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    1. JUSTIN##


JUSTIN, DOCTRINES : LA DESTINÉE HUMAINE

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comme de véritables possédés. // Apol., i, 2 ; cf. xii, 3-4 ; col. 444 A, 464 B.

Cependant le pouvoir des démons n’est pas illimité. Dès avant la venue du Sauveur, ils ont pu contrefaire, par des procédés d’ailleurs maladroits et grossiers, l’histoire du Verbe. Mais ils n’ont jamais attribué à aucun des prétendus fils de Zeus le sujjplice de la croix, dont ils ne pouvaient avoir l’idée, parce que tout ce qui avait été écrit à ce sujet était symbolique. / Apol., iv. 1, col. 412 A. Le Christ venu, ils se sont heurtés à sa puissance. Le diable, c’est-à-dire cette puissance qu’on appelle aussi Serpent et Sa-tan s’approcha de lui pour le tenter. Mais le diable fut vaincu et dut se retirer honteusement. Dial., an, 6 ; cxxv, 4, col. 717 B ; 768 AB.

Leur rage contre le christianisme demeure aussi sans efficacité profonde. Dieu, qui pourrait d’un geste anéantir les démons, ne tolère leurs vaines persécutions que pour permettre aux chrétiens d’accroître leur nombre. I Apol., xlv, 1. Déjà cependant, les signes sont manifestes de la déchéance des démons. Les chrétiens qu, croient à Jésus notre Seigneur, exorcisent tous les démons et esprits mauvais qui sont contraints d’obéir. II Apol., vi, 6 ; D/aZ., xxx, 3 ; xxxv, 8 ; lxxxv, 2 ; exi, 2 ; cxxi, 3. Le règne des démons touche à) sa fin : suivant la prédiction du Christ, ils doivent être jetés au feu pour y être éternellement punis ; et si Dieu diffère leur châtiment, c’est à cause des hommes qui doivent se sauver par la pénitence. I Apol., xxviii, 1-2, col. 372 B. Dans le curieux fragment que cite saint Irénée d’un ouvrage perdu, nous voyons Justin déclarer que jusqu’à la venue du Christ, « Satan ignorait sa condamnation parce que les prophètes en avaient parlé en paraboles et allégoriquement. Après la venue du Sauveur, par les paroles du Christ et de ses apôtres, il a su indubitablement que le feu éternel lui est préparé, parce qu’il a fait volontairement défection à Dieu, ainsi qu’il est réservé à tous ceux qui persévèrent sans repentir dans l’apostasie. » Irénée, Cont. Ha-res., V, xxvi, P. G., t. vii, toi. 1194-1195.

L’âme humaine.

Comme il est naturel, Justin

s’intéresse surtout aux hommes : il ne parle des dénions que dans leurs relations avec l’humanité. Mais il ne s’explique guère sur la nature de l’âme humaine. Ce qu’il nous apprend de plus précis à ce sujet figure dans les premiers chapitres du Dialogue, c’est-à-dire dans le récit de l’entretien tenu par le vieillard mystérieux avec l’apologiste avant sa conversion. On peut croire d’ailleurs que, même chrétien, Justin a gardé les idées qu’il exprime dans ces chapitres, et pour lesquelles il se trouve d’accord avec son interlocuteur. Nulle part il ne définit l’âme ; il ne met pas en doute son existence ; il est entendu pour lui que l’homme se compose d’un’corps et d’une âme, et que l’âme est capable de s’élever à la connaissance de Dieu. Mais il enseigne avec beaucoup d’énergie que l’âme n’est pas in moi telle par elle-même, puisqu’elle n’est pas inengendrée : à ses yeux, rien de ce qui est créé n’est immortel : si l’âme participait à l’immortalité, elle serait d’essence divine, elle serait une partie de l’esprit souverain Il ne s’ensuit pas d’ailleurs que les âmes meurent : « Ce sérail vraiment une bonne affaire pour les méchants ; niais au contraire, que les âmes des hommes pieux restent dans un endroit meilleur, celle dea injustes et des méchants dans un pire, en attendant alors le temps du jugement. Ainsi les unes, celles qui auront paru dignes de Dieu, ne meurent plus ; h s autres sont châtiées tant que Dieu veut qu’elle ! existent <1 qu’elles soient châtiées. » Dial., v, 3, roi. 488 AB.

