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JUSTIN, ŒUVRES


t. i, p. 211, admet la division suivante : la première partie comprend les c. x-xlvii et justifie, par l’Ancien Testament lui-même, l’abrogation du rituel mosaïque qui préfigurait la loi nouvelle apportée par Jésus-Christ. Une seconde partie, c. xlviii-cviii, démontre par les prédictions des prophètes, que l’adoration du Christ ne contredit pas la foi au seul vrai Dieu ni le culte du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; enfin la troisième partie, c. cix-cxli, cherche à prouver que les chrétiens sont le véritable Israël qui a hérité des promesses de l’ancienne alliance. Selon Bonwetsch, art. Justin, dans la Protest. Realencyclopàd /e, t.ix, p.645, il vaudrait mieux marquer auc. xxx la fin de la première partie. G. Archambault, op. cit., p. xc, déclare que le c. xun pourrait bien annoncer et commencer la seconde partie. De fait, ces discussions sont assez inutiles, puisque Justin lui-même déclare : « Je ne me soucie pas d’exhiber un échafaudage de preuves construit parle secours de l’art seul ; aussi bien n’en ai-je pas le talent, mais une grâce m’a été donnée de Dieu qui seule me fait comprendre ses Écritures. » Dial, Lvni, 1, col. 605 D-608 A.

L’importance historique du Dialogue est considérable. Ce n’étaient pas, au milieu du n siècle, des adversaires méprisables que les Juifs : Justin ne les a pas calomniés en les accusant d’être les principaux instigateurs de la persécution. Dial., xvi, 4, col. 512 AB. D’autres causes, sans doute, expliquent les persécutions : la haine des Juifs est une raison qu’on n’a pas le droit d’oublier. Cf. E. Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeitaller Jesu Christi, t. ii, 4e édit., Leipzig, 1907, p. 543-544.

Le personnage de Tryphon est bien le type du juif classique ; son exégèse est celle qui a prévalu dans les écoles rabbiniques. Nous sommes loin, avec lui, du judaïsme large et tolérant dont Philon d’Alexandrie est le modèle le plus achevé. Ce judaïsme-là à force de faire des avances à la philosophie grecque, se résolvait en une vague religion, fort indifférente à la pratique de la Loi. Tryphon est un disciple fidèle de Moïse ; sans doute admet-il que les païens peuvent arriver au salut, mais à la condition qu’ils se soumettent aux exigences du mosaïsme : « Fais-toi d’abord circoncire, dit-il à Justin, observe ensuite comme de droit le sabbat, les fêtes, les néoménies ; en un mot, accomplis tout ce qui est écrit dans la Loi, et alors sans doute obtiendras-tu de Dieu miséricorde. » Dial., vm, 4, col. 493 B. A la Loi, il ajoute même les prescriptions rabbiniques, et des critiques bien informés ont pu constater que Justin le représente comme un docteur très au courant des plus subtiles exégèses du Talmud. Cf. A. H. Goldfahn, Justin Martyr und die Agada, dans la Monatschrift fur Geschichte und Wissenschaft des Judentuns, t. xxii, 1873 ; Friedlânder, Patrislische und Talmudische Sludien, Vienne, 1878 ; A. Harnack, Judentum und Judenchristentum in Juslins Dialog mit Tri/phon, Leipzig, 1913.

L’attitude prise par Justin, et par tout le christianisme orthodoxe, à l’égard de Tryphon et de ses semblables, est d’autant plus à remarquer. Tandis que Marcion coupait résolument les ponts qui rattachaient l’Église à la Synagogue et opposait le Dieu bon du Nouveau Testament au Dieu juste de l’Ancien, Justin reste fidèle à l’enseignement du Sauveur et des Apôlres. Il persiste à regarder l’Ancien Testament comme une préparation au Nouveau, et il multiplie les efforts pour amener les Juifs à l’Église. De même que dans les Apologies il avait fait voir que les philosophes pouvaient conduire les païens à la foi, il montre, dans le Dialogue, que les prophètes sont les introducteurs, divinement inspirés, à la doctrine chrétienne. Sans doute, ses efforts ne sont pas couronnés de succès. Le Dialogue se termine sans que Tryphon

soit converti, et cette fin est plus conforme à la vraisemblance que le dénouement optimiste de tant d’ouvrages postérieurs.

