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JUSTIN, DOCTRINES : SOURCES

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xcn, 1, col. 693 C. Ailleurs Justin avoue qu’il n’a pas de lui-même le talent de comprendre les Écritures, mais qu’une grâce lui a été donnée pour cela par Dieu. DiaL, Lvm, 1 ; xxx, 1 ; xcix, 1 : col. 605 D-608 A, 537 A, 752 A.

On voit dès lors la place que Justin accorde à la philosophie profane, et le rôle qu’il demande à la raison de jouer dans la série des démarches qui conduisent à la foi. Abandonnée à ses seules forces, la raison ne peut guère aller plus loin que la connaissance de Dieu et la distinction du bien et du mal. En fait, l’humanité, considérée dans son ensemble, s’est laissée séduire par les prestiges des démons qui ont institué le polythéisme, l’idolâtrie, et qui par de perfides imitations de la vérité ont essayé d’entraver l’œuvre de Dieu. I Apol., liv ; lxiv, col. 408-412, 425 C. Justin n’a pas de mal à dénoncer l’immoralité du paganisme. I Apol., xxv, col. 365. Sans doute n’insiste-t-il pas sur ce sujet, comme le fera par exemple Tatien. Mais il est bien obligé de reconnaître que la grande majorité des hommes ont été entraînés dans l’erreur et dans le mal ; seuls quelques privilégiés ont pu contempler d’un clair regard les vérités que l’intelligence humaine est capable de concevoir spontanément : encore la jalousie des démons les a-t-elle condamnés à la mort ou à l’exil, tels Socrate, Heraclite, Musonius. / Apol., v, 3 ; II Apol., viii, 1-2 ; x, 5 ; col. 336 B, 457 A, 461 A.

D’ailleurs « la philosophie, dès qu’elle a voulu construire des systèmes, au lieu de se borner à proclamer quelques principes fondamentaux, n’a pu éviter la contradiction et n’a rien édifié de solide. & A.Puech, op. cit., p. 69. Les stoïciens, qui ont établi en morale des principes justes, 77 Apol., viii, 1, déclarent que la connaissance de Dieu n’est pas nécessaire, DiaL, ii, 3 ; ils prétendent que tout obéit à la fatalité du destin. II Apol., vii, 4. Les péripatéticiens ne songent qu’à faire payer leurs enseignements. DiaL, ii, 3. Les pythagoriciens exigent de leurs élèves la science de la. musique, de l’astronomie, de la géométrie, avant de leur apprendre les principes de la philosophie, DiaL, ii, 4. Les platoniciens eux-mêmes, malgré la sagesse que Justin reconnaît à leurs doctrines, DiaL, ii, 6, se trompent souvent. I Apol., viii, 4. « Chez tous on trouve des semences de vérité, mais ce qui prouve qu’ils n’ont pas bien compris, c’est qu’ils se contredisait eux-mêmes. » I Apol., xliv, 10, col. 396 AB.

L’Écriture Sainte.

Il résulte clairement de ce

qui précède que la philosophie ne fait connaître que des vérités partielles. Si grande que soit la sympathie avec laquelle Justin parle des sages de la Grèce, il est obligé d’avouer que ces sages ne sauraient conduire au christianisme. La démonstration chrétienne s’appuie, en dernière analyse, sur l’Écriture Sainte, et particulièrement sur les prophéties. « Il y eut chez les Juifs, explique l’apologiste, des prophètes de Dieu, par lesquels l’Esprit prophétique annonça d’avance les événements futurs. Leurs prophéties furent gardées soigneusement, telles qu’elles avaient été prononcées, par les rois successifs de Judée, dans des livres écrits en hébreu de la main même des prophètes. .. Nous lisons annoncé dans les livres des prophètes, que Jésus, notre Christ, doit venir, qu’il naîtra d’une Vierge, qu’il parviendra à l’âge d’homme, qu’il guérira toute maladie et toute infirmité, qu’il ressuscitera les morts ; que, méconnu et persécuté, il sera crucifié, qu’il mourra, qu’il ressuscitera et montera au ciel ; qu’il est et est appelé Fils de Dieu, qu’il enverra des hommes annoncer ces choses dans le monde entier, et que ce seront surtout les gentils qui croiront en lui. Ces prophéties furent faites cinq mille, trois mille, deux mille, mille, huit cents ans avant sa venue, car les prophètes se succédèrent les uns

aux autres de génération en génération. » 1 Apol., xxxi, 1, 7-8, col. 376-377.