Dans ce passage, Justin parle comme si le supplice des méchants devait finir. Mais ailleurs, il exprime

formellement sa foi en l’éternité de l’enfer : « Les méchants comparaîtront avec leurs corps et leurs âmes, et leur supplice durera éternellement, et non pas seulement pendant une période de mille ans, comme le prétendait Platon. » I Apol., ui, 4, col. 337 C. L’immortalité de l’âme est donc exigée par la morale, // Apol., ix : si les châtiments d’outre-tombe n’existaient pas, il n’y aurait pas de Dieu ; ou bien s’il y en avait un, il ne s’occuperait pas des hommes. Cf. / Apol., lvii, 1. Mais la moralité elle-même suppose le libre arbitre et saint Justin insiste avec force sur la doctrine de la liberté humaine : les preuves qu’il en donne sont celles du sens commun ou de l’expérience quotidienne. « Si c’est le destin qui veut que cclui-ei soit bon et celui-là mauvais, celui-ci n’est pas digne d’éloge, ni celui-là de blâme. Et si l’homme ne peut par le libre choix de sa volonté éviter le mal et faire le bien, il n’a aucunement à répondre de ses actions… Nous voyons le même homme passer d’un extrême à l’autre. S’il était fatalement bon ou mauvais, il n’y aurait pas de ces contradictions dans sa conduite et il ne changerait pas constamment. » / Apol., xliii ; cf. // Apol., vii, 4 sq. ; Dial., Lxxxviii, 5 ; en, 4 ; cxli, 1. Aux arguments de raison, Justin ajoute une preuve d’autorité : un texte de Deut.. xxx, 15 et 19, un autre texte d’Isaïe, i, 16-20 démontrent sans réplique l’existence du libre arbitre, et l’on peut croire que quand Platon a dit : « La faute est à celui qui choisit, Dieu n’y est pour rien, » il a emprunté cette idée à Moïse. I Apol., xliv. Sans doute l’apologiste connaît les objections, et spécialement celle qu’on peut tirer de la prédiction de l’avenir, / Apol., xliv. 11 ; Dial., cxli, 2 : ces objections ne l’effraient pas et ne l’empêchent pas de proclamer la liberté absolue des hommes.

L’état surnaturel.

La liberté cependant doit

être secourue par la grâce divine. Justin lui-même ne peut interpréter l’Écriture que parce que Dieu lui en a donné la grâce. Dial., lviii, 1 ; cf. vii, 2-3 ; xxx, 1 ; xc, 2 ; xen, 1 ; cxii, 3 ; exix, 1. Et il écrit : * Nous qui vivions dans la débauche, dans toutes les actions infâmes, par la grâce venue de notre Jésus, selon la volonté de son Père, nous nous sommes dépouillés de toutes les impuretés dont nous étions couverts ; le diable, éternel adversaire, nous menace et veut nous attirer tous à lui ; mais l’ange de Dieu, c’esl-à-dire la puissance de Dieu qui nous fut envoyée par Jésus-Christ, lui tient tête et il s’écarte de nous. » Dial., cxvi, 1, col. 744 B. De tels passages sont rares.. Il suffit qu’ils existent pour que l’on doive en tenir le plus grand compte. Le monde dans lequel vit le chrétien est réellement, pour Justin, un monde nouveau. Certes, le disciple du Christ garde sa liberté ; il reste ce qu’il était par nature ; mais’la grâce le transforme : « Autrefois nous prenions plaisir à la débauche ; aujourd’hui la chasteté fait toutes nos délices. Nous nous livrions à la magie ; aujourd’hui nous nous consacrons au Dieu bon et inengendré. Nous aimions et nous recherchions plus que tout l’argent et les domaines ; aujourd’hui nous mettons en commun ce que frous avons, nous le partageons avec les pauvres. » / Apol., xiv, 1-2, col. 248 B.

Le péché originel reste presque complètement en dehors de la perspective de l’apologiste. Toutefois, Justin enseigne que la faute d’Adam nous a soumis à la mort : « (I.e Christ) a souffert d’être crucifié pour la race des hommes, qui depuis Adam était tombée au pouvoir de la mort, et dans l’erreur du serpent, chaque homme commettant le mal par sa propre faute. » Dial., lxxxviii, 4, col. 685. Plus Intéressant encore est le passage suivant : « Il s’est fait homme par une Vierge, de sorte que c’est par la voie qu’elle avait commencé que prit fin aussi la désobéissance