Particulièrement intéressants sont les renseignements que fournit Justin sur les judéo-chrétiens, c’est-à-dire sur les chrétiens d’origine juive, car il y en avait encore quelques-uns en Palestine, dans la première moitié du second siècle. Justin connaît quelques-uns de ces convertis qui, tout en adorant le Christ, continuent à observer la loi mosaïque ; s’ils se contentent de rester fidèles aux prescriptions de la Loi, tout en frayant avec les chrétiens venus du paganisme, ils peuvent être sauvés. Dial., xlvii, 2, col. 576 D. D’autres voudraient imposer à tous les fidèles le joug de la Loi ; et ils ont tort ; on ne saurait admettre leur opinion, xlvii, 3, col. 577 AB. D’autres encore reconnaissent que Jésus est le Messie, tout en déclarant qu’il fut homme entre les hommes. « Je ne suis pas de leur avis, prononce Justin, et un très grand nombre de ceux qui pensent comme moi ne consentirait pas à le dire ; car ce n’est pas à des enseignements humains que le Christ lui-même nous a ordonné d’obéir mais à ceux que les bienheureux prophètes ont annoncés et qu’il nous a appris. » xlviii, 4, col. 581 A. Tout cela est très exactement pensé. Nous sommes d’autant plus surpris d’entendre Justin se dire en accord avec les Judéo-chrétiens pour admettre l’espérance de la reconstruction de Jérusalem et les promesses du millénarisme. « Pour moi et les chrétiens d’orthodoxie intégrale, tant qu’ils sont, nous savons qu’une résurrection de la chair arrivera pendant mille ans dans Jérusalem rebâtie, décorée et agrandie, comme les prophètes Ezéchiel, Isaïe et les autres l’affirment. » lxxx, 5, col. 668 A. Sans doute il sait que tous ne pensent pas comme lui, et que des chrétiens de doctrine pure et pieuse ont sur la consommation des choses un avis différent, lxxx. 2, col. 664 B. Mais on voit clairement que pour lui ces chrétiens ne connaissent pas la vérité intégrale.

Ouvrages perdus.

 Nous arrivons maintenant

aux ouvrages de Justin que nous n’avons pas conservés, sinon en fragments, et dont l’existence nous est connue par les témoignages anciens.

1. Sur la Résurrection.

D’un livre ainsi intitulé

et attribué à Justin, les Sacra Parallela de saint Jean Damascène renferment quelques fragments, dont le premier est considérable. P. G., t. vi, col. 15711592 ; EL Holl, Fragmente… aus der Sacra Parellela, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1899, t. xx, p. 36-49. Auparavant, Procope de Césarée citait déjà un traité de Justin, philosophe et martyr sur la Résurrection. In Genesim, 111, 21, P. G., t. i.xxxvii, col. 222 B. Enfin, dès le iiie siècle, Méthodius d’Olympe, dans son Aglaophon, rapportait, sans indiquer à quel ouvrage il l’empruntait, une formule intéressante qu’il devait à Justin de Neapolis, et qu’il faisait suivre d’une citation textuelle où était commsnté I Cor., x. Par son sujet la citation de Méthodius semble provenir d’un livre sur la Résurrection. Mais cet ouvrage n’est pas cité dans la liste d’Eusôbe. L’étude des fragments conservés n’est pas favorable à l’authenticité que l’on rejettera avec A. Puecli, Les Apologistes grecs du IIe siècle, p. 267-275, 339-342. Cf. G. Archambault, Le témoignage de l’ancienne littérature chrétienne sur l’aulhencité d’un rrept àvaaTxo-scoç attribué à Justin, dans la Revue de philologie, t. xxix, 1905, p. 73-93.

2. Contre toutes les hérésies.

Justin lui-même, dans la première Apologie, cite un ouvrage qu’il avait composé antérieurement, et qui était intitulé aJVTxyixx xarà 7rxawv tcov yzysvrjy.éia>v x’.péaswv aoVTSTXY|i.£^ov. / Apol., xxvi, .S, col. 369 A. Cet ouvrage a complètement disparu. Tentullien peut l’avoir en vue lorsqu’il cite Justin comme le plus ancien adversaire de l’hé-