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.TrSTIN. DOCTRINES : SOURCKS


évangiles et les prophètes : elles lisent également les uns et les autres aux réunions eucharistiques. En outre, pour faire une allusion manifeste à l’Apocalypse, qu’il attribue ailleurs, Dial., lxxxi, 4, à Jean « un des apôtres du Christ » Justin se sert de l’expression : d’après nos écrits, èx. twv Yj(i.exépwv o-i>yypa[Au, à-Ttov, / Apol. xxviii, 1, qui se rapproche déjà beaucoup de celle de ypotçaî. Enfin, s’il n’a pas employé le mot "’paçrj pour désigner les Évangiles, il a dit sans hésitation : il est écrit, —, éypaTtTai, non pas seulement < n parlant d’un dialogue entre Jésus et Pierre, Dial., c, 4 ; mais encore en parlant d’une simple affirmation du rédacteur : « Alors ils comprirent qu’il leur avait parlé de Jean le Baptiste. » Dial., xux, 5. On peut donc dire que le canon de Justin comprend, outre l’Ancien Testament, l’Apocalypse, et ce que Justin appelle « Mémoires des Apôtres t. A. Puech, op. cit., p. 91-92.

Ce dernier point mérite une attention particulière, à cause de l’époque à laquelle écrivait l’apologiste et à cause des nombreuses citations qu’il donne dans ses ouvrages.

Justin connaît donc des livres qui rapportent les faits et les enseignements du Christ.. Il les désigne généralement sous le nom de Mémoires des Apôtres, àno[i>r l y.oieùy.oi.xx twv àTroo-TÔXwv. Dial., c, 4 ; ci, 3 ; ai, 5 ; civ, 1 ; evi, 1, 4 ; ciii, C, 8 : 7 Apol., lxvi, 3 ; lxvii, 3. En un passage Justin parle des Mémoires des Apôtres et de leurs disciples, Dial., ciii, 8, col. 717 C : sv "i’àp toïç à7TO(xv7)[i.oveuji.aai.v, a cpTjfjU vkq twv àrcootoXwv aÙTOÛ xai twv èxeîvoiç 7tapaxoXou67]aàvTWv auvTCTtxxOai, yéypa7rnxi. Cette formule pourrait désigner les auteurs de nos quatre évangiles canoniques, puisque deux d’entre eux, saint Matthieu et saint Jean sont des apôtres, et que les deux autres, saint Marc et saint Luc sont des disciples des apôtres. De fait, saint Luc seul parle de la sueur de sang, à laquelle Justin fait allusion ici.

Justin connaît encore le terme d’Évangiles, qu’il emploie au pluriel, comme synonyme de Mémoires des Apôtres : ol yàp àrcoaToXoi èv toTç yevo(xévotç >n aÙTwv à710[jivy)[i.ov£UjjLaai.v, â xaXeîxat eùayyéXia. 1 Apol., lxvi, 3, col. 629 A. D’autres fois, le mot d’Évangile, est écrit au singulier ; une fois il est placé dans la bouche de Tryphon. Dial., x, 2, col. 496 C : û[j.wv 8è xoeî Ta èv tw Xeyojjiivw eùayyeXîw TrapayyéX-Honra ôau^aaxâ. Le juif Tryphon paraît vouloir dire : Dans ce que vous, les chrétiens, appelez l’Évangile. Mais Justin lui-même se sert de l’expression sans commentaire, Dial., c, 1, col. 709 A : v.oà Èv tw eùocyyeXîw 8e yéypoOTToa eîtewv tvvtol [xot 7rapoc8é80Toa Ctcô toù IlaTpôç. Cf. Matth., iii, 27.

Quels sont les écrits que Justin désigne sous le nom d’àn( J [ir l j.oei>[iy.— : oi. twv aKOCTToXwv ?. Il est certain d’abord que ce sont tout au moins les Évangiles synoptiques. On trouve chez lui des citations qui se rapprochent beaucoup de Matthieu et de Luc, plus rarement de Marc. Une étude détaillée de ces citations ne saurait être entreprise ici. On se contentera de signaler comme particulièrement intéressant l’examen des c. xv et xvi de la première Apologie, qui contiennent un résumé de renseignement moral du Sauveur, et qui s’appuient principalement sur le Discours sur la montagne, et de renvoyer aux ouvrages spéciaux, par exemple à E. Jacquier, Le Nouveau Testament dans l’Église chrétienne, 1. 1, Paris, 1911, p, 100-128. Les citations évangéliques de Justin sont réunies de manière commode dans E. Preuschen, Antitegomena, Die Keste. der ausserkanonischen Evangelien und urchristlichen Ueberlleferungen, 2° édit., Giessen, 1905, p. 33-52. Pour plus de détails, cf. Th. Zahn, Geschlchte des neutestamentlichen Kanons, t. i, p. 463-585.

