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JUSTIN, DOCTRINES : LE CHRIST


de la justifier et conclut : « Il est donc adorable et Dieu et Christ : celui qui a fait ce monde en rend témoignage, et ces paroles le montrent clairement. » DiaL, Lxiii, 5, col. 621 B. Mais Tryphon insiste : « Vous autres, convertis du paganisme, vous pouvez bien le reconnaître comme Seigneur et Christ et Dieu, puisque vous tirez de lui votre nom de chrétiens. Quant à nous, il n’en va pas de même : 7]U, sïç Se, toû Geoû toû va ocÙtÔv toûtov uoiïjaavTOç XaTpe’vTal oVreç, où 8e6u, e0a tt ( ç ôjxoXoytaç aùxoG oùSè -r^ç TrpooxùvTjæwç. » I)iaL. i.xiv, col. 622 C. Et Justin lui déclare que les Écriture s montrent le Christ passible et adorable et Dieu : vpaçâç, aï SiappTjSTjv tov Xpicrrôv xal tox67]tov xal T : poaxuv7)TÔv xal 0eôv à7ro8eixvûouaiv. DiaL, lxviii, 9, col. 636 B. On citerait facilement d’autres témoignages, car il y a peu d’affirmations plus souvent renouvelées par l’apologiste que celle du devoir qu’ont les chrétiens d’adorer le Christ. W. Bousset fait làdc ssus d’intéressantes remarques : « Nous n’avons pas, dit-il, de meilleur témoin de la foi de la communauté au Christ regardé comme le nouveau Dieu, que Justin ; si cet homme, que l’on est tenté de prendre pour un rationaliste, qui insiste tellement au cours de son argumentation apologétique sur le caractère absolunu nt rationnel du christianisme, dont la théologie personnelle s’oriente dans une direction si différente ; si cet homme, dis-je, ne se lasse pas de répéter mainte et mainte fois l’aflirmation paradoxale d’un ëxepoç 8ecç Trpcaxuv7)Ttç, c’est qu’il trouve derrière lui la tradition cemmune sur laquelle il s’appuie ; ou mieux le culte commun et la pratique du service divin auxquels il est attaché de tout son cœur. La prédication du SsÛtepoç Cecç lui est suggérée par sa piété, non par sa spéculation. » V. Bousset, Kyrios Christos, Geschichte des Christusglaubens von den Anfângen des Christentums bis Irenâus, 2e édit., Gcettingue, 1921, p. 253.

De fait, si les preuves de la divinité du Sauveur, telles que Justin les propose n’ont pas toujours une force décisive, son intention n’est pas douteuse. Soit qu’il s’adresse aux juifs dans le Dialogue, soit qu’il écrive pour les païens dans les Apologies, il veut démontrer que Jésus-Christ seul est proprement le Fils de Dieu. / Apol., xxiii, 2, col. 364 A.. Il s’adresse surtout pour cela aux prophéties qu’il groupe davantage dans l’Apologie, qui sont disséminées à travers la plus grande partie du Dialogue. « Jésus, dit-il, devait descendre de David, c’était annoncé par Isaïe ; et naître à Bethléem, c’était indiqué par Michée. La conception virginale était afliimée par Isaïe, suggérée dans la Genèse par des expressions mystérieuses, comme le sang de la vigne de Juda. On trouvait l’adoration des mages dans Isaïe, la fuite en Egypte dans David, la prédication de Jean-Baptiste dans Isaïe et dans Malæhie. David avait dit d’avance au nom de Dieu : Tu es mon fils. Isaïe avait parlé des miracles de Jésus, mais surtout de ses souffrances ; Jacob mourant et Zacharie, de son entrée à Jérusalem, monté sur un âne ; le psalmistede ses | ri ères, de ses angoisses, de son arrestation : Zacharie de la dispersion et de la fuite de ses disciples, (".’est encore dans les psaumes qu’on lisait le rassemblement du sanhédrin, le silence de’Jésus devant le procurateur romain, le complot eles Juifs avec Héroele e-t Pilate, la comparution de Jésus devant

Ilérode-, ses mains et ses picels percés, sa robe’tirée au sort, le-s railleries ele s Juifs, le cri suprême élu mourant recommandant sou âme a sem Père. Mis au tenubeau comme Isaïel’avait préelit, Jésus étail re-ssuscilé

d’après baie, et aussi David, qui avait prédit en emtre se-s apparitions et son ascension. » M..1. Lagrange, Saint Justin, p. 46 sq.

