxxx, 4, col. 665 A. Mais il ne veut pas qu’on les tienne pour des chrétiens. Pour lui, il pense que les âmes attendent, celles des bons dans un endroit meilleur, celle des mauvais dans un endroit pire, le jour du grand jugement. Dial., v, 3, col. 488 AB. Ce jugement sera accompli par le Christ qui reviendra dans la gloire avec l’armée de ses anges. / Apol., lii, 3 ; Dial., xl, 4 ; un, 3 ; ex. Justin tient freaucoup à s’expliquer sur cette seconde parousie, qui a été annoncée si clairement par les prophètes, et que les Juifs confondent trop facilement avec la première venue du Sauveur, dans la faiblesse et l’ignominie.

C’est au jugement que se place la résurrection générale. Le Christ ressuscitera les corps de tous les hommes qui ont existé ; il revêtira les justes d’immortalité, et il enverra dans le feu éternel les méchants qui souffriront éternellement avec les mauvais démons. / Apol., lu, 3, col. 405 A. La résurrection était une croyance particulièrement difficile à faire accepter aux païens : aussi Justin s’efforce-t-il d’en démontrer la possibilité. La survie des âmes après la mort est prouvée par l’expérience : nécromancie, inspection des cadavres, évocation des âmes ; songes envoyés par les morts » oracles, récits des écrivains profanes ; autant d’arguments faciles à vérifier. / Apol., xviii, col. 356. Quant à la résurrection, on jie peut en fournir d’autre preuve que la toute-puissance de Dieu : si Dieu a pu faire sortir notre corps d’une simple goutte de sperme, combien plus facilement ne pourra-t-il pas le ressusciter au jour du jugement ? I Apol., xix, col. 356. Nous savons de plus que Justin avait peut-être composé un ouvrage spécial sur ce grand sujet.

Après la résurrection viendra pour les justes le règne des mille ans. Les expressions de Justin sont ici particulièrement intéressantes à citer. Tryphon, dans le Dialogue, a loué son interlocuteur de dire que Jérusalem sera rebâtie en son emplacement primitif, que le peuple des fidèles s’y rassemblera avec le Christ, en même temps que les patriarches, les prophètes, et leg saints de race juive et les prosélytes convertis avant la venue du Christ. Mais il veut savoir si Justin a été loyal en faisant cette déclaration qui le surprend. Justin riposte alors : « Je ne suis pas assez misérable pour dire autrement que je pense. Moi-même et beaucoup d’autres, nous avons ces idées, au point que nous savons parfaitement que cela arrivera ; beaucoup par contre, même chrétiens de doctrine pure et pieuse, ne le reconnaissent pas. » Ainsi, d’après lui, le millenanarisme est une opinion libre, que beaucoup de fidèles

ne partagent pas. Il faut ajouter cependant que ces fidèles sont imparfaits, car l’apologiste conclut : « Pour moi et pour les chrétiens d’une orthodoxie intégrale, nous savons qu’une résurrection de la chair arrivera pendant mille ans dans Jérusalem rebâtie, décorée et agrandie, comme les prophètes Ézéchiel, Isaïe et les autres l’affirment. » Dial., lxxx, co !. 664668. Ainsi pour Justin, la résurrection et le millénarisme sont deux dogmes liés l’un à l’autre. Ce sont aussi deux dogmes qu’il emprunte uniquement à l’Écriture. La philosophie pourrait l’empêcher de les accepter, ou tout au moins elle lui suggérerait des commentaires allégoriques qui atténueraient la portée des textes bibliques. Justin est trop loyal pour avoir recours à de tels procédés. Étant chrétien, il veut l’être complètement ; et tout en refusant de condamner ceux qui n’acceptent pas le millénarisme, il les regarde comme des chrétiens imparfaits.

Le dernier acte de l’histoire sera l’embrasement du monde. Dieu retarde la catastrophe à cause de la race des chrétiens. Mais l’univers, un jour, périra par le feu. // Apol., vii, 2-3 ; I Apol., xlv, 1 ; lx, 8-9. Justin ne donne aucun détail sur ces ultimes événements : il se contente d’opposer sa doctrine à celle des stoïciens, et de rappeler que la conflagration finale est annoncée par l’Écriture Sainte.

V. LES sacrements.

Un exposé de la théologie de Justin ne serait pas complet, s’il ne contenait pas le rappel des pages écrites par l’apologiste sur le baptême et l’eucharistie. « Les réunions chrétiennes avaient été calomniées par des imaginations salies au contact des légendes païennes, préparées à découvrir sous les rites religieux des abominations répugnant à la nature humaine, même faible, même dépravée… L’honnête Justin refusa toujours de discuter ces propos infâmes. Une fois même, il osa mettre les païens au défi de. condamner les chrétiens, fussent-ils rituellement coupables de ces crimes : « Pourquoi en effet ne pas confesser en public que tout cela est bien ? pourquoi ne pas dire que c’est là une philosophie divine ; que nous célébrons par l’homicide les mystères de Cronos ; que quand nous nous abreuvons de sang, comme on (lit, nous faisons comme l’idole que vous honorez… que nous imitons Zeus et les autres dieux, en nous livrant sans retenue à des crimes contre nature et à la l’adultère ? » // Apol., xii, 5, col. 464 BC. Mais il ne pouvait s’en tenir à cette outrance d’un cœur exaspéré par l’injustice. D’autres s’obstinèrent, malgré tout, à garder le silence sur le mystère des réunions chrétiennes. Nous devons à la sincérité de Justin le récit de tout ce qui s’y passait. » M. J. Lagrange, SaintJustin, p. 185 sq.

Le baptême.

Voici d’abord la description du

baptême : « Ceux qui croient à la vérité de nos enseignements et de notre doctrine promettent d’abord de vivre selon cette doctrine. Alors, nous leur apprenons à prier et à demander à Dieu, dans le jeûne, la rémission de leurs péchés, et nous-mêmes nous prions et nous jeûnons avec eux. Ensuite, ils sont conduits par nous au lieu où est l’eau, et là, de la même manière que nous avons été régénérés nous-mêmes, ils sont régénérés à leur tour. Au nom de Dieu, le père et maître de toutes choses, et de Jésus-Christ notre Sauveur et du Saint-Esprit, ils sont alors lavés dans l’eau. » I Apol. lxi, 2-3, col. 420 C.

Quelle est la signification de ce rite ? Justin déclare qu’on lui donne le nom d’illumination. <p<OTia[z6ç, parce que ceux qui le reçoivent ont l’esprit illuminé, ibid., 12 ; les néophytes sont appelés <pGmÇô|isvoi, çamaOévrsç Ces termes ne sont pas de l’invention de l’apologiste qui a dû les trouver dans l’enseignement traditionnel. Les néophytes sont aussi nés de nouveau, et le baptême est une nouvelle naissance, &vorféwi]<ftç, / Apol,