1. L’inspiration des Écritures est définie avec beaucoup de force : « Quand les paroles des prophètes sont prononcées comme en leur propre nom, ne croyez pas qu’elles proviennent de ces hommes inspirés eux-mêmes, mais qu’elles ont pour auteur le Verbe divin qui les meut. » / Apol., xxxvi, 1, col. 385 A. Tout à l’heure, il était question de l’Esprit prophétique ; ici il s’agit du Verbe divin. L’un et l’autre paraissent identifiés dans un nouveau passage : « Par l’Esprit et la Vertu de Dieu, explique Justin, il n’est pas permis d’entendre autre chose que le Verbe, qui est le premierné de Dieu, comme le prophète Moïse, déjà nommé nous l’a dit ; et c’est lui qui descendit sur la Vierge et la couvrit de son ombre ; c’est lui qui la rendit mère, non par commerce charnel, mais miraculeusement. »

I Apol., xxxiii, 6, col. 381 B. Nous reviendrons sur cette identification apparente du Verbe et de l’Esprit. La seule chose à retenir actuellement, c’est l’affirmation très catégorique de l’inspiration des prophètes.

2. Contenu de l’Écriture.

L’Ancien Testament est cité par Justin dans la traduction des Septante, dont il raconte l’origine, I Apol., xxxi, 2-5, col. 3.76 AB, non sans commettre un anachronisme inquiétant, car il prétend que Ptolémée, roi d’Egypte, fit demander à Hérode qui régnait alors en Judée, de lui envoyer les livres des prophètes. Il ne déclare pas que les soixante-dix vieillards ont été inspirés, mais il leur fait confiance bien plutôt qu’aux didascales juifs qui essaient de faire eux-mêmes leurs traductions. DiaL, lxxi, 1. Et il va jusqu’à penser que les Juifs ont supprimé entièrement de la traduction faite par les vieillards de Ptolémée beaucoup d’Écritures qui annonçaient trop clairement le Christ. DiaL, lxxi, 2, col. 641 B644 A.

Parmi ces passages retranchés, se trouvent un fragment d’Esdras, DiaL, lxxii, 1, que cite également Lactance, Div. Inst., IV, xviii, 22, probablement d’après Justin et qui peut être un commentaire chrétien de

II Esdr., vi, 21, un passage de Jérémie, DiaL, lxxii, 4, qui figure aussi dans saint Irénée, Cont. Hæres., IV, xxii, 1, et Prædic. Apost., 78 sous le même nom de Jérémie (Cont. Hæres., III, xx, 4 cite le même texte en l’attribuant à Isaïe). Au psaume xcv, Justin accuse les Juifs d’avoir supprimé les mots ouzo —où îùXoo dans leꝟ. 10, Si/rcac-re èv toïç sôvsiw ô xûpioç èoc.ai-Xeoasv à-o —o> ; ùXou. DiaL, Lxxiii, 1. Enfin, il prétend qu’ils ont, du moins dans un certain nombre d’exemplaires et à une époque récente, fait disparaître le verset de Jérémie. xi, 19 : èyw wç àpvîov axaxov, 9ep6[i.evov toù OusaGat.’Ett’èxh èXoy^ovTO Xoyi.— ; j.ov X£Y 0VT£ ? AsûtS, s(i.oaXto[j.ev lùXov eîç tov àpxov xùxoû xal exxpiijjfopiev aù-rôv èx y9jç Çcovtwv, xal tô Ôvofia ocÙtoû où (ayj ji, vv]a6fj oùxert. DiaL, Lxxii, 2. Il est remarquable que cette citation figure actuellement dans tous nos mss. et dans toutes nos versions du prophète Jérémie.

L’étude du texte cité par Justin est intéressante au point de vue de la critique textuelle, bien qu’il faille remarquer que l’apologiste ne cite pas toujours avec un soin rigoureux. Cf. H. B. Swete, An introduction to te Old Testament in greek, 2e édit., Cambridge, 1902, p. 417-421.

Le canon de Justin ne se borne pas à l’Ancien Testament, bien que l’apologiste n’emploie nulle part les expressions 7rc.Xaia 81.a07]x fj ou xcxivy] SiaOrpcrj pour désigner les Écritures, et réserve même le terme ypa <pat à l’Ancien Testament ; mais il rappelle qu’on lit le dimanche au service divin « les Mémoires des Apôtres ou les écrits des prophètes. » IApoL, lxvii, 3, col. 429 B. Les Églises que connaît Justin, et l’Église romaine tout d’abord, ne font donc aucune différence entre les