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JOËL. IDÉES ESCHATOLOGIQUES


passage ii, 12-17, ne contient pas d’allusion au jour de Jahvé à laquelle on s’attendrait, si 11& était de Joël. Cette appréciation de ii, 12-17, est encore plus fausse que celle de i, 15-20. Car nous y lisons d’abord un appel à une conversion tout à fait spirituelle et ensuite une prière très pressante, adressée à Jahvé pour qu’il ne livre pas son nom et son peuple à l’opprobre parmi les nations.

Au sujet du t. ii, 10a, où il est dit que devant l’armée des sauterelles la terre tremble, Sellin prétend qu’il contiendrait une trop grande exagération dans la bouche de Joël qui décrit uniquement le fléau des sauterelles et ne pense pas au dernier jugement. Mais l’exagération n’y serait pas plus grande que dans les versets 106 et lia où nous lisons que le soleil, la lune et les astres s’obscurcissent et que le Seigneur fait retentir sa voix. Et pourtant Sellin maintient contre d’autres critiques l’authenticité de ces versets.

Puis donc que les v. i, 15, ii, b-2a, 10a, 116, sont tout à fait en harmonie avec ceux qui les entourent, les retouches que Sellin suppose pour quelques autres versets, (n, 20, 27, 23), et qu’il attribue a la seconde main qui aurait ajouté i, 15, etc., sont encore plus arbitraires.

Aucun des arguments par lesquels Sellin veut prouver que quelques versets ayant un sens eschatologique sont en désaccord avec leur contexte, n’est donc valide. Il s’ensuit que c’est Joël lui-même et non un imitateur de sa prophétie qui a envisagé l’invasion des sauterelles comme un événement apocalyptique. Il n’y a donc aucune raison pour distinguer deux auteurs. C’est Joël qui a vu dans les insectes des avantcoureurs du dernier jugement et qui pour cette raison a consacré la seconde partie de son livre à décrire le grand jour de Jahvé.

IV. Idées eschatologiques.

Ce qui rend le livre de Joël si important, ce sont les doctrines eschatologiques. On l’a souvent nommé un compendium de l’eschatologie judaïque.

Dès la première description des sauterelles on sent que le prophète est dominé par l’idée de la fin du monde actuel. Il en est préoccupé bien plus que de la calamité causée par les insectes. Pour en parler, il emploie continuellement l’expression « jour de Jahvé ». Nous trouvons ce terme chez presque tous les prophètes. Par là ils désignent le moment solennel où Dieu, par une intervention directe, fera triompher le bien du mal, anéantira totalement ses ennemis ainsi que ceux d’Israël et fera commencer l’ère de bonheur et de gloire pour tous les élus.

A ce fond commun Joël ajoute un certain nombre de précisions qui sont la marque distinctive de sa prophétie.

Proximité du jour de Jahvé.

D’abord le prophète

dit à plusieurs reprises, i, 15 ; ii, 1, que le jour de Jahvé est proche. L’invasion des sauterelles n’en est que le prélude. Pour lui les deux événements sont si intimement liés qu’il emploie souvent pour les décrire les mêmes expressions. Or la teneur du texte s’oppose, comme nous venons de le voir, à l’explication qui envisage les insectes comme des êtres appartenant à un avenir lointain. Les ravages causés par eux ne sont que trop réels et trop actuels. Il faut donc en conclure que le jour du Seigneur ne tardera pas à venir. C’est justement cette conclusion que les tenants de l’explication apocalyptique n’admettent pas. « Il semble très peu probable, dit M. van Hoonacker, loc. cil., p. 140, que l’auteur ait conçu l’avènement du grand jour comme le corollaire immédiat d’un fait actuel. » Cette observation est sans portée. Ne constatons-nous pas plutôt chez les prophètes l’habitude de placer les faits messianiques et eschatologiques à l’issue de ! a période présente au lieu de les

projeter dans un avenir lointain ? Le cycle des prophéties d’Isaïe sur Emmanuel, Is. vii-xii, en fournit un exemple frappant. Le Messie y est continuellement conçu et présenté comme appartenant à l’époque du prophète. D’une manière générale l’intervalle qui sépare le moment présent de l’événement à venir, n’existe pas pour les prophètes. On peut dire avec raison que la suppression des perspectives est chez eux une loi. Il n’est donc pas étonnant de la retrouver chez Joël. Il s’y conforme plus que tout autre. Le jour du Seigneur est pour lui tout à fait imminent

Caractères de ce jour.

 Ce jour se caractérise par

la terreur qu’il répandra partout. « Il vient comme une tempête de la part du Tcut-Puissant, » i, 15 ; c’est un jour « d’obscurité et de ténèbres, de nuages et de brouillard. » ii, 2. Il aura cet aspect effrayant même pour les Israélites, s’ils ne se convertissent pas. C’est pour cela que le prophète adresse des appels pressants et réitérés de pénitence aux habitants de Jérusalem. Parce qu’ils répondent aux invitations de Joël, non seulement le fléau des sauterelles est écarté et remplacé par une grande fertilité dans le pays, mais surtout le jour du Seigneur devient un jour de gloire pour eux.

Série des événements eschatologiques.

Les différents

événements des derniers temps seront les suivants :

1. Le premier sera l’effusion de l’Esprit de Dieu, ni, 1-2 : « Le Seigneur répandra son Esprit sur toute chair. » Cette expression ne signifie pas toute l’humanité, mais seulement, d’après iii, 2, tout le peuple élu, y compris ses esclaves. L’effet en sera que tous les membres seront, des prophètes, c’est-à-dire des organes privilégiés et inspirés du Seigneur. De ce passage saint Pierre a fait l’application au mystère de la Pentecôte, Act., ii, 17-21.

2. Il y aura ensuite des prodiges sur la terre et dans le ciel : du sang, du feu et des colonnes de fumée, m, 3, effets produits sans doute par des guerres au cours desquelles le sang coule, les villes et les villages sont incendiés. A ces signes terrestres correspondront des commotions dans les astres. Le soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang, ni, 3, 4 et les étoiles perdront leur éclat, iv, 15. Jésus-Christ parle de ces derniers phénomènes en des termes qui sont presque identiques. Matth., xxiv, 29 ; Marc, xiii, 24 ; Luc, xvi, 11, 25.

3. Malgré la terreur générale, il arrivera que quiconque invoquera le nom de Jahvé sera sauvé ; car sur la montagne de Sion et à Jérusalem il y aura des réchappes (Vulg. salvatio), comme Jahvé l’a dit, ainsi que parmi les survivants que Jahvé appelle, ii 32. Ce passage difficile est diversement expliqué. A notre avis l’explication la plus naturelle est celleci :

« Tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur, » 

c’est-à-dire ceux sur lesquels l’Esprit de Jahvé vient d’être répandu, donc les membres de la nation juive par opposition aux autres peuples. Les réchappes sont divisés en deux groupes. Ce sont tout d’abord ceux qui sont établis à Sion et à Jérusalem. Pour cette première classe Joël cite une parole de Dieu ; il fait probablement allusion à Abdias 17, texte où il est également question des restes de la maison de Jacob.

En second lieu ce sont les Israélites de la dispersion que Dieu appelle, c’est-à-dire, fait revenir du milieu des païens. Ce sens de « appelle » est confirmé par le verset suivant, surtout par la particule causative qui le rattache au précédent.

4. La pensée des dispersés qui retourneront dans la patrie forme la transition à la scène principale du jour de Jahvé. Dieu fera venir non seulement les Israélites dispersés, mais aussi tous les païens. Tous les