Un tel Faisceau d’arguments pouvait faireImpression. Les anciens, juifs et païens étalent plus sensibles que nous a la valeur eles prophéties e-t eles oracles

Mais, à y regarder de près, Justin ne prouvait par là que la mission divine de Jésus, tandis qu’il prétendait démontrer sa vraie divinité. Sans doute, dans le Dialogue, l’apologiste, pressé par Tryphon, insistait. 11 déclarait que toutes les théophanies de l’Ancien Testament étaient déjà autant de manifestations élu Christ, et que l’incarnation n’était que la dernière de ses apparitions, celle qui mettait le sceau à l’ancienne loi et inaugurait la loi nouvelle. Mais cette dernière preuve n’était pas elle-même sans danger, et l’on sait que la théologie postérieure n’a pas accepté l’interprétation donnée par Justin des théophanies bibliques.

L’apologiste était mieux inspiré en insistant sur quelques textes heureusement choisis, en particulier sur la prophétie d’Isaïe relative à la conception virginale. / Apol., xxxiii, 1 ; DiaL, xun ; lxvi-lxvih, etc. Tryphon refusait ici d’accepter la leçon des Septante, et adoptait celle d’Aquila et de Théodotion où le mot 7rap0évoç est remplacé par veïvtç. Justin était dans son droit en lui reprochant cette correction arbitraire ; et il faut avouer qu’une si mystérieuse naissance, promise à un personnage qui devait hériter d’autant de noms glorieux, entrer en possession de tant de dons ele l’Esprit divin, convenait admirablement à un Dieu. Les religions païennes avaient déjà aimé à entourer de miracles la naissance de leurs dieux : Justin connaissait ces récits et les rappelait à l’occasion, / Apol., liv ; DiaL, lxix-lxx ; mais c’était pour déclarer que les démons avaient voulu, par leurs inventions, tromper les hommes et les empêcher ele reconnaître la vérité.

La mission divine ele Jésus était également prouvée par ses enseignements moraux. / Apol., xiv-xvii ; // Apol., x-xii. Nul, mieux que Justin, n’a su mettre en relief l’efficacité de la préelication chrétienne : le spectacle de la vertu des fidèles l’ayant mis jadis sur le chemin de la conversion.il ne peut s’empêcher, élans ses écrits, de faire une large place à la transformation morale introduite dans le monde par la doctrine du Sauveur.

Christologie.

Il va sans dire qu’il ne faut pas

demander à saint Justin une christologie entièrement développée. L’apologiste sait que le Christ est Dieu. Il sait aussi qu’il est homme, un homme véritable, ayant passé comme nous par les infirmités de l’enfance et les croissances ele l’âge ; passible et souffrant comme nous. Il insiste, dans le Dialogue, sur ce dernier point, qui est pour Tryphon un motif de scandale. Tryphon, il est vrai, avoue que les Écritures annoncent un Christ souffrant, DiaL, lxxxix, 2 ; xxxix, 7 ; mais la croix l’étonné et le rebute. Justin multiplie donc les arguments à ce sujet, et peu d’épilhètes sont plus souvent appliquées au Christ que celle de tox0ï)t6ç. DiaL, xxxiv, 2 ; xxxvi, 1 ; xxxix, 7 ; xli, 1 ; xlix, 2, etc.

Quelques critiques, comme Semisch et Neaneler, ont accusé Justin de n’avoir pas admis l’existence en Jésus-Christ d’une âme raisonnable, et d’en avoir fait remplir les fonctions par le Verbe, ce qui est proprement l’hérésie apollinariste. Justin écrit -en effet que le Christ a paru pour nous, corps, verbe et âme : tov epavevTa 81’7)U, Sç XpiejTÔv xal ertùpia xal X6yov xal e^uX^ v - H Apol., x, 1, col. 460 B. Mais il n’est pas sûr que élans ce passage la tyw/T, ne elésigne que-, l’ànuanimale, et d’ailleurs élans le DiaL, cv, 5, nous voyons le Sauveur rendre à Dieu son esprit, àrroSiSo’JÇ t6 7rveôu, a, col. 721 B.

Rédemption.

Pourquoi le Verbe s’esl-il incarné

en Jésus-Christ ? Il est certain, el’après tout ce que nous avons élit, que c’est d’abord pour enseigner la vérité aux hommes. La première raison ele l’incarnation, c’est la révélation. Aux hommes epii avaient oublié la vérité, qui s’étaient laissé séeluire par les démons d’erreur et d’ignorance, il fallait avant tout