L’examen des citations évangéliques de Justin a conduit les critiques à des conclusions différentes. <. Il y a une très grande divergence, écrit E. Jacquier, dans un bon nombre de passages entre le texte de saint Justin et celui des Évangiles. Ces divergences, quand saint Justin cite un texte, proviennent d’un mélange de textes de plusieurs évangiles, d’une combinaison de mots ou de formes… Assez souvent, il rapporte des faits ou des paroles évangéliques, mais il ne reproduit pas le texte de nos évangiles. Cette constatation… prouve simplement que saint Justin citait ordinairement de mémoire, et ne s’astreignait pas à vérifier les textes. Sa mémoire a pu lui faire défaut quelquefois. N’oublions pas que cette habitude de citer littéralement n’existait pas de son temps, et que, si saint Justin a été un des écrivains les plus libres dans ses citations, d’autres ont agi de même. » Op. cit., p. 108.

Ces remarques ne nous semblent pas fondées. La liberté prise par Justin à l’égard des textes évangéliques, tels que nous les connaissons, semble dépasser les limites permises. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un ouvrage, comme les Apologies qui doivent faire connaître aux empereurs la religion chrétienne, on comprendrait mal que Justin eût pu se contenter d’à peu près. S’il a des livres, il doit les citer exactement. Citant de mémoire, il offrirait prise à la critique en donnant pour écrit ce qui ne l’est pas. Et même s’il se fie à ses souvenirs, il est difficile d’expliquer pourquoi il brouille l’ordre, passant d’un évangile à l’autre ; mélangeant les mots de Matthieu et ceux de Luc, etc.

On ne peut guère admettre que Justin ait regardé comme Écritures des évangiles différents de nos évangiles synoptiques : nulle preuve décisive ne saurait être apportée de l’introduction de tels évangiles dans le canon scripturaire, même au milieu du ne siècle. Mais on est assez tenté de croire qu’il avait entre les mains une harmonie, quelque chose d’assez semblable à ce que son disciple Tatien devait composer quelques années après la rédaction des Apologies, sous le nom de Dialessaron, et où des éléments empruntés à nos trois synoptiques étaient rapprochés les uns des autres. Cette solution n’est proposée qu’avec beaucoup de timidité, et peut-être serait-il plus sage d’avouer tout simplement que le problème des citations évangéliques de saint Justin reste encore ouvert.

Justin a-t-il connu le IVe Évangile ? Cette question elle aussi, est fort discutée. Un point semble clair, c’est que jamais il ne cite l’Évangile de saint Jean sous la rubrique de Mémoires des Apôtres. On a parfois voulu faire état d’un passage du Dial, . cv, 1, col. 720 C. Movoyevrçç yàp ÔTt yjv tw LTaTpi twv ôXwv oijtoç, ISioç k£, aÙTOÛ X6yoç xal Suvocfiiç yeyevv7)(jt.évoç Koet ûtîTepov avGpwrtoç 81à ttjç 7rap6évou yevôu.£voç wç ànb twv àTro(xvr)(xoveujj.âTwv è|i.â00(i.ev, 7tpo£8r)Xwaa. Grammaticalement le renvoi aux Mémoires peut s’entendre du premier membre de phrase, où il est question du Monogène, du Verbe (cf. Joa., i, 1, 14) tout aussi bien que du second. Toutefois, comme d’une manière habi tuelle, saint Justin réserve le nom de Mémoires pour désigner les synoptiques, et qu’il a souvent déjà cité d’après eux la naissance virginale, on estimera beaucoup plus probable qu’il ne mentionne ici les Mémoires qu’à propos de ce dernier événement. D’autre part, les quelques allusions que l’on rencontre chez lui au ÎY" — Évangile ne sont jamais assez décisives pour s’imposer avec évidence. On trouvera le relevé de ces allusions dans E. Jacquier, Histoire des Unes du Soliveau Testament, t. IV, p. 61. Kemar

quons en tout cas que l’existence du IV* Évangile aux

environs de 150 et son attribution à saint Jean sont assez démontrées par ailleurs pour que l